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CONSTANCE (CONCILE DE)


Il n’y a pas là un dogme imposé à la croyance de l’Église universelle.

Le dominicain Melchior Cano, De lotis tkeologicis, 1. V, c. vi, aussi bien que le jésuite Bellarmin, De conciliorum auctorilate, 1. II, c. xix, ont repoussé les décrets de la IV’-' session du concile de Constance, « parce qu’ils n’avaient pas été rendus dans la forme des décisions dogmatiques, laquelle consiste à obliger les fidèles à croire comme de foi ce qui est décidé ou à condamner ceux qui pensent autrement. » Sans doute, cette remarque n’a pas une portée absolue ; on doit cependant en tenir compte. Cf. Ma r Maret, Du concile général et de la paix religieuse, 1. III, c. vi ; E. Ollivier, L’Église et l’État au concile du Vatican, 1. 1, p. 68. Qu’on relise à la lumière de cette explication le texte des décrets de la Ve session et l’on verra qu’ils prennent le sens le plus naturel.

Bien plus, les Pères du concile semblent l’avoir eux-mêmes interprété dans ce sens. Lorsque le cardinal d’Ailly pria les Pères de rendre la sentence contre Wycleff et Hus au nom du concile seul, sans faire mention du pape parce que le concile lui est supérieur, la commission nommée à l’effet d’examiner cette question se prononça contre lui à une grande majorité. Sur quarante théologiens, douze seulement partagèrent l’opinion de Pierre d’Ailly. Cela se passait le 17 avril 1415, onze jours après la fameuse Ve session tenue le 6 avril. Donc la majorité ne voulait pas que la décision du 6 avril s’imposât à la croyance universelle et que l’on dût admettre comme article de foi la supériorité du concile sur le pape. Ce qui est aussi remarquable, c’est que le cardinal d’Ailly ne cite point en faveur de son sentiment les décrets de la Ve session. Il n’en parle pas davantage dans le traité qu’il publia dix-sept mois après et qui est intitulé : De Ecclesise, concilii generalis, romani pontificis et cardinalium auctoritate. Il s’en remet à une décision postérieure du concile. Or, cette décision doctrinale n’est point intervenue.

En face du concile de Bâle, le pape Eugène IV a déclaré positivement que les Pères de ce concile donnaient aux décrets de Constance une portée excessive, injustifiée et contraire à l’intention de ceux qui les avaient promulgués. Voir les textes cités à l’article Bale (Concile de), t. il, col. 127, 128.

Donc, à notre avis, le concile de Constance n’a pas eu l’intention de promulguer une définition dogmatique lorsqu’il a rendu les décrets de la IVe et de la V 8 session.

Nous ajoutons que, malgré certaines apparences, le pape Martin V n’a pas approuvé ces décrets.

Martin V a approuvé — en tout ou en partie, c’est la question — l’œuvre du concile en deux circonstances : 1° dans la bulle lntercunctas du 22 février (8 kal.martii) 1418, dirigée contre les erreurs et les partisans de Wyclelf, de Jean Hus et de Jérôme de Prague ; 2° dans la XLVe et dernière session du concile, le 22 avril 1418, à propos de l’affaire de Falkenberg.

Dans la bulle lnter cunctas, parmi les questions qui doivent être posées aux suspects, on lit celle-ci : Utrum (suspectus) credat quod illud sacrum concilium Constantiense, universalem Ecclesiam reprsesentans, approbavit et approbat in favorem (idei et ad salulem animarum, quod hoc est ab universis Christi /idelibus aji/irobandum et lenendum ; et quod condemnavit et condemnal esse fidei vol bonis moribus contrarium, hoc ab eisdeni esse lenendum pro condemnato. De ce texte, beaucoup de membres du concile de Bâle, et par la suite les gallicans, on ! inféré que Martin V avait reconnu l’oecuinénicité du concile de Constance tout entier et par conséquent ratifié même les décrets des IV et Ve sessions. Or, celle conclusion est contredite par le langage de Martin V lui-même et d’Eugène IV.

Pour se tirer de cette difficulté, certains auteurs et particulièrement, au xvir siècle, Emmanuel de Schels trate, bibliothécaire du Vatican, diss. III c. ii, cité par Lenfant, Histoire du concile de Constance, t. ii, p. 220, ont insisté sur les expressions in favorem fidei et ad salutem animarum, et ont soutenu que la question de la supériorité dn concile sur le pape n’est pas de foi et n’intéresse pas immédiatement le salut. Mais cette idée, soutenable à l’extrême rigueur au xviie siècle, ne l’est plus depuis que la doctrine a été élucidée et déterminée par la délinition du concile du Vatican ; le décret de Constance sur la supériorité du concile, si on le prend dans un sens absolu, est contraire à la foi catholique et donc intéresse le salut.

D’autres ont essayé de lire dans le premier article : in his quse pertinent ad finem et exstirpationem dicti schismatis, au lieu de ad fidem, ce qui donnerait à la proposition un sens restreint et acceptable ; mais les anciens manuscrits sont unanimes et portent ad fidem.

Il faut donc conclure que Martin V a employé volontairement une expression vague, afin de ne pas provoquer de conflit dangereux, qu’il ne considérait comme prises in favorem fidei et salutem animarum que les décisions du concile concernant Wyclefi, Jean Hus, Jérôme de Prague, la fin du schisme et la réforme de l’Église, et non pas les décrets qui, sous leur forme absolue, n’étaient nullement in favorem fidei et salutem animarum. C’est précisément ce qui résulte de son langage et de ses actes subséquents. La bulle du 10 mars 1418 qui interdit tout appel de la sentence du pape au futur concile prouve suffisamment que Martin V n’admettait pas la supériorité du concile sur le pape.

On ne peut pas d’ailleurs restreindre, comme le font quelques-uns, l’approbation donnée par Martin V aux seuls actes du concile concernant les erreurs deWycleff et de Jean Hus, car il eût compromis sa propre légitimité en n’approuvant pas les actes qui avaient mis fin au schisme. Mais, nous le répétons, la sagesse la plus élémentaire exigeait qu’à ce moment-là certaines choses fussent laissées dans le vague et dans l’ombre.

Il a été dit plus haut que l’écrit du dominicain Falkenberg avait été condamné par la commission de la foi, par les nations et par le sacré-collège, mais non par le concile réuni en session générale. Dans la XLVe et dernière session du concile, le 22 avril 1418, les députés de Pologne et de Lithuanie voulurent, par l’intermédiaire de l’avocat consistorial Gaspard de Pérouse, obtenir cette condamnation solennelle. Pour ménager les chevaliers teutoniques qui y étaient opposés, Martin V désirait qu’on s’en tint à ce qui avait été fait. Un tumulte violent s’étant élevé dans l’assemblée, Martin V le fit cesser en disant : « Tout ce que le saint concile ici réuni a résolu in materiis fidei conciliariter doit être cru et observé inviolablement ; j’approuve donc et je ratifie tout ce qui a été fait circa materiam fidei conciliante)’, mais non pas aliter nec alio modo. »

Quelques-uns ont prétendu que cette réponse ne s’appliquait qu’à l’affaire de Falkenberg ; mais comme précisément l’intention du souverain pontife était de distinguer l’affaire de Falkenberg de celles qui avaient été tranchées conciliariler, il faut bien que le mot conciliariter s’applique à d’autres affaires.

Quel est donc le sens et quelle est la portée de ce mot conciliariter ? S’applique-t-il aux décrets de la IVe et de la Ve session ?

Les uns disent que le mot conciliariter signifie en vrai concile œcuménique et ajoutent que le concile de Constance, lors des IVe et Ve sessions, n’était pas œcuménique. Les obédiences de Grégoire Xll et de Benoit XIII n’y étaient pas encore représentées ; Jean XXIII était en fuite ; donc le concile ne représentait pas l’Église universelle et n’avait aucun pape avec lui.

C’est vrai, mais comme l’approbation de Martin V aurait eu précisément pour but de remédier à ce déi’aul, on ne peut pas donner ce sens au mot conciliari-