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DOGME

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fidelibus exigere ullum internum assensum quo judicia a se édita complectantur. Mais les vérités ainsi définies ne sont point îles dogmes, parce que la révélation fait défaut. Leur connexion même nécessaire avec les vérités révélées, dès lorsqu’elle est manifestée seulement par le raisonnement théologique, ne peut leur assurer le bénéfice de la révélation implicite. Il est vrai que ces enseignements non révélés sont garantis par Dieu lui-même comme certainement vrais, par le fait même de l’institution du magistère infaillible de l’Eglise. Mais le fait de cette divine garantie en faveur d’un enseignement proposé par l’Eglise comme certain, loin de transformer celui-ci en enseignement révélé, le laisse réellement ce qu’il est dans sa nature intime. Tout ce que l’opinion contraire de Suarez, De fide, disp. III, sect. xi, n. 11, et du cardinal de Lugo, De fide efivina, disp. I, n. 272 sq., contient de vrai, c’est que les négateurs opiniâtres d’un enseignement non révélé, proclamé par l’Eglise comme vrai, pourraient être facilement présumés rebelles à l’autorité même de l'Église évidemment aflirmée par la révélation, et conséquemment opposés formellement à la révélation elle-même.

3. A plus forte raison, ne doit-on point ranger parmi les dogmes catholiques ces assertions doctrinales que l'Église n’a nullement définies et auxquelles elle donne une simple préférence, parce qu’elle les considère comme s’harmonisant mieux avec les doctrines définies, ou comme protégeant plus efficacement la vérité catholique. Telles sont, dans les documents ecclésiastiques, particulièrement dans les bulles ou encycliques des souverains pontifes, beaucoup d’affirmations doctrinales auxquelles tout catholique doit une prudente adhésion interne, distincte de l’inébranlable adhésion de la foi ou même de la ferme adhésion due aux vérités non révélées et positivement définies par l'Église. Franzelin, Tractatus de divina tradilione et Scriptura, 4e édit., Rome, 1896, p. 118 sq. ; Bouquillon, Theologiamoralis fundamentalis, 'àe édit., p. 55 ; de Groot, Summaapologetica de Ecclesia catholica, 2e édit., Ratisbonne, 1892, p. 569 ; Christian Pesch, Prælectiones dogmaticæ, 4e édit., Fribourg-en-Rrisgau, 1909, t. i, p. 353 ; Billot, Tractatus de Ecclesia Christi, 2e édit., Rome, 1903, p. 446 sq. Telles sont aussi les nombreuses décisions doctrinales portées par les Congrégations romaines avec l’approbation du souverain pontife, selon l’enseignement formel de Pie IX dans le bref du 21 décembre 1863 à l’archevêque de Munich. Denzinger-Bannwart, Enchiridion, n. 1681.

4° Il est non moins certain que l’approbation ecclésiastique, donnée aux révélations privées, ne les assimile point aux dogmes catholiques et ne les incorpore point au dépôt de la révélation chrétienne. Cette approbation, dans la mesure où elle existe, est seulement une garantie que ces révélations ne contiennent rien de contraire à la foi catholique, aux bonnes mœurs ou à la discipline chrétienne et que l’on peut, d’une foi purement humaine, y adhérer prudemment et avec profit spirituel. Melchior Cano, De locis theologicis, I. XII, c. iii, concl. ni, Venise, 1759, p. 280 ; Salmanticenses, Cursus theologicus, tr. XVII, De fide, disp. I, n. 115, Paris, 1879, t. xi, p. 54 ; Benoit XIV, De servorum Dei bealificatione, l. II, c. xxxii, n. 11, Rome, 1747, t. il, p. 402 ; Vacant, Études théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, Paris, 1895, t. ii, p. 291 ; Franzelin, op. cit., p. 256 sq. ; Bainvel, De magisterio vivo et tradilione, Paris, 1905, p. 129. Cette approbation suffit d’ailleurs amplement pour la réalisation du rôle providentiel des révélations privées : institution de quelques fêtes particulières, propagation de dévotions toujours soumises à l’approbation de l'Église et surtout instruction ou édification des âmes.

5° Il serait non moins injuste d’adjoindre aux dogmes catholiques les systèmes philosophiques auxquels

l'Église a, au cours des siècles, emprunté quelques expressions destinées à formuler ou à expliquer ses définitions, comme les expressions essence, personne, nature, substance, accident, matière, forme, cause instrumentale, habituellement employées dans l’exposition des mystères de la trinité, de l’eucharistie, ou dans l’explication de la nature des sacrements. Car dans la pensée de l'Église toujours attentive à borner sa définition à ce qui est strictement requis pour la défense du dogme révélé, toutes ces expressions ne s’identifient avec aucun système philosophique particulier. Elles n’ont qu’un sens général, courant, vulgaire, communément admis par les diverses écoles. Ainsi dans les définitions conciliaires sur la trinité et sur l’incarnation du Verbe, les mots nature et personne excluent tout sens qui favoriserait les erreurs sabelliennes ou ariennes, nestoriennes ou eutychiennes, ou se concilierait difficilement avec la réalité de l’union hypostatique, mais elles n'écartent aucune des opinions librement discutées entre catholiques sur ce qui constitue vraiment la personnalité.

De même, l’appellation de forme du corps humain, appliquée à l'âme rationnelle per se et essentialiter par le concile de Vienne en 1311, ne doit point s’entendre nécessairementau sens thomiste, de telle sorte qu’il soit vraiment défini que l'àme rationnelle est le principe de tout l'être appartenant réellement au corps. Le concile n’a point employé le mot forma au sens particulier de l'école thomiste, mais dans un sens plus général, acceptable aussi dans l’opinion d’Albert le Grand sur le composé physique et dans la théorie de Duns Scot sur la forme de corporéité. Vacant, Etudes théologiques sur les constitutions du concile du Vatican, t. i, p. 256 sq.

C’est encore dans un sens général que l’on doit comprendre les expressions des conciles de Florence et de Trente, relatives à la causalité des sacrements de la nouvelle loi. Les conciles n’ayant aucunement voulu définir que les sacrements sont causes physiques de la production de la grâce sanctifiante, au sens de saint Thomas, les expressions conciliaires doivent s’interpréter conformément à cette intention. D’où diversité d’opinions encore théologiquement permises après les définitions précitées. Pourrat, La théologie sacramentaire, Paris, 1907, p. 166 sq.

L’on doit d’ailleurs observer que de tels procédés de langage sont habituels même en philosophie. Dans la réfutation du subjectivisme ou du matérialisme, du déterminisme ou du fatalisme, de l’athéisme ou de l’agnosticisme, du socialisme collectiviste ou des faux systèmes sur le fondement de la morale, les mêmes termes de connaissance objective, d'âme spirituelle substantiellement unie au corps, de liberté, de connaissance de Dieu, de droit de propriété ou de réformes sociales et beaucoup d’autres expressions ont, malgré la divergence des systèmes particularistes, une même signification commune sur laquelle on s’entend contre l’adversaire commun.

6° Les remarques que nous venons de rappeler sur la nature des dogmes catholiques sont éminemment utiles pour leur apologétique générale. Car, comme le déclare le concile du Vatican, la vaine apparence de contradiction que l’on se plait à affirmer entre ces dogmes et les données de la raison, repose tout entière sur ce que l’on a de ces dogmes un concept autre que celui de l'Église et que l’on accepte comme données rationnelles indiscutables, de simples opinions ou hypothèses : inanis autem lui/us contradiclionis sjiecies inde potissimum oritur quod vel fidei dogmata ad mentem Ecclesix intellecta et exposita non fuerint, vel opinionum commenta pro rationis effatis Itabeantur. Concile du Vatican, sess. III, c. iv.

7° D’après la définition du dogme, telle que nous ve-