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CONSTANCE (CONCILE DE ;


aux termes du traité de Narbonne, devaient être admis au conclave) ne s’étant pas présentés dans les trois mois qui avaient suivi la déposition de leur chef, on procéderait à l’élection nonobstant leur absence. Et aussi que pour cette fois seulement celui-là serait pape qui aurait réuni les deux tiers des suffrages des cardinaux et des députés des nations. Le 8 novembre 1417, le conclave se réunit. Il y eut d’abord six candidats. Le Il novembre au matin, il y en avait encore quatre. Enfin toutes les voix se portèrent sur Odon Colonna, cardinal de Saint-Georges ad vélum aureum ; c’était un Romain, il était né en 1368. Il prit le nom de Martin V. Il reçut le 12 novembre le diaconat. Il renouvela toutes les réserves pontificales par un acte qui ne fut publié que le 26 février 1418, après ratification des concordats passés avec les diverses nations. Martin V reçut la prêtrise le 13 novembre et le 14 l’épiscopat. C’était un homme instruit, sage, doux, modeste, désintéressé, habile à manier les hommes. Mais il devait se montrer plus préoccupé de rendre à la papauté ses pouvoirs et ses revenus que de réformer l’Eglise.

III. Condamnation des erreurs de Wycleff et de Jean Hus. — 1° Condamnation des écrits de Wycleff.

— Les écrits de Wycleff furent condamnés dans la VIIIe session générale du concile tenue le 4 mai 1415, sous la présidence du cardinal de Viviers. Les procureurs du concile demandèrent que les sectateurs de Wycleff n’ayant pas comparu fussent pour ce fait déclarés et proclamés hérétiques opiniâtres, puisqu’il était constant que Wycleff avait persévéré dans l’hérésie jusqu’à sa mort ; qu’en outre sa mémoire et son enseignement, spécialement les 45 articles déjà censurés par les universités de Paris et de Prague, 260 autres et l’ensemble de ses écrits, fussent solennellement réprouvés par les quatre prélats représentant les quatre nations d’Allemagne, d’Italie, de France et d’Angleterre, faisant en cette session fonction de vice-présidents ; enfin que les restes de l’hérésiarque fussent exhumés. L’archevêque de Gênes lut le projet de décret Fidem cat/tolicam soumis à la décision du concile. Ce décrut portait condamnation de 45 articles, résumant les erreurs de Wycleff. Denzinger, Enchiridion, n. 477-521. Voir Wycleff.

Le décret continuait en ces termes : « Wycleff est en outre l’auteur du Dialogue, du Tiialogue et de plusieurs différents traités dans lesquels il a inséré ces erreurs et un grand nombre d’autres et semé le scandale et l’impiété particulièrement en Angleterre et en Bohême… On a pu constater que les livres de Wyclell’sont remplis d’articles aussi suspects que ceux-ci. En conséquence, le concile confirme les sentences des archevêques de Cantorbéry, d’York et de Prague, ainsi que les décrets du concile de Rome, condamne les 45 articles, le Dialogue, le Trialogue et tous autres écrits de Wjcleff, défend de les lire, commenter ou citer, si ce n’est pour les réfuter, et ordonne que tous ces écrits et traités seront publiquement livrés aux flammes. » Ce décret fut signé par le cardinal président et par les quatre représentants des nations, ainsi qu’un second décret Insuper qui en était le corollaire et qui visait la personne et les restes de Wycleff.

L’archevêque de Gênes voulut ensuite donner lecture des 260 articles, mais il fut interrompu par le cardinal Pilastre, parce que la nation française n’en avait pas encore eu communication. Ils furent l’objet d’une condamnation succincte portée dans la session suivante.

Le concile n’a pas cru devoir qualifier chacun des articles en particulier, parce qu’ils avaient été déjà condamnés précédemment, lies théologiens des diverses nations les avaient d’ailleurs sérieusement examinés à Constance même ; il nous reste deux de leurs censures, l’une : Theologorum Çonstantiensium brevis censura 45 arliculorum Wiclefi, et l’autre : Theologorum Con stanliensis concilii diffusa condemnalio. Les qualifications ne sont pas toujours tout à fait identiques dans les deux censures. Ces différences paraissent provenir de quelques divergences de vues entre les docteurs de l’université de Paris.

2° Condanumlion de Jean Hus et de Jérôme de Prague. — On n’a point à retracer ici l’histoire de Jean Hus et de la propagation de ses doctrines en Bohême, antérieurement à la comparution de l’hérésiarque devant le concile de Constance. Voir Hus. Quanta ses erreurs, on sait qu’elles ont une étroite parenté avec celles de Wycleff et que Luther, à son tour, les reprendra. Elles portaient surtout sur la constitution de l’Eglise.

Pour Jean Hus, l’Église n’est que la société des prédestinés (prœdestinali) ; ceux qui ne sont pas prédestinés au salut et dont Dieu prévoit la damnation (preeseiti ) ne pourront jamais faire partie de l’Église, corps mystique de Jésus-Christ. Les prédestinés au contraire en font toujours partie. C’est par la foi seule que l’homme est sauvé. L’Église n’a d’autre pierre fondamentale que le Christ, qui est seul véritable pontife. Pierre n’est ni la pierre fondamentale, ni la vraie tête de l’Église ; l’Église peut être gouvernée sans vicaire de Jésus-Christ. Le pape n’est vicaire de Jésus-Christ, ou de Pierre, qu’à condition de vivre comme eux ; autrement il est l’Antéchrist, ou le vicaire de Judas ; il a parfois professé l’hérésie ; beaucoup de papes ont commis des crimes honteux. L’hérésiarque attaque en termes ignobles les bulles papales, accable d’injures et de mépris certains papes, les évêques, les prêtres, les moines. Il n’admet pas que le pape puisse posséder aucun bien temporel.

L’Ecriture et la loi du Christ sont la seule règle de foi ; les décrets des papes ne méritent obéissance que quand ils sont conformes à cette loi et chacun est juge de l’accord. Tout le monde a le droit de lire et d’interpréter la Bible.

Pour les sacrements, Hus réclame pour tous les fidèles la communion sous les deux espèces (utraquisme) ; il s’exprime en termes ambigus sur la transsubstantiation et paraît admettre la permanence de la substance du pain dans l’hostie après la consécration. La confession auriculaire n’est pas nécessaire ; la contrition du cœur suffit pour le salut.

Hus ébranle les fondements de la société civile comme ceux de la société ecclésiastique ; pour lui nul magistrat, pas plus que nul supérieur ecclésiastique, n’est légitime quand il est en état de péché mortel.

Telles sont, en résumé, les principales erreurs dont Jean Hus allait avoir à répondre. Il en avait lui-même plusieurs fois appelé du pape au concile général. Invité par l’empereur à s’y rendre : « J’ai sans cesse, répondit-il, enseigné au grand jour et jamais dans le secret ; je réclame le droit de parler en séance publique et de discuter avec mes contradicteurs. Je n’ai rien à redouter en confessant le Christ, quand même il me faudrait, pour défendre sa foi, m’exposer au dernier supplice. » Souvent, dans les discussions publiques, il avait répété : « Je suis prêt à subir le supplice du feu, pourvu qlien cas de défaite, mes accusateurs endurent la même peine. » Hus n’avait donc pas l’intention de se soustraire au concile général ; d’ailleurs, il avait confiance dans la bonté de sa cause ; il ne voyait pas (buis le concile un tribunal au jugement duquel il faudrait se soumettre, mais une assemblée à laquelle il exposerait ses idées, dans l’espoir de les lui faire partager, comme étant l’expression de la vérité, Il n’attendit même point pour partir de Prague (le Il octobre 1415) d’avoir reçu le sauf-conduit que lui avait promis Sigismond. Il ne l’eut que le 5 novembre à Constance, où il était arrivé le 3. Ce sauf-conduit, qui a été’le prétexte de si violentes accusations contre l’empereur et le concile, n’était destiné qu’a préserver Ilus des violences illégales