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DOGME


cela ils engagent leur seule autorité privée, la doctrine de l'Église ne dépendant d’aucune interprétation particulière, mais uniquement des définitions ou déclarations du magistère public.

3e conclusion. — Les documents historiques, en nous faisant connaître les occasions les plus habituelles et les facteurs les plus ordinaires des développements dogmatiques, ne nous autorisent point à établir de loi universelle présidant à l'élaboration préparatoire ou à l’acceptation définitive de ces mêmes développements. L'établissement de telles lois est empêché par la multiple diversité de circonstances spéciales dont l’inlluence échappe à toute détermination précise : nature particulière du dogme à définir, talent des défenseurs de la vérité catholique ou de ses opposants, manière de poser et de conduire la controverse, attitude immédiatement approbative ou d’abord expectante ou simplement laudative de l'Église : besoins plus ou moins urgents des fidèles, enfin progrès plus ou moins considérables de l’erreur ou de l’hérésie naissante. Donc en même temps que l’on étudiera attentivement l’histoire particulière du développement de chaque dogme, l’on se gardera soigneusement de toute généralisation trop hâtée ou insuffisamment motivée sur l’ensemble de l’histoire des dogmes, généralisation qui serait le plus souvent déduite d’idées ou de systèmes préconçus.

conclusion.

Au point de vue théologique, le progrès, réalisé dans les dogmes par les nouvelles définitions ecclésiastiques, s’explique, suivant les cas particuliers, ou par un simple perfectionnement des formules ou expressions théologiques, ou par un développement explicatif du concept révélé.

Le premier cas ne peut présenter aucune difficulté au point de vue du fait de la révélation divine, puisque le sens exprimé par la définition nouvelle est toujours substantiellement équivalent au sens précédemment proposé. Jusqu’au XVe ou au XVIe siècle, les théologiens suivant l’exemple des Pères ne donnèrent, explicitement du moins, que cette seule explication des définitions nouvellement portées par l'Église. C’est celle que donne expressément saint Thomas, Sum. theol., II a II-', q. i, a. 9, ad 2um ; a. 10, ad l" ra, bien qu’il paraisse ne pas ignorer le cas du perfectionnement du concept lui-même par le passage de l’implicite à l’explicite, comme nous l’avons indiqué précédemment.

Dans le second cas, l’appartenance à la révélation, quoique moins manifeste surtout au premier aspect, est cependant très réelle, parce que le développement nouvellement défini est en réalité une partie intégrante du concept primitivement révélé, non en vertu d’un raisonnement théologique toujours incapable de conduire à une vérité effectivement révélée, comme nous l’avons prouvé au début de cet article, mais en vertu d’une simple analyse montrant l'étendue intégrale du concept révélé, et dans ce concept intégral, le développement dogmatique lui-même. Rappelons toute fois que cette manifestation de la vérité révélée, peut parfois se produire lentement et tardivement, parce que l’attention des théologiens n’est aucunement attirée sur ce point et que d’ailleurs la pratique alors existante dans l'Église est considérée comme pleinement suffisante pour les besoins des fidèles, parfois aussi parce que des difficultés encore non résolues empêchent pendant quelque temps les théologiens d’apercevoir une connexion pourtant très intime et très évidente avec la vérité révélée.

Cette doctrine du progrès dogmatique par le passage de l’implicite à l’explicite, indiquée d’une manière assez vague par Turrecremata au xve siècle, signalée nettement par Bannez à la fin du xvie siècle, exposée plus complètement par Suarez et de Lugo malgré quelques erreurs accidentelles sur l’objet de la foi, et assez communément suivie par les théologiens du

xvii « au xixe siècle, fut à peu près unanimement adoptée parles auteurs catholiques du xixe siècle, mais avec quelques divergences assez notables, relatives à la manière de l’entendre et surtout à la mesure à garder dans son application. Sur ces divergences déjà mentionnées, nous proposons les remarques suivantes :

1. Cette explicitation des dogmes, bien qu’elle se produise parfois par le développement d’une vérité révélée d’une manière simplement implicite, se produit le plus souvent par le développement d’une vérité révélée explicitement au moins à quelque degré minimum. La différence entre les deux cas, bien qu’elle ne soit pas toujours bien considérable pratiquement, est, en principe, bien réelle. Dans le premier cas, la vérité n’est point révélée dans son concept particulier, mais seulement dans une autre vérité qui, sans elle, ne pourrait avoir son concept intégral, comme l’immaculée conception de Marie relativement à sa divine maternité. Dans le second cas, le concept caractéristique de la vérité divinement révélée est manifesté au moins d’une manière partielle sous son aspect particulier. Le reste du concept, laissé pour un temps dans une sorte de pénombre, attend, pour être mis en pleine lumière, une occasion providentielle qui, attirant sur les développements dogmatiques ultérieurs, l’attention des docteurs ou des théologiens, suscite quelque nouvelle déclaration explicite du magistère ecclésiastique manifestant plus distinctement, plus clairement et plus complètement tout ce que comporte la révélation primitivement faite. Comme exemples de vérité ainsi révélées nous citerons particulièrement : a) La rédemption chrétienne, d’abord manifestée principalement sous le concept de délivrance de la servitude du péché et de réconciliation avec Dieu, comprenant en même temps quelque indication de l’expiation accomplie pour nous par le rédempteur, indication beaucoup mieux précisée et développée par saint Anselme et les théologiens scolastiques, préparant la définition explicite du concile de Trente sur la satisfaction offerte pour nous par Jésus-Christ. — b) La transsubstantiation résultant évidemment, dès l’origine, du langage scripturaire et des expressions constamment usitées dans les documents traditionnels, et manifestée, sous son concept entièrement explicite, seulement à une époque plus tardive, surtout à partir du XIe siècle après l’erreur de Bérenger. — c) Plusieurs vérités postérieurement définies par l'Église sur la nature et l’efficacité des sacrements, sur l’existence et la nature du caractère sacramentel, et formulées d’une manière moins complète dans les écrits néo-testamentaires et dans la tradition primitive, selon la remarque déjà faite précédemment.

Nous crojons que l’on doit particulièrement ranger dans la même catégorie de vérités révélées l’institution immédiate du sacrement de pénitence, selon l’enseignement du concile de Trente : Dominas autem sacramentum psenitentise tune prsecipue instiluit, cum a morluis excitalus, insufflavit in discipulus suos dicens : Accipite Spirititm Sanctum, quorum remiseritis peccata, remiltuntur cis, et quorum retinueritis, retenta sunt. Sess. XIV, c. i. Nous estimons aussi qu’il en est de même de l’institution des sacrements de confirmation, d’extrême-onction, d’ordre et de mariage, selon le jugement presque unanime des théologiens, interprétant en ce sens l’enseignement du concile de Trente, sess. VII, De sacramentis in génère, can. 1, et s’appuyant sur le témoignage assez constant de la tradition, bien que pour ces quatre sacrements, comme pour le sacrement de pénitence, il y ait eu, dans la suite des siècles, un progrès marqué dans la proposition des vérités dogmatiques qui les concernent.

On doit donc, ce nous semble, rejeter l’opinion émise par P. Pourrat, La théologie sacramentaire, p. 273 sq., d’une institution immédiate simplement implicite pour