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CONFESSION. QUESTIONS MORALES ET PRATIQUES


En principe, c’est une obligation grave de justice pour le confesseur, d’accorder l’absolution à tout pénitent qui, s’étant confessé à lui, a, par ailleurs, les dispositions requises de contrition et de ferme propos. La confession, en effet, est assimilable à un quasi-contrat, en vertu duquel le pénitent, en retour de son accusation volontaire, acquiert un droit à l’absolution sacramentelle. C’est uniquement afin de la recevoir qu’il a ouvert sa conscience, et en a dévoilé les replis les plus cachés. Ce serait lui imposer une charge intolérable que de le forcer ensuite, sans motif, à recommencer auprès d’un autre confesseur cet aveu si pénible. N’aurait-il pas à craindre, en outre, que ce second confesseur le renvoyât à un troisième, et ainsi de suite indéfiniment ? D’autre part, dans quel but le sacrement de pénitence a-t-il été institué par Notre-Seigneur, si ce n’est pour procurer le pardon aux coupables ? Le prêtre qui écouterait le récit des secrets de conscience, avec l’intention de ne pas accorder l’absolution aux pénitents bien disposés, abuserait certainement de la puissance des clefs spirituelles confiées à ses mains. Il rendrait le sacrement de pénitence odieux aux fidèles, et plusieurs, par sa laute, s’en éloigneraient pour toujours.

Cependant, pour des raisons plausibles, il est permis de différer quelquefois l’absolution aux pénitents bien disposés, pourvu que ce soit pour un temps très court, et que cela arrive rarement. C’est quelquefois le moyen de tirer une âme tiède d’une longue torpeur ; de mettre fin à une négligence coupable ; de corriger des défauts invétérés ; d’assurer les progrès de l’avenir. Différer l’absolution, ce n’est pas la refuser. Le pénitent bien disposé a droit à l’absolution, c’est vrai ; mais, à moins d’un grave inconvénient pour lui, il n’a pas le droit strict de la recevoir, hic et nunc, sans le moindre retard. Le confesseur n’est pas seulement juge, il est aussi médecin. Si, comme tel, il prévoit qu’un délai sera utile à cette âme, il est bien autorisé à agir en conséquence, pour le plus grand bien du malade. On aurait tort de trouver dans cette pratique, une apparence, ou une suite du jansénisme. Les meilleurs auteurs l’ont approuvée. Cf. S. Anlonin, Sunima theologica, part. ii, tit. iii, c. viii, § 3 ; part. III, tit. xiv, c. xix, § 19, i in-’r, Venise, 1582, t. ii, p. 129 ; t. iii, p. 257 ; Suarez, De pœnitenlia, disp. XXXII, sect. ii, n. 4, t. xxii, p. ()7U ; De Lugo, De pœnitenlia, disp. XIV, sect. x, n. 1116-l(58, t. v, p. 258 ; Salmanticenses, Cursus theol. moralis, tr. VI, c. v, n. 67-68, t. i, p. 239 ; Lacroix, Theologia moralis, 1. VI, part. II, c. H, dub. v, n. 1761, 1824, t. ii, p. 281, 283 ; S. Alphonse, Theolog. moralis, 1. VI, tr. IV, c. i, dub. ii, n. 462-464, t. v, p. 393-399 ; Praxis confessât :, c. v, n. 76, t. viii, p. 76 sq. ; Vindicise alphonsianæ, t. ii, p. 768-778. Voir t. i, col. 210.

Cette coutume n’est donc pas répréhensible. Seulement on doit soigneusement examiner, en pratique, s’il est vraiment utile et opportun de recourir à ce remède délicat, dont l’emploi n’est pas toujours sans inconvénient. On ne pourrait à ce sujet poser des règles générales. C’est d’après les circonstances particulières, si différentes les unes des autres, et parfois si complexes, que le confesseur prudent et expérimenté se déterminera, Cf. Salmanticenses, De pœnitent., c. v, n. 68, 1. 1, p. 239. Assurément il est bien dur, pour un pénitent, de rester, après sa confession, plusieurs jours et même un seul, en état de péché mortel, par le retard apporté ."i pardon de ses fautes. Cela est à considérer. Cf. De . De pœnitent., disp. XVI, n. 416, t. v, p. 377 ; S. Alphonse, 1. VI, tr. IV, c. i, dub. iii, n. 490, t. v, p. 437. l’n délai de ce genre ne doit être imposé au pénitent que s’il l’accepte > ; ms trop de peine. Ce serait une imprudence de le soumettre à une trop rude (’preuve. Les inconvénients dépasseraient les avantages, car le découragement pourrait s’emparer de lui, et le pousser à des chutes multipliées ou plus proiondes. Il faut veiller

aussi à ce que ce délai ne prenne pas l’apparence d’une diffamation. En pratique, les auteurs s’accordent à dire que l’absolution doit être rarement différée, et, alors même, pour très peu de temps. Cf. Palmieri, Opus tlieologicum morale, tr. X, sect. v, c. i, n. 323-346 ; c. ii, dub. v, n. 795, t. v, p. 169-179, 433.

Pour concéder l’absolution à un pénitent, faut-il être certain de ses dispositions ? Il n’est pas besoin évidemment d’une certitude physique, absolue, impossible à obtenir dans cette matière. Il suffit d’une certitude morale, prise au sens large, c’est-à-dire d’une probabilité sérieuse que les conditions requises sont réalisées. Cette probabilité n’enlève pas complètement la crainte du manque de dispositions ; mais on doit s’en contenter. Si l’on exigeait davantage, vix tdlus, remarque saint Alphonse, posset absolri, dum quæcumque signa pœnitentium non præstanl nisi probabilitatem disposilionis. L. VI, tr. IV, c. i, dub. il, n. 461, t. v, q. 393.

Le catéchisme romain va même plus loin, quand il dit, De pœnitenlia, n. 66 : Si audita confessione, sacerdos judicaverit neqne in enumerandis peccatis diligentiam, nec in detestandis dolorem pœnitenti OMNINO defuisse, absohi poterit. Ce texte semblerait indiquer, comme le fait ressortir saint Alphonse, loc. cit., que le confesseur peut absoudre, dès qu’il n’a pas la preuve positive du manque de disposition chez le pénitent. Cette doctrine s’appuie, d’ailleurs, sur un passage du Corpus juris canonici, ainsi conçu : Judicium Dei veritati quæ non fallit neque fallitur, semper innititur ; judicium autem Ecelesiæ nonnunquam opinionem sequitur quam et fallere sœpe contingit et falli, proptar quod contingit interdum ut qui ligatus est apud Deum, apud Ecclesiam sit solutus. L. V Décrétai. , tit. xxxix, De sententia cxcommunicationis, c. 28, A nobis. Cf. S. Thomas, Sum. theol., I 1 II*, q. xci, a. 3, ad 3um ; IIa-IIæ, q. xlvii, a. 9, ad 2um ; Suarez, De pœnitenlia, disp. XXXII, sect. ii, n. 1-2, t. xxii, p. 675 ; Salmanticenses, Cursus theologiæ moralis, tr. VI, c. v, n. 66, t. i, p. 239 ; Lacroix, 1. VI, part. II, c. ii, dub. v, n. 1734, t. ii, p. 277 ; Palmieri, Opus tlieologicum morale, tr. X, sect. v, c. il, dub. v, n. 807810, t. v, p. 440 sq. ; S. Alphonse, loc. cit. ; Lehmkuhl, Theologia moralis, part. II, 1. I, tr. V, sect. iii, c. ii, § 2-3, n. 423 432, t. ii, p. 306-314. Voir t. i, col. 241.

L’absolution, enfin, doit être refusée à ceux qui ne montrent pas de repentir de leurs fautes, ou ne promettent pas sérieusement de les éviter à l’avenir ; à ceux qui ne consentent pas à faire une restitution à laquelle ils sont tenus, et que nulle raison n’autorise à remettre à plus tard ; à ceux qui ne peuvent se résoudre à fuir l’occasion prochaine du péché, etc., en un mol, à tous ceux qui, ayant un devoir grave à remplir, refusent de le faire. C’est le sentiment unanime des auteurs, et d’ailleurs la chose est assez évidente par elle-même, pour qu’il ne soit pas besoin de la prouver longuement.

Pour plus de détails, voir Habitudinaides ; Occasion de péché ; Récidivistes ; Scri’pule.

II. obligation du confesseur en dehors du satnt TRIBUNAL, APRÈS LA CONFESSION. — Si, en administrant le sacrement de pénitence, le confesseur a commis des erreurs, il est obligé de les réparer, autant qu’il le peut. La loi inviolable du secret sacramentel rend parfois cette réparation impossible, ou du moins très difficile. La gravité de l’obligation du confesseur en ces matières, dépend, à la fois, et de la gravité du dommage causé par lui au pénitent ou à tout autre, et de la gravité de la faute commise en le causant. Ces mêmes considérations monfrent jusqu’à quel point l’obligation cesse pour le confesseur, en présence d’un grand inconvénient qui en résulterait pour lui-même. Si l’obligation est grave, il n’en est pas exempté, quoique l’inconvénient pour lui soit grave aussi. Cf. De Lugo, De pœnitentia, disp. XXII, sect. iii, n. 63, t. v, p. 525.