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CONFIRMATION DANS LA SAINTE ÉCRITURE


que l’Église a le pouvoir de changer la matière de ce sacrement, D’autre part, l’Écriture, loin de condamner cette cérémonie, semble en indiquer l’origine. Dominant donc les questions librement discutées, cherchant seulement dans le rite des Actes ce que tous les théologiens voient dans la conlirmation, une cérémonie capable de symboliser la venue de l’Esprit et ses dons, nous la découvrons dans l’imposition des mains. Quant à la formule employée aujourd’hui, elle ne se lit pas dans l’Écriture. Plusieurs, après l’avoir constaté, ajoutent : silence n’est pas négation. D’autres observent qu’une école catholique très respectable reconnaît à l’Église des droits sur le choix de la matière et de la forme des sacrements. Ils concluent donc que le défaut d’une formule stéréotypée à l’origine, s’il était positivement constaté, ne suffirait pas à différencier essentiellement le rite antique de la cérémonie pratiquée aujourd’hui.

D’autres éléments de la confirmation sont équivalemment signalés par l’Écriture. S’il n’est pas dit en termes exprès que Jésus a institué l’imposilion des mains, il est affirmé qu’il a reçu l’Esprit, qu’il l’a promis à tous et qu’il l’a donné’. De même, si les Actes n’enseignent pas que seuls les évêques ou les délégués du pape sont ministres de la confirmation, ils attestent que seuls les apôtres imposent les mains ; or, après la mort des douze, qui les représente le mieux sinon les chefs des églises, évêques, pape ou ses envoyés ?

Enfin, lu notion de caractère ineffaçable est en germe dans l’Écriture. Le rite est, semble-t-il, assimilé, annexé, intimement uni au baptême qui est conféré une seule fois. Or, on sait que cette impossibilité de réitérer la cérémonie est tenue par de bons juges pour le point de départ de la théorie du caractère sacramentel. Voir t. ii, col. 204-2C5, 291-292, 326.

Ces conclusions ne doivent pas faire oublier les différences qui séparent la confirmation de l’antique imposition des mains. L’insertion du rite principal dans un riche encadrement liturgique, la disparition des charismes, la coutume de séparer par un intervalle de temps baptême et confirmation, l’habitude d’isoler mentalement deux actes qui jadis étaient plutôt considérés comme deux parties d’un même tout, l’initiation chrétienne, ont assurément modifié d’une manière très sensible l’aspect et le concept du don de l’Esprit. Mais en dépit de ces changements considérables et apparents, il y a préservation de l’idée essentielle et permanente du type primitif, si, comme nous croyons l’avoir montré, le but premier, le geste principal, le symbolisme antique, les droits de la hiérarchie sont maintenus. Pierre, Jean et Paul à qui la conlirmation des luthériens et des calvinistes paraîtrait une inconnue, réussiraient à découvrir, au milieu de conceptions nouvelles et sous la pompe du sacrement, l’idée apostolique et la simplicité du rite primitif.

2° Les écrits contemporains on postérieurs confirment-ils les récils de Luc ? — On a dit que la conception du don de l’Esprit, telle qu’elle se dégage du livre des Actes, ne se retrouve ni dans les sources de cet écrit ni dans les premières Epîtres de saint Paul. Avant de vérifier cette affirmation, il convient de rechercher si, dans les autres œuvres du Nouveau Testament, on relève des traits qui confirment les récits de Luc. Puisque, de l’aveu de tout le monde, les textes ne sont pas assez nombreux pour permettre de suivre, de document en document, une véritable évolution et qu’il y a incertitude et discussion sur l’Age précis des livres du Nouveau Testament, nous suivrons l’ordre du canon, nous contentant de réunir les écrits qu’on s’accorde à tenir pour apparentés.

I. Matthieu et Marc.

Les deux premiers Évangiles synoptiques racontent la descente de l’Esprit sur Jésus au baptême ; l’un et l’autre marquent très nettement

l’instant précis où apparaît la colombe : c’est « au moment où le Christ sortait de l’eau » . Marc., i, 10 ; Matth., m, 16. Ainsi, dans les deux récils comme dans celui de Luc, ablution et venue de l’Esprit sont à la fois réunies et séparées. Marc ne signale expressément qu’un seul effet du don céleste : Jésus est conduit par l’Esprit dans le désert, i, 12. Matthieu qui relève aussi ce fait, iv, 1, explique encore par la force d’en haut un exorcisme, xii, 28. Notons enfin que dans un texte où il énumère assez longuement les effets de l’Esprit : prédication messianique, triomphe de la justice, etc., il ne nomme pas expressément les charismes, xii, 18-20.

Jésus ne reçoit pas seulement l’Esprit, il le promet : Matthieu et Marc le déclarent aussi formellement que Luc. Les disciples qui comparaîtront devant les tribunaux et les synagogues, les gouverneurs et les rois seront inspirés. El il n’est pas dit que l’Esprit leur sera donné pour qu’ils prophétisent ou qu’ils parlent en langues mais bien — le mot se trouve dans les deux Évangiles — pour qu’ils rendent témoignage. Matth., x, 20 ; Marc, xiii, 11. Il y a non seulement harmonie fondamentale, mais concordance verbale entre ces affirmations et celles de Luc. On retrouve aussi textuellement dans Malthieu et dans Marc la fameuse promesse : Jésus baptisera dans l’Esprit-Saint. Matth., iii, 11 ; Marc, I, 8. Faut-il conclure avec la plupart des protestants orthodoxes et beaucoup de critiques indépendants que ce texte rattache à l’ablution elle-même la venue du don céleste ? Au contraire, doit-on dire que cette locution singulière est choisie tout exprès pour montrer dans le baptême et la communication de l’Esprit-Saint deux actes inséparablement unis quoique différents, A. Seeberg, op. cit., p. 220 ; ou pour faire allusion au don pentécostal et aux langues de feu ? Janssens, op. cit., p. 47-48 ; Vacant, art. Baptême, dans le Dictionnaire de la Bible, t. i, col. 1436-1437. Peut-êlre ces deux solutions extrêmes précisent-elles trop le sens de l’expression assez vague, baptiser dans l’Esprit. N’est-il pas plus prudent de constater seulement, car c’est indéniable, qu’elle associe d’une certaine manière ablution et don de l’Esprit.

Quelques autres textes des deux premiers Evangiles ont encore été relevés. On a observé que les apôtres, du vivant même de Jésus, c’est-à-dire avant d’avoir reçu l’Esprit, avaient possédé’la vertu de chasser les esprits impurs ; de guérir maladies et infirmités. Matth., x, 1 ; Marc, iii, 15. On s’est aperçu que la finale de Marc ne fait pas dépendre la possession des charismes de la venue de l’Esprit, mais de la foi : « Voici les miracles qui accompagneront ceux qui auront cru etc., » XVI, 17 sq. Enfin, on a comparé le dernier discours île Jésus tel que le relate Matthieu avec ce même entretien conservé par Luc. Le premier écrivain parle du baptême et de l’évangélisation : c’est à tous que ces deux grâces sont destinées. Matth., xxviii, 19, 20. Luc mentionne aussi comme s’adressant à toutes les nations la prédication et le pardon des péchés (sans doute le baptême), xxiv, 47. El c’est ensuite qu’il lait promettre par Jésus l’Esprit : encore est-ce à ceux-là seulement qui doivent être témoins et parce qu’ils doivent l’être, xxiv, 49. Ces contrastes ne sont-ils pas suggestifs ? Voilà tout ce que l’on peut glaner dans Matthieu et Marc.

Puisqu’ils n’ont pas fait suivre leur vie de Jésus de l’histoire des apôtres, ils n’ont pas été amenés à raconter comment l’Esprit était communiqué dans les communautés primitives. Néanmoins, il n’est peut-être pas inutile de noter que Matthieu et surtout Marc présentent dans l’imposition des mains un mode de bénédiction, Marc, x, 16 ; Matth.. xix, 13-15, et, plus souvent encore, un procédé- de guérison. Les personnages de leurs récits donnent à ce geste cette seconde signification, et par sa manière d’agir, Jésus confirme leur sentiment. Matth., ix, 18 ; Marc, v, 23 ; vi, 5 ; vii, 32 ; viii,