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DIEU (SA NATURE D’APRÈS LA PHILOSOPHIE MODERNE) 1296

son ensemble, on posséderait une preuve « irréfragable » de l’existence de Dieu, p. 455. Que nous reste-t-il, sinon à comparer les vraisemblances ? Si elle n’est pas certaine, la thèse qui affirme la divine existence est, au moins, plus vraisemblable que l’antithèse qui la nie. c L’existence par soi, lorqu’on la prend au sens absolu, l’univers avec son organisation si éperdùment vaste et profonde, ce sont là de prodigieux fardeaux. Ce n’est pas trop de Dieu pour les porter, » p. 457, 458. Qu’est-ce que Dieu ? Dieu est l’Esprit ; ce qui ne signifie pas qu’on doive le définir, suivant la formule célèbre « la quantité supprimée ». Dieu est étendu, et il dure, aussi bien que les corps. « La différence de la durée et de l’étendue divines avec celles des autres êtres est dans leur absoluité. Point d’étendue ni de durée qui bornent celles de Dieu. » De ce qu’il contient l’étendue et la durée de tous les êtres, il ne suit pas qu’il en subisse intégralement et fatalement les modifications ; car « c’est lui qui a mesuré jusqu’au champ d’action de leur liberté, » p. 458, 459. Dieu est nécessairement Esprit, mais librement Bonté. « Dans le champ des possibles s’offrait à l’Esprit, à côté de la bonté absolue, la perspective de quelque perversité énorme comme celles que l’imagination du pessimisme se tourmente à rêver. » Nous ne pouvons savoir que par l’examen des faits quel fut le choix de Dieu. Or, parce que le monde de nous connu atteste cette vérité toujours mieux établie : que nulle force étrangère au déterminisme ne lutte contre notre désir efficace du progrès, et qu’ainsi apprenant à utiliser les ressources de ce déterminisme, l’humanité peut travailler avec espoir au futur épanouissement de la personne humaine, nous devons conclure à la bonté de Dieu. D’autre part, néanmoins, parce que ce monde est trop mauvais pour qu’on puisse penser qu’il fut tel à l’origine, nous sommes pressés de conclure à la doctrine de la chute, p. 449, 465. Comment peut-on se représenter l’action créatrice ? Dieu opère en lui-même ce que Leibniz eut appelé : une distinction de points de vue ; ou, pour parler un langage plus moderne, il permit, « sans porter d’ailleurs préjudice à sa conscience centrale, » la formation autour de celle-ci « d’une pluralité de subconsciences. » Consciences ébauchées, qui devaient s’accompagner d’organismes élémentaires. De véritables consciences, c’est-à-dire des sujets distincts et libres, existèrent, lorsque Dieu vint à retirer son concours ou à en diminuer l’influence. Alors les fragments de la conscience totale s’en détachèrent « sous un certain aspect, » et, se posant comme des êtres, inaugurèrent librement une existence suivant leur choix, p. 465.

Tolstoï professe le culte d’un Dieu qui ne se distingue pas de l’univers. On constate particulièrement le panthéisme de Tolstoï dans La foi universelle, trad. franc., Paris, 1906. Dieu est le » Grand Tout », p. 233. L’homme est une « parcelle » du principe divin, p. 236. Le Dieu des bouddhistes, « le principe auquel l’homme s’unit, en plongeant dans le Nirvana, » ne diffère pas du Dieu des chrétiens, p. 237.

{{|sc|Conclusions.}} —

Historiques.


1. L’idée de Dieu reste toujours au premier plan de la spéculation philosophique.
2. En dehors de la tradition scolastique, la pensée moderne, qu’elle soit panthéiste, agnostique ou finitiste, semble rebelle au concept d’un Etre tout à la fois personnel et absolu.

Dogmatiques.

La théodicée suppose une juste notion de l’analogie, de la relation et de la compensation.
1. Oubliant ou ignorant qu’entre les termes équivoques et les termes univoques, il existe une troisième catégorie, qui se subdivise elle-même, suivant les différentes classes d’analogie, on désespère d’échapper à l’anthropomorphisme autrement que par un vague monisme idéaliste ou agnostique. Voir col. 784. —
2. Méconnaissant que toute relation n’est pas mutuelle, on conclut de l’intime dépendance de la créature à l’égard du créateur, que l’existence de Dieu implique celle du monde. —
3. Notre notion de Dieu doit être compréhensive non seulement pour que les divers éléments de la théodicée s’éclairent et se complètent les uns les autres, mais aussi pour que nos idées et nos tendances toujours imparfaites se corrigent mutuellement. Un goùl exclusif de la dialectique peut transformer la théodicée en un roman idéologique, et la causalité 1 divine en un principe impersonnel. D’autre part, les psychologues qui s’en tiennent aux lois de la pensée et de la moralité humaines, sans vouloir reconnaître de règle supérieure du bien et du vrai, nous représentent un Dieu trop voisin de notre condition, ou, s’ils ne parviennent pas à satisfaire leurs exigences anlhropomorphiques, ils écartent toute notion de la divinité. De même que le physicien a compris la nécessité du pendule compensateur, le philosophe doit adopter une méthode compensatrice, surtout en un sujet où interviennent tant de causes d’erreur. Il ne faut pas chercher à limiter le plus possible, mais, au contraire, à multiplier, les points de départ de la théodicée.

Outre les ouvrages et articles que nous avons indiqués, au cours de cette étude, voici d’autres travaux qui se rapportent à l’idée de Dieu dans la philosophie moderne : Gioberti, Introducione allô studio delta filosofia, 1840 ; Rosmini, Teodicea, 1845 ; Maret. Théodicée chrétienne, ou comparaison de la notion chrétienne avec la notion rationaliste de Dieu, Paris, 1850 ; Bartholmess, Histoire critique des doctrines religieuses de la philosophie moderne, Paris, 1855 ; Gratry, La connaissance de Dieu, Paris, 1864, t. r, p. 355 sq., et t. n ; Caro, L’idée de Dieu et ses nouveaux critiques, Paris, 1865 ; de Margerie, Théodicée, Paris. 1865 ; L.Stephen, History of Entjlish thought in the eighleenth century, I, Deism, Londres, 1881 ; Cbastand, L’idée de Dieu dans la philosophie spiritualiste contemporaine, Paris, 1882 : Sayous, Les déistes anglais, Paris, 1882 ; J. Fiske, Idea of God as affected by modem Knowledge, Londres, 1885 ; Pesch, Der Gottesbegriff, Fribourg-en-Brisgau, 1888 ; Zuller, Der Gottesbegriff, Halle, 1888 ; Drews, Die deutsche Spekulationseit Kant, mit besonderer Rùcksicht auf das Wesen des Absoluten und die Persônlickeit Gottes, Berlin, 1893 ; A. Farges, L’idée de Dieu d’après la raison et la science, Paris, 1894 ; M. Glossner, Der spekulative Gottesbegriff in der neueren Philosophie, Paderborn, 1894 ; IUingworth, Personality hwman und divine. Londres, 1894 ; J. Lindsuy, Récent Advances in Thcistic philosophy of Religion, Londres, 189" ; E. E. Powell, Spinozas Gottesbegriff, Halle, 1899 ; Sasao, Prolegomena zur Bestimmung des Gottesbegriffes bei Kant, Halle, 1900 ; Howison, The limits of Evolution and Other Essays, Londres, 1901 ; J. A. Leighton, Typical modem conceptions of God, New-York, 1901 ; Walthotîen, Die Gottesidee in religiôser undspeculativer Ilichtung, Vienne, 1901 ; J. J. Tigert, Theism, A survey of the path thatleads io God, Londres, 1902 ; A. H. Powell, The sources of eighleenth century deism, Londres, 1902 ; Caldecott et Mackintosh, Sélections front the Littérature of Theism, Edimbourg, 1904 ; J. K&spaiy, Humanitarian Deism, Londres, 1904 ; J. S. Mackenzie, The Infinité and the Perfect, dans The

Mmd, juillet 1904 ; Palmer, The idea of God, New-York, 1904 : R. A. Armstrong, Agnosticism and Theism in the Nineteenth Century, Londres, 1905 ; A. C. Me Gifler ! , The Cad of Spinoza as interpreted by Herder, dans Hibbert Journal, 1905, t. iii, p. 706-726 ; F. C. S. Schiller, Empiriclsm and the Absolule. dans The Mind. juillet 1905, p.848-370 ; M. I ihossat, art. Agnosticisme, dans le Dictionnaire apologétique de la foi catholique, édit. d’Alès, Paris, 1909, t. 1, col. 1-76.

N. MOISANT.

VII. DIEU. SA NATURE D’APRÈS LES DÉCISIONS DE L’ÉGLISE.

L’Église n’a pas eu souvent l’occasion d’affirmer solennellement sa doctrine sur la nature de Dieu, parce que rares ont été, dans son sein, les erreurs à ce sujet.

Dans les anciens symboles de foi.

On s’attendrait à trouver dans les premiers siècles de l’Eglise, en face du polythéisme à détruire, sinon une déclaration solennelle de l’unicité de Dieu par l’autorité ecclésiastique, du moins une profession formelle de foi monothéiste. La prédication si claire de Jésus et des