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DOGMATIQUE


2. Dans la démonstration des vérités révélées et des faits surnaturels dépendant de la libre volonté de Dieu, l’on ne devra accorder aucune valeur probante aux arguments de simple raison qui sont, tout au plus, de simples convenances contribuant à faire aimer et apprécier l’enseignement déjà connu par la foi, comme l’enseigne saint Thomas : Sitnt lamen ad hujusmodi veritatem manifestandam raliones aliquae verisimiles inducendse, adfidelium quidem exercitium et solatium, non autem ad adversarios convincendos ; quia ipsa rationum insufficientia eos magis in sno errore con/irmaret, dum œslimarent nos propler tam débiles rationes verilati fidei consentir e. Cont. geut., l. I, c. ix ; Sum. theol., i a, q. xxxii, a. I. Enseignement toujours fidèlement appliqué par l’angélique docteur par exemple, Sum. theol., I a, q. xxxv, a. 2, ad l" iii, mais auquel beaucoup de scolastiques ne se conformèrent pas toujours suffisamment. Ainsi en discutant la réalisation éventuelle de l’incarnation du Verbe au cas où l’humanité eut persévéré dans la justice originelle, il n’a point été rare d’étayer des affirmations absolues sur des preuves a priori, qui ne pouvaient pas elles-mêmes déterminer un fait dépendant uniquement de la libre volonté de Dieu insuffisamment manifestée en l’occurrence. L’abus, devenu plus accentué et plus général au xve siècle, est vigoureusement flagellé au siècle suivant par Melchior Cano qui refuse à de tels auteurs le nom de théologiens scolastiques. Delocis theologicis, l. VII, c. i, Venise, 1759, p. 188. Mais quels qu’aient été ces abus à l’époque de la décadence, ils ne sont que des excès individuels dont la méthode scolastique elle-même ne peut être rendue responsable.

3. Dans la réfutation des objections rationnelles, l’on ne doit point exagérer la valeur démonstrative des raisons employées pour les combattre. Il serait souverainement imprudent, en si grave matière, d’exposer les vérités de foi aux risques d’une opinion philosophique en elle-même discutable. D’ailleurs, il suffit que l’on prouve le manque de preuve solide chez, les adversaires de notre foi, selon cette conclusion nettement posée par saint Thomas : Ex quo evidenter colligitur quæcunique argumenta contra fidei documenta ponantur, hsec ex principiis primis natures inditis per se nolis non recte procedere. Unde nec demonslrationis vim habenl, sed vel sunt rationes probabiles, vel sophisticæ ; et sic ad ea solvenda locus relinquitur. Prudente réserve à laquelle plusieurs scolastiques ne se sont point assez assujettis, comme le déplore aussi Cano dans le passage précédemment indiqué.

4. On doit toujours se garder d’identifier avec l’enseignement de la foi ou avec la doctrine définie par l’Église, de simples opinions philosophiques ou des conclusions théologiques qui ne sont point strictement démontrées. L’inobservance de cette sage précaution pourrait facilement conduire aux plus fatales conséquences, soit en augmentant les préjugés contre la foi catholique ou contre la doctrine de l’Église, soit en exposant une vérité de foi au sort caduc d’une opinion philosophique ou théologique. Graves écueils que l’on n’a pas toujours su éviter ; témoin ces censures théologiques parfois prodiguées par des théologiens qui ont déployé trop d’ardeur contre des opinions unanimement reconnues indemnes de toute hétérodoxie à une époque postérieure ; témoin aussi ces qualifications de certa in fiile imprudemment données quelquefois à des propositions ne méritant point cette qualification théologique. Toutefois n’oublions point qu’il y a, de fait, des conclusions philosophiques certainement imposées a notre assentiment à cause d’une intime et évidente connexion avec un enseignement révélé. Nous voulons simplement affirmer ici que cette connexion ne dois pas être proclamée certaine sans motif suffisant, et que l’obligation de l’admettre ne doit pas être imposée sans raison légitime.

III. CONCLUSIONS RELATIVES A L’EMPLOI DE CES DEUX MÉTHODES.

1° Les considérations précédentes montrent que les deux méthodes doivent être nécessairement unies dans l’enseignement théologique élémentaire ou supérieur. Mais la proportion avec laquelle cette union doit s’accomplir n’est point nécessairement déterminée ; elle peut varier suivant les pressants besoins du moment et suivant le degré d’enseignement. Ainsi à notre époque en face des attaques multiples de la critique historique et exégétique, il est nécessaire d’accorder une plus large place qu’autrefois aux arguments critiques ou à l’exposition historique. C’est ce que recommande fortement Pie X dans l’encyclique Pascendi : Major profeclo quam antehac positiva theologise ratio est liabenda ; id lamen sic fiai ut nihil scholastica detrimenti capiat, iique reprehendanlm. ulpote qui modernistarum rem gerunt, guicumque positivant sic exlollunt ut sc/iolasticatn theologiatn despicere videantur.

Cette juste proportion peut encore varier selon le degré d’enseignement. Dans l’enseignement théologique élémentaire, où le jugement théologique des étudiants n’est point encore suffisamment formé, il peut être assez souvent préférable d’insister plutôt sur la méthode scolastique, qui est plus apte à donner une formation solide et qui est particulièrement nécessaire pour combattre efficacement, en soi et chez les autres, les excès et les abus de la critique positive. Mais il est toujours désirable que l’on fournisse, au moins pour les thèses les plus importantes ou les plus combattues, de larges indications historiques ou critiques, faisant bien connaître la méthode et prémunissant suffisamment contre les objections de la critique. Dans l’enseignement supérieur, où le jugement théologique îles élèves est plus mùr, où l’on doit d’ailleurs immédiatement préparer les spécialistes, une plus large culture positive devra être donnée en observant les précautions et conditions précédemment indiquées. Mais même dans cet enseignement, la méthode positive ne doit point, d’une manière générale, être prépondérante ; car elle ne pourrait l’être sans causer quelque détriment à la scolastique ; ce qu’elle ne doit cependant jamais faire, selon l’instante recommandation de Pie X.

2° En dehors de l’enseignement théologique élémentaire ou supérieur et des ouvrages qui y sont immédiatement destinés, il est très opportun que l’on s’affranchisse de la rigueur de la méthode scolastique et que l’on adopte une exposition plus large et plus moderne, apte à rendre l’enseignement scolastique plus attrayant et à le faire pénétrer dans des milieux qui lui restent encore défavorables. C’est surtout par ce rayonnement au dehors, plus nécessaire aujourd’hui que jamais, que l’on aidera le mouvement de restauration scolastique dont le succès importe tant au bien de la société chrétienne. Th. Richard, Étude critique sur te but et la nature de la scolastique, dans la llerue thomiste, 1901, p. 431 sq.


III. Divisions principales.

1° Chez les Pères de l’Eglise, depuis la fin de l’école apostolique jusqu’au Ve siècle, comme nous le montrerons bientôt, l’on ne rencontre aucune synthèse dogmatique. Les écrits dogmatiques de toute cette période sont habituellement des écrits d’occasion, ayant pour but particulier d’exposer ou de défendre un dogme spécialement attaqué par une hérésie ou une erreur contemporaine. Parfois l’exposition ou la défense de la vérité catholique peut exiger ou occasionner des aperçus ou des vues plus larges sur des dogmes connexes, surtout quand il s’agil de vérités très importantes comme l’incarnation ou la grâce, étendant leurs nombreuses ramifications dans