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CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE


tique Théodote que l’onction postérieure au baplèmc est mentionnée pour la première fois. Excerpta, 81, P. G., t. ix, col. 696. L’indice est peu probant. Au contraire, à qui veut établir qu’ici l’emprunteur, c’est le gnosticisme lui-même, les indices sérieux ne manquent pas. L’onclion est en usage déjà chez les Juifs ; elle l’est aussi chez les chrétiens ; d’après les livres du Nouveau Testament, elle symbolise et désigne métaphoriquement le don de l’Esprit. Peut-être Théophile d’Antioche, Ad Autol., I, 12, P. G., t. vi, col. lOil, parle-t-il de l’accomplissement de ce rite après le baptême, et Tertullien, certainement, signale cet usage en des termes qui ne permettent pas d’y voir une innovation récente. Voir Confirmation d’après les Pères. D’autre part, les liturgies des gnostiques sont « un amalgame » , « le moins original qui se puisse imaginer, » et leur doctrine sur la matière, œuvre du mauvais principe, les détournait de l’idée d’imaginer un nouvel emploi religieux de l’huile, si bien que certaines sectes rejetèrent l’onction, comme le rapporte saint Irénée, Cont. hser., 1. I, c. xxi, n. 4, P. G., t. vii, col. 663 sq. Cf. Dôlger, op. cit., p. 4-9 ; Anrich, op. cit., p. 210 ; do m Cahrol, loc. cit., et Les origines liturgiques, Paris, 1906, p. 55 sq.

Si les religions étrangères n’ont pas introduit dans la liturgie chrétienne l’onction et l’imposition des mains, ne pourrait-on pas^sou tenir du moins qu’un dédoublement du baptême primitif en deux sacrements distincts s’est opéré sous l’influence de l’une d’entre elles, du mithriacisme, par exemple ? Harnack a dit que « peut-être » il en fut ainsi. Op. cit., t. i, p. 395, note 1 ; t. ii, p. 421. Mais y a-t-il seulement similitude entre le rite chrétien et ce qu’on appelle la confirmation mithriaque. Sans doute, elle signe au front le soldat. Mais ce n’est pas par une imposition des mains, ni même par une onction. Le sceau est « une marque gravée au fer ardent, semblable à celle qu’on appliquait dans l’armée aux recrues avant de les admettre au serment » . Franz Cumont, Les mystères de Mitlira, Paris, 1902, p. 131. D’ailleurs, la distinction entre le baptême et le second acte de l’initiation est déjà visible dans le livre des Actes : l’intluence du mithriacisme se serait-elle fait sentir avant la rédaction de cet écrit ? Cf. P. Pourrat, La théologie sacramentaire, 2e édit., Paris, 1907, p. 300-302.

Tous les essais de rapprochement entre des rites païens et la cérémonie décrite par les Actes se heurteront enfin à une insurmontable difficulté. Luc parle un langage trop semblable à celui de l’Ancien Testament ; ses conceptions de l’Esprit et du don de l’Esprit ont une couleur juive trop accentuée. Sans doute, entre la pensée des auteurs anciens et celle de l’écrivain chrétien, il n’y a pas identité absolue, mais la similitude est très grande. Luc parle de Y Esprit-Saint, insiste davantage sur son action dans la vie morale, continue le travail de personnification vaguement essayé dans l’Ancien Testament. Mais, même après cette opération, l’Esprit a gardé quelque chose du rouah de Jahvé, il est encore celui que Dieu envoie, qui pénètre l’homme, s’empare de lui, tombe sur lui, le meut, le conduit, le fait parler et agir selon les intentions de la providence et la vocation du sujet. C’est toujours ce principe de force, de sagesse, de sainteté, qui met au service du thaumaturge une puissance surhumaine, qui éclaire le prophète et qui pousse le juste vers une perfection plus haute. C’est encore ce souille de Jahvé qui ravit l’homme comme un vent puissant et qui, source créatrice de vie, assure un nouveau développement au peuple élu. Cf. Hackspill, Elude sur le milieu religieux et intellectuel contemporain du Nouveau Testament, dans la Revue biblique, 1902, p. 67-69.

Bien plus, l’idée d’une effusion de l’Esprit do Dieu sur tous les membres de la communauté messianique est déjà exprimée par Joël, il, 21. Et on a même cru

découvrir dans l’Ancien Testament un rapport entre un bain purificateur et le don de l’Esprit. Certains rapprochements peuvent faire sourire (la colombe, figure de l’Esprit, suit le déluge, image du baptême ; voir aussi Ps. xvii, 14-16). D’autres sont plus frappants. Le psalmiste demandait à Dieu de le purifier, de le laver, d’effacer ses iniquités, de créer en lui un cœur pur, puis il ajoutait : « Ne me retire pas ton esprit saint… et qu’un esprit de bonne volonté me soutienne. » Ps. L, 9-14. Isaïe, xliv, 3, faisait ainsi parler Jahvé : « Je verserai des eaux sur le sol altéré et des ruisseaux sur la terre desséchée. Je répandrai mon esprit sur ta race et ma bénédiction sur tes rejetons. » Enfin, selon Ézéchiel, xxxvin, 25-27, Dieu promet de répandre sur la maison d’Israël une « eau pure et de la purifier », de lui donner « un cœur nouveau et de mettre en elle un esprit nouveau » . Si ces textes ne parlent pas du rapport qui existe entre le baptême et la confirmation, ils attestent que déjà le vieil Israël avait associé l’idée de bain à celle du don de l’esprit et que le rite décrit par les Actes pouvait paraître aux lecteurs chrétiens élevés dans le judaïsme l’exécution d’antiques promesses.

Sans doute, l’Ancien Testament n’annonce pas que la communication de l’Esprit aux jours messianiques s’accomplira au cours d’une imposition des mains ou d’une onction. Mais l’idée qu’il donne de ces deux rites permet de comprendre pourquoi ils ont été choisis. « L’imposition des mains, dit Cremer, signifie une transmission soit de charge, soit de bénédiction, soit de faute. » Realencyclopâdie, art. Handau/legung, Leipzig, 1899, t. VI, p. 388-389. Elle est donc toute indiquée pour symboliser la transmission de l’Esprit. On l’emploie dans le rite de la consécration des prêtres. Exod., xxix, 10, 15, 19 ; Lev., viii, 14, 22. Or les citoyens du nouveau peuple de Dieu sont tous investis du sacerdoce. Et l’Ecriture affirme que Josué était rempli de l’esprit de sagesse, car Moïse avait posé sur lui ses mains. Deut., xxxiv, 9.

L’onction est aussi prédisposée par le langage et les faits de l’Ancien Testament à symboliser le don de l’Esprit. Les trois charges auxquelles elle prépare sont le sacerdoce, la royauté, le ministère prophétique, trois privilèges du chrétien dans l’ère messianique. L’onclion des prophètes était-elle réelle ? Dans certaines circonstances extraordinaires peut-être. III Heg., xix, 16. Mais, même si l’expression est ici prise dans un sens figuré, il faut relever la parole d’Isaïe, lxi, 1 sq. : « L’Esprit du Seigneur est sur moi ; car Jahvé m’a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux malheureux, etc. » Les rois étaient réellement sacrés, et par ce rite, ils recevaient de Dieu leur délégation et leur charge. I Reg., x, 1, etc. Il est même dit qu’« à partir du jour [où cette cérémonie eut lieu], l’Esprit du Seigneur saisit David » . I Reg., XVI, 13. Et il convient d’observer que peut-être, l’onction des rois était précédée d’une ablution, puisque Salomon fut conduit à la source de Gihon pour y être sacré, III Reg., i, 33, 34, et qu’Adonias voulant se faire proclamer roi assembla ses partisans près de la fontaine de Rogel. III Reg., I, 9. Aaron et ses lils sont aussi lavés avant de recevoir l’onction. Exod., xxix, 4-7. Elle les sanctifie, c’est-à-dire les consacre, les investit d’un perpétuel sacerdoce. Exod., xxviii, 41-13 ; xxix, 4-9 ; xxx, 30 ; XL, 12, 13. Si, d’autre part, on observe que Jacob verse de l’huile sur la pierre de Réthel, Gen., xxvin, 18 ; que Moïse oint le tabernacle et ce qu’il renferme, Exod., xxx, 20-29 ; XL, 9 sq., on est amené à conclure que ce rite est destiné à sanctifier, c’est-à-dire à consacrer à Jahvé une personne ou un objet. L’huile, a-t-on dit, est comme imprégnée d’une vertu de sanctification qui passe en ce qu’elle touche et cette vertu a pu parfois, I Sam., xvi, 13, être prise pour l’Esprit. Smend, Leltrbuch der àlltestamentlichen RrUgionsgeschiclite, 2e édit., Iribourg-en - Rrisgau. 1899 p. 67, noie 1.