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CLEMENT XIII

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Soissons, et janséniste notoire, demanda la suppression de l’ordre en France. Ravignan, Clément X1I1, t. I, p. 508 sq. Impressionné par ces représentations, mais n’osant résister en face aux injustes entreprises du parlement, d’ailleurs mal conseillé par M me de Pompadour qui ne pardonnait pas aux jésuites de lui avoir refusé l’absolution, Louis XV fit solliciter le pape d’accorder aux jésuites français un vicaire général spécial, à peu prés indépendant du général de l’ordre. Cf. inslructionsau cardinal de Rochecliouart à Rome, 16 janvier 1762, dans Tlieiner, Epistolse et brevia, p. 33(5 sq. Le 28 janvier 1762, Clément XIII répondit par un refus très net. C’est clans cette occasion qu’il aurait prononcé le Sint ut snnt aut non suit. Ravignan, ibid., p. 101 sq. En juin 1762, le pape s’adressa au clergé de France réuni à Paris et le pria de conjurer la ruine de l’ordre en faisant au roi de nouvelles représentations ; lui-même écrivait de nouveau à Louis XV dans le même but ; tout fut inutile. Le 6 août 1762, un arrêt du parlement de Paris supprima la Compagnie dans son ressort ; les parlements de province suivirent bientôt cet exemple. Dans le consistoire du 3 septembre suivant, Clément XIII éleva contre cette iniquité une protestation éloquente ; par prudence il consentit à ce qu’elle ne fût pas publiée, mais lit part de son contenu à tous les cardinaux français dans des lettres datées du 8 septembre 1762. Ravignan, ibid., p. 145, 520 sq.

Deux épisodes de cette campagne dirigée contre les jésuites contraignirent le pape à une intervention spéciale. Le premier fut la malheureuse déclaration signée par le P. Etienne de la Croix, provincial de Paris, au nom des autres supérieurs et des profès de sa province, le 19 décembre 1761 ; après avoir protesté que la puissance royale en France « pour le temporel ne dépend ni directement ni indirectement d’aucune puissance qui soit sur la terre, et n’a que Dieu seul au-dessus d’elle » , et condamné « comme pernicieuse et digne de l’exécration de tous les siècles, la doctrine contraire à la sûreté de la personne des rois non seulement dans les ouvrages de quelques théologiens de notre Compagnie qui ont adopté cette doctrine, mais encore dans quelque autre auteur ou théologien que ce soit » , ils ajoutaient : « Nous enseignerons, dans nos leçons de théologie publiques et particulières, la doctrine établie par le clergé de France, dans les quatre propositions de l’Assemblée de 1082, et nous n’enseignerons jamais rien qui y soit contraire. Nous reconnaissons que les évêques de France ont droit d’exercer sur nous toute l’autorité, qui selon les saints canons et ! a discipline de l’Église gallicane leur appartient sur les réguliers ; renonçons expressément à tous privilèges à ce contraires qui auraient été accordés à notre Société et même qui pourraient lui être accordés à l’avenir. Si, ce qu’à Dieu ne plaise, il pouvait arriver qu’il nous fût ordonné par notre général quelque chose de contraire à cette présente déclaration, persuadés que nous ne pourrions y déférer sans péché, nous regarderions ces actes comme illégitimes et nuls de plein (luit.. Cet acte fut envoyé par le P. de la Croix au 1’. Ricci, général de l’ordre, pour avoir son approbation ; celui-ci exposa le cas à Clément XIII, qui, au dire de M. de Flesselles, rapporteur de l’affaire des j suites devant le conseil, g lit la réprimande la plus vive an général sur ce qu’il paraissait permettre que les membres de la Société lissent en France une profession aussi solennelle de sentiments contraires au droit et à l’autorité du Saint-Siège. » En conséquence, Ricci refusa son approbation au document envoyé de Paris, et le procès suivit son cours. Ravignan, Clément XIII, I. l. p. 137 sq., 517 sq. ; t. ii, p. 188 sq.

La seconde intervention du pape eut lieu à propos de la publication, faite en 1762 par ordre du parlement île l’aris, des Extrait* des assertions dangereuses et pernicieuses que les jésuites étaient censés avoir soutenues

dans leurs écrits ; tous les évêques de France en reçurent un exemplaire. Cette indigeste compilation, où abondaient les citations tronquées ou falsifiées, où des propositions universellement admises dans l’Église étaient flétries, fut condamnée par la grande majorité des évêques ; trois seulement osèrent l’approuver dans des mandements, MM. de Fitz-James, évêque de Soissons, de Ceauteville, évêque d’Alais, de Grasse, évêque d’Angers. Le pape condamna solennellement le mandement de Soissons (13 avril 1763), et blâma en termes plus doux ceux des deux autres évêques, moins violemment engagés. Ravignan, Clément XIII, t. I, p. 129 sq. Au début de 1761, un nouvel arrêt du parlement de Paris frappait d’exil et privait de leur modique pension les jésuites qui refuseraient de renoncer formellement à leur institut et de souscrire aux qualifications injurieuses qui lui étaient inlligées par l’arrêt de suppression. Presque tous s’exilèrent. Enfin, en novembre de la même année, Louis XV, par un édit « irrévocable » statua « que la Société n’existerait plus en France, qu’il serait seulement permis à ceux qui la composaient de vivre en particulier dans les Etats du roi, sous l’autorité spirituelle des ordinaires des lieux, en se conformant aux lois du royaume » . Cf. Saint-Priest, Histoire, p. 298. Cette dernière injustice décida le pape à une solennelle intervention. La bulle Aposlolicmn pascendi du 9 janvier 1765 résume tout ce que, dans ses lettres aux rois et aux évêques, Clément XIII avait exposé pour la défense de l’ordre persécuté. Après avoir affirmé que rien ni personne au monde ne saurait empêcher le pontife romain de remplir ses devoirs de pasteur, « et qu’un de ces devoirs les plus graves était la défense des ordres réguliers approuvés par le siège apostolique, » il faisait un magnifique éloge de la Compagnie et de ses œuvres ; puis, rappelant les attaques qui l’avaient assaillie dans divers pays, « aucune injure, aucune offense plus sensible ne pouvait être lancée à l’Église catholique ; elle aurait donc erré honteusement en jugeant solennellement qu’un institut impie et irréligieux était pieux et agréable à Dieu. » Pour rendre justice à l’ordre accusé, pour répondre aux vœux de plus de deux cents évêques qui lui avaient écrit en sa faveur, le pape « décrétait et déclarait, après ses prédécesseurs, que l’institut de la Compagnie de Jésus respirait la piété et la sainteté tant dans son but que dans les moyens qu’il emploie » , et approuvait lui-même, en confirmant les approbations de ses prédécesseurs, « cet institut suscité par la divine providence pour faire de grandes choses dans l’Eglise. » Pour qu’aucun doute ne restàl sur ses intentions, le pape donnait des louanges spéciales à tous les moyens d’action que les ennemis de l’ordre avaient le plus calomniés, missions étrangères, prédication, enseignement théologique et littéraire, exercices de saint Ignace, congrégations de la sainte Vierge, ouvrages de doctrine et de controverse. Bullarium, p. 915 sq. Cette bulle, comme il fallait s’y attendre, fut supprimée et condamnée en Portugal, en France, à Naples ; mais l’adhésion de nombreux évêques de tous les pays, et tout spécialement de l’assemblée du clergé de France en 1765, fut pour le pape une ample consolation. On trouvera les plus belles de ces lettres dans l’ouvrage du P. de Ravignan, t. i, p. 198 sq. ; t. il, p. 300 sq.

En Espagne et dans le royaume de Naples.


Jusque-là Charles III d’Espagne avait donné au pape pleine satisfaction ; sincèrement chrétien, de mœurs régulières, il avait consenti en 1763 à retirer une pragmatique, qui l’année précédente avait lésé les droits du saint-siège et restreint la liberté des ordres religieux. Theiner, Histoire, t. i, p. 63. Malheureusement il avait dans son entourage des hommes très hostiles à la cour romaine et à ses défenseurs, particulièrement le comte d’Aranda, Roda, Campomanez. Acharnés à la perte des jésuites, « ils poussèrent Charles III dans une voie