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CONGRUO (DE CONDIGNO)


Or cette insertion se fait par la grâce sanctifiante, comme, par elle, nous devenons fils adoptifs de Dieu, héritiers du ciel et cohéritiers de Noire-Seigneur Jésus-Christ. Telle est la doctrine du concile de Trente quand il déclare qu’à l’homme une fois justifié ou pourvu de la grâce sanctifiante, rien ne manque plus pour arriver au vrai mérite, celui de condignité : nihil ipsis jtisli/icalis amplius déesse credendum est, quo minus plene illis quidam operibus, quse in Deo sûnt facta… vilam setemam… vere promeruisse censeantur. Sess. VI, c. x, Denzinger, n.692. Et Eaius qui niait cette doctrine a été deux fois condamné sur ce point. Denzinger, n. 895, 897. Cette nécessité de l’état de grâce se comprend sans peine. Nous savons, en effet, que le péché est un obstacle absolu à la vie éternelle ; et ce qui efface le péché, c’est précisément la grâce sanctifiante. Nous avons d’ailleurs plusieurs fois observé qu’une certaine proportion est requise pour la condignité des œuvres à leur récompense ; et c’est encore la grâce sanctifiante qui établit normalement une telle proportion. Certains actes, nous ne l’ignorons pas, peuvent bien, sans la grâce sanctifiante, revêtir, par quelque coté, un caractère surnaturel, mais ils ne sont pleinement et essentiellement tels qu’à la condition d’émaner de principes tous surnaturalisés : c’est l’œuvre de la grâce sanctifiante et des vertus infuses qu’elle entraîne après elle.

2. En ce qui concerne l’action elle-même, trois conditions sont nécessaires pour constituer sa condignité.

— a) D’abord, il faut que l’acte soit vraiment libre. Cf. Eccli., xxi, 10 ; I Cor., ix, 17 ; Eccli., xv, 16 ; Matth., xix, 17, 21. En effet, dans la question qui nous occupe, il s’agit d’offrir à Dieu nos actions, de les lui abandonner en les posant pour son amour et sa gloire. Or, nous ne pouvons ainsi offrir, donner que ce qui est vraiment nôtre, et nos actes sont nôtres par la liberté vraie, intime, qui les détermine. Cf. S. Thomas, De verilale, q.xxvi, a.6. Jansénius trouva suffisante la liberté de coaction, voir Coaction, la volonté de l’homme déchu pouvant, d’ailleurs, subir toutes les contraintes intérieures. L’Eglise condamna sa 3e proposition comme hérétique. Denzinger, n. 968. Si nous demandons ici la liberté intime, évidemment nous n’entendons pas réclamer la liberté de contrariété qui est la faculté de faire le bien ou le mal opposé. Il suffit de la liberté de contradiction ou d’exercice, qui donne la faculté de poser un acte ou de l’omettre, et telle fut la liberté du Christ. On pourra même trouver que la liberté de spécification sera aussi suffisante dans l’espèce, si elle laisse la faculté de poser un acte meilleur quand il y aurait possibilité d’eu poser un moins bon. — b) Il faut ensuite que l’acte soit moralement bon. Outre que les idées de mérite, de récompense, de condignité surtout, enveloppent semblable condition, nous voyons que l’Écriture et la tradition authentique de l’Église promettent constamment récompense aux bonnes œuvres et menacent les mauvaises de châtiment. I Cor., xv, 58 ; II Cor., v, 10. Cf. conc. de Trente, sess. VI, c. xvi, Denzinger, n.692. La chose s’explique de soi. Dieu est ici un maître, un prince de toute justice et sainteté. Si les rois réservent leurs récompenses aux observateurs des lois, leurs vengeances et pénalités aux transgresseurs, à plus forte raison doit-il en être ainsi de Dieu, roi des rois. — c) Comme il s’agit actuellement d’ordre, de fin, de condignité surnaturelle, il ne se peut que la bonté de l’acte soit simplement naturelle. Cet acte devra donc être vraiment surnaturel, l’œuvre d’un homme juste et en élal di’grâce. Mais, de plus, pour qu’il soit convenablement proportionné â sa fin et justement digne d’elle, il devra procéder d’un mouvement de la grâce actuelle, comme, d’ailleurs, la théologie le marque pour toutes les opérations surnaturelles. Le concile de Trente spécifie que la vertu du Christ, cette grâce actuelle qui prévient, accompagne et suit nos bonnes œuvres est

absolument nécessaire ; et sans elle, nos actions ne peuvent aucunement être agréables à Dieu et méritoires devant lui : Quse virtus (Christ i) bona eorum opéra semper antecedit, et comitatur, et subsequitur ; et sine qua nullo paclo Deo grata et meritoria esse possent. Sess. VI, c. xvi, Denzinger, n. 692. Surtout, selon une doctrine, communément rappelée elle aussi dans les Ecritures et par la tradition, l’acte méritoire devra procéder d’un motif de foi surnaturelle. Matth., v, 46 ; x, 41-42 ; Rom., ii, 6-7 ; iv, 2 ; Gal., iii, 11 ; v, 22 ; Jac, II, 22. Cf. conc. de Trente, sess. VI, c. viii, Denzinger, n. C83 : Fides est humanse salulis initium, fundamentum et radix omnis justificationis. C’est, en effet, la lumière intellectuelle qui dirige les intentions de l’homme raisonnable, et la lumière de foi qui doit guider les intentions du chrétien, donnant ainsi à ses actes, de quelque puissance qu’ils procèdent immédiatement, la relation voulue à leur fin sublime. — d) S’il en est ainsi, l’on voit sans difficulté que l’acte surnaturellement bon sera posé en l’honneur de Dieu et pour sa gloire. Par le fait même qu’un acte est inspiré par la foi, émane de puissances réellement surnaturalisées, il ne peut être accompli qu’en vue de Dieu, in obsequium Dei, et pour sa gloire, au moins implicitement cherchée.

Objet.

Pour constituer le droit à la récompense

d’autrui, il faut, nous l’avons vii, l’acceptation des œuvres ou encore la promesse de rémunération de sa part. Cette promesse est ici d’autant plus essentiellement requise qu’il s’agit de réalité et de récompense surnaturelle, à laquelle tous les efforts de l’homme ne sauraient ni atteindre ni prétendre. Cette promesse a été faite, obligeant ainsi la divinité, au nom même de la fidélité qu’elle se doit, à rendre à l’homme, dans certaines conditions posées, ce qu’elle lui a gratuitement offert, ce qu’elle lui a librement promis. Heureux l’homme qui souffre tentation, écrit saint Jacques ; car, après qu’il aura été éprouvé, il recevra la couronne dévie, que Dieu a promise à ceux qui l’aiment. Jac, i, 12.

La promesse divine, par les objets précis qu’elle enveloppe, détermine elle-même les objets susceptibles de la condignité du mérite dans l’ordre surnaturel. Le concile de Trente les a définitivement fixés : Si guis dixerit… ipsum justification bonis operibus… non vere mereri augmentum gratiæ, vilam setemam, et ipsit(S vitse seternæ, si tamen ingratia decesserit, consecutionem, ah/ue etiam glorise augmentum, analhema sit. Sess. VI, can. 32, Denzinger, n. 724.

1. Le premier et principal objet réclamé avec justice par la condignité de nos œuvres méritoires est donc le droit à la vie éternelle, et sa réelle acquisition, vilam ntcrnam et ipsius vitse œlernir consecutionem, sous condition toutefois que le sujet en cause ; décède dans l’état de grâce.

2. Le second est l’augmentation même de la grâce sanctifiante. Car le surnaturel dans l’âme du juste est une véritable vie qui se développe et s’accroît. C’est comme une lumière éclatante qui se lève, monte et grandit jusqu’au jour parfait de la gloire, l’rov., iv, 18, et c’est le devoir strict de toul chrétien de travailler à obtenir, par la condignité de son mérite et de ses œuvres, cette augmentation constante. Comme le vigneron taille son plant pour lui faire produire plus de fruits, ainsi en est-il du céleste vigneron vis-à-vis de nous, il donne à qui est déjà pourvu, pour le mener à une abondance toujours croissante. Eph., vi, 15 ; Joa., xv, 1-2 ; Luc. xix, 28 ; I Thess., vi, 1. Cf. s. Thomas, Sun, , theol., [ IIe, q. exiv, a. s.

3. Le iroisic objel est l’augmentation de la gloire

elle-même. L’homme une fois justifié acquiert le droit à l.i gloire, mais celle gloire est susceptible do degrés ou de perfectionnements à l’infini. En augmentant ses