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CONSEILS ÉVANGÉLIQUES — CONSENTEMENT


suppose une grande et constante générosité nécessairement irréalisable pour qui veut toujours se limiter à la stricte obligation du précepte.

Relations avec l’état de perfection à acquérir.


Cet état ne peut exister parfaitement sans une permanente obligation à la pratique des trois conseils évangéliques ; obligation permanente dont l’origine ne peut être qu’un vœu d’observer perpétuellement ces mêmes conseils. Car tout état de vie supposant une obligation stable, S.Tbomas, Sum. theol., ll* II æ, q. clxxxiii, a. 1, l’état de perfection à acquérir comporte nécessairement une obligation constante aux principaux moyens de perfection. Moyens consistant surtout dans la perpétuelle pratique des conseils évangéliques, écartant définitivement les plus grands obstacles à la perfection. S. Thomas, op. cit., q. Clxxxiv, a. 3 sq.

3° Relations avec le salut et la perfection d’aulrui.

— Non nécessaire à l’ascète pour sa perfection personnelle, l’observance des conseils évangéliques ne l’est point non plus pour l’apôtre désireux de travailler avec fruit à la perfection d’autrui. La plénitude de la charité apostolique suffit et elle peut exister, elle a de fait existé, en dehors de l’observance des conseils évangéliques. Cependant cette observance, en aidant à l’augmentation de la charité ou à l’intensité du dévouement et en méritant une plus abondante participation des grâces divines, peut augmenter considérablement l’efficacité de l’apostolat. C’est ce que témoigne l’histoire des ascètes des premiers siècles dont l’apostolat a été si fécond, voir t. I, col. 2069 sq., ce que témoigne aussi l’histoire des ordres religieux vraiment fidèles à leur esprit et à leurs règles, même chez les ordres purement contemplatifs qui par leurs prières, leurs mérites et leurs souffrances volontaires ont toujours exercé autour d’eux un véritable apostolat. S le Thérèse, Chemin de la perfection, c. III.

C’est aussi ce qui explique pourquoi l’Église exige de ses ministres la pratique du conseil de chasteté parfaite et leur impose certaines obligations ofirant quelque analogie avec les conseils de pauvreté et d’obéissance. Voir t. I, col. 2040. Le fait historique de la particulière efficacité surnaturelle de l’apostolat accompagné de la pratique personnelle des conseils évangéliques justifie pleinement l’ascète religieux du reproche d’excessive ou exclusive préoccupation de son salut personnel. Quel que soit pour lui le motil principal d’embrasser cet état privilégié, la pensée de l’apostolat ou du bien commun de la société chrétienne existe au moins d’une manière concomitante ou comme résultante nécessaire d’un ardent amour pour Dieu.

D’ailleurs, en vertu du dogme de la communion catholique, les biens spirituels des membres les plus saints se communiquent à toute l’Église et attirent sur elle d’abondantes bénédictions spirituelles, d’où résultent aussi beaucoup de bienfaits même temporels. Enfin l’exemple public de ces ascètes est toujours une leçon bien profitable à la société.

Ajoutons que l’histoire du monachisme et des ordres religieux démontrera l’heureuse inlluence sociale, exercée dans tous les siècles par lesfervenls adeptes des conseils évangéliques.

Sur les conseils évangéliques considérés d’une manière générale on peut particulièrement consulter, outre les ouvrages classiques de théologie morale et d’ascétique : S. Thomas, aux endroits cités au cours de cet article ; S. Antonin de Florence, Summa theologica, part. III, Ut. xvi, c. i, Vérone, 1740, t. iii, col. 845 sq. ; Cajetan, In II’" II’, q. i.xxxiv, a. 3 ; q. CLXXXVI, a. 3 sq. ; Canisius, De corruptelis verbi Dei, c. XI, Ingolstadl, 1583, p. 131 sq. ; Bellarmin, De monachis, 1. II, c. vu sq. ; Sylvius, In II" II’, p. CLXXXIV, a. 3 ; q. CLXXXVI, a. 3sq. ; Suarez, De statu perfectiotiis variisque illiuB modis, c. vi sq. ; S. François de Sales, Traité <le l’umour de Dieu, 1. VIII, c. vi sq. ; Salmanticenses, Cursus théologiens, tr. XX, disp. III, n. Il sq. ; Libère de Jésus, Conlroversiarum scolastico-polemico-hi storico-criticarum, tr. IX, Milan, 1754, t. vii, col. 1 sq. ; Bouix, Tractatus de jure regularium, part. 1, secl. i, c. vu sq., Paris, 1857, p. 25 sq. ; Millier, Theologia moralis, 7e édit. Vienne, 1894, t. I, p. 183 sq. ; Bouquillon, Theologia moralis fundamentalis, 3’édit., Bruges, 1903, p. 263 sq. ; Weiss, Apologie des Christenthums. Fribourg-en-Brisgau, 1889, t. v, p. 174 sq., 384 sq. ; Schwane, De operibus supererogatoriis et consitiis evangelicis in génère, Munster, 1868 ; Kirchenlexikun, 2e édit., t. x, col. 135 sq. ; Rcalencyclopàdie fur protestantische Théologie und Kirche, 3e édit., Leipzig, 1898, t. iv, p. 274 sq.

E. Dl’blanchy.

    1. CONSENTEMENT##


CONSENTEMENT. - I. Notion. II. Psychologie. III. Morale. IV. Historique.

I. Notion.

Dans le langage théologique courant, le consentement est regardé comme un acte de volonté : Consensus est acceptatio complacentiaque voluntatis in eo quod ab intellectu proponitur. Marc, Instilulioncs morales alphonsianze, n. 320. L’étjmologie latine, cum sensus, confirme cette acception. Comme le sens dans la sensation, ainsi la volonté dans le consentement adhère aux choses elles-mêmes, en prend une expérience immédiate, les sent avec je ne sais quelle complaisance. L’esprit, frappé de cette analogie de procédé, a donc distribué dans les deux domaines, cognoscitif et volontaire, cette notion commune de l’inhérence aux choses, et, comme c’est dans la sensation sans doute qu’il l’avait d’abord remarquée, c’est du sens qu’est venu, avec une petite modification, le préfixe cum qui marque sous quel rapport court l’analogie, la dénomination du phénomène volontaire. S.Tbomas, Sum. theol., I a II æ, q. xv, a. 1. Le mot assentiment qui se distingue par le préfixe ad, lequel suppose une certaine distance de l’objet vers lequel on tend, au rebours du mot consentement, exprimera, à strictement parler, une attitude intellectuelle, lbid., ad 3um ; cf. Quæst. disp., De veritate, q. xiv, a. I, ad3um. Mais, pour ressembler à l’acte du sens sous un certain rapport, ce qui justifie l’analogie et la dénomination conséquente, le consentement n’en dilfère pas moins sous d’autres. L’application de la volonté aux choses dans le consentement n’est pas un acte naturel comme l’appétition animale, mais un acte voulu et qui pourrait ne pas être. D’où, le consentement n’existe pas chez les animaux qui sont déterminés à un seul parti et exécutent passivement. Il relève de la psychologie de l’acte humain, lbid., a. 2. Il est libre.

II. Psychologie.

Nous avons décrit au mot Acte l’organisme intégral d’un acte humain complet. Le consentement y occupe la sixième place, entre le conseil et le jugement pratique, la seconde parmi les actes qui regardent les moyens. Voir t. i, col. 343. D’abord le consentement regarde directement les moyens et non la fin. S’il s’agit, en effet, de la fin ultime, le vouloir en est naturel et nécessaire. Il n’y a pas lieu de consentir : l’application de la volonté à son objet se fait d’elle-même, elicitive, par un simple passage de la puissance à l’acte. S’il s’agit des moyens, comme tels bien enlendu, et tout peut être moyen vis-à-vis de la fin ultime, c’est au conseil d’en prendre connaissance et c’est au consentement d’y appliquer activement la volonté. Cette activité applicatrice est possible, puisque la nature qui ordonne la volonté aux fins nécessaires ne l’ordonne pas aux moyens que suggère la délibération du conseil. Elle est nécessaire, parce que, sans elle, la connaissance des moyens demeurerait sans efficacité sur la volonté, déjà rectifiée activement du côté de la fin, mais qui n’y arriverait jamais. Le consentement existe donc en tant qu’activitéappétitive faisant adhérer la volonté aux rnovens trouvés par le conseil.

Nous avons dit aux moyens, au pluriel. Le consentement, en effet, n’a pas pour objet un moyen de préférence aux autres, le meilleur moyen par exemple. C’est à l’élection de faire ce choix après un dernier jugement practico-pratique, qui décrétera l’excellence relative d’un moyen parmi tous les autres. Le consentement se porte sur tous les moyens en harmonie avec la fin voulue,