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CONCUPISCENCE


un mot la concupiscence, laquelle se propage par les lois physiologiques. Ct. Kleutgen, Theol. der Vorzeit, t. ii, n. 423 sq. Les jansénistes invoquaient surtout l’autorité de saint Augustin qui si souvent parle du reatus concupiscentise. Il est inexact, cependant, de dire que le grand évêque d’Hippone ait réellement identifié la iaute avec sa conséquence, le péché originel avec la concupiscence. Voir Augustin (Saint), t. i, col. 2395. La question maintenant est résolue d’autorité par le magistère ecclésiastique qui, au concile de Trente, déclara que la concupiscence désignée parfois par l’apôtre du nom de « péché » , n’a jamais été considérée par l’Église catholique comme un péché qui subsisterait vraiment et proprement chez les baptisés, mais comme une chose qui est due au péché et qui mène au péché. Anathèmeà qui soutiendra le contraire. Hanc concupiscentiam quam aliquando aposlolus peccatum appellat, sancta synodus déclarât Ecclesiam catholicam nunquam intellexisse peccatum appellari, quod vereet proprie in renalis peccalum sit, sed quia ex peccatn est et ad peccatum inclinât. Si quis autem contrarium senserit, anathema sit. Sess. V, can. 5. La concupiscence n’est donc pas le péché, mais le fruit et le germe du péché : et la preuve qu’en apporte le concile, c’est que le baptême enlève tout ce qui constitue la vraie et la propre essence du péché. Dieu ne réprouve plus rien chez ceux qui ont été régénérés. Or, la concupiscence persiste tout entière chez ceux que le baptême a purifiés. Si quis perJesu Christi Domini Nostri gratiam, quee in baptismale confertur, realum originalis peccati remitli negat ; aut etiam asserit non tolli totum id quod veram et propriant peccati rationem habet ; sed illud dicit tantum radi, aut non imputari, anathema sit. In renatis enim nihil odit Deus : quia nihil est damnalionis Us qui vere consepulli sunt cum Chris to per baptisma in mortem… Manere autem in baplizatis concupiscentiam, vel fomitem, hœc sancta synodus Jatetur et sentit. Ibid.

V. La concupiscence et le péché actuel.

Les Tapports de la concupiscence au péché actuel sont pareillement multiples. — 1° Prise en elle-même, en dehors de toute comparaison avec la raison, la concupiscence n’est pas un péché : ses mouvements sont tout instinctits, ils appartiennent à la partie non rationnelle de l’homme, tandis que le péché formel est uniquement affaire de raison et de volonté. La concupiscence, si violente soit-elle par elle-même, ni ne souille l’âme, ni ne la perd. Quse cum ad agonem relicta sit, nocere non consenlicntibus, viriliter per Christi Jesu gratiam repugnantibus non valet : quinimo qui légitime certaverit, cornnabitur. Ibid.

2° Considérée dans l’influence qu’elle exerce sur les facultés morales ou dans le concours qu’elle leur apporte, la concupiscence en reçoit un caractère moral « t prend part aux lautes de l’homme. Il importe dès l’abord de distinguer la concupiscence antécédente et la concupiscence conséquente. La première est celle qui prévient les actes de raison et de volonté et les complète. La seconde les détermine. — 1. La première est souvent une source et une occasion de péché. Nous avons parlé de la solidarité qui existe entre les diverses facultés d’un même être humain. Elle intervient ici. — a) Non pas que la concupiscence, c’est-à-dire la passion, c’est-à-dire encore l’appétit sensitif, s’applique directement ct immédiatement à la volonté pour l’entraîner de tout son poids ou l’incliner de tout son effort. Les Limités sensitives. en tant que facultés, n’agissent pas par elles-mêmes, et, si l’on peut ainsi parler, par le sommet, sur les facultés spirituelles. Elles sont liées à des organes qui vibrent sous l’impulsion du dehors et dans une excitation nerveuse ; une telle vibration ne peut se propager dans la volonté qui est immatérielle et la déterminer à agir. — b) C’est donc par ses racines et par le

sol de l’âme que l’appétit sensitif influera sur la volonté et la raison. L’âme n’a qu’une quantité déterminée et finie de sève et d’énergies à dépenser, comme elle ne possède qu’une quantité déterminée et finie d’être et de perlection. Ces énergies, elle les met au service de ses facultés, mais ce qu’elle dépense en l’une, elle ne peut pas le prêter à l’autre. Il s’ensuit que, lorsqu’une faculté est hyperesthésiée et poussée au paroxysme, les forces désertent les autres facultés qui paraissent alors hors d’ellesmêmes, ou paralysées ou en extase. Voir ce mot. Les passions produites par la concupiscence dans l’appétit sensitii ont cette propriété d’appeler à elles beaucoup d’énergies : elles dépensent d’une façon considérable et quand elles sont fort excitées, les puissances qui ne sont pas mises en mouvement par elles en qualité d’instruments sont vidées de leur sève et s’anémient. C’est ce qui arrive à la raison et à la volonté : la première se voile ou disparaît, la seconde est sans élan ou se brise ; sa liberté diminue ou se perd. Voir Liberté. C’est le procédé de soustraction de forces morales qui se remarque si souvent chez les hommes passionnés et esclaves de la concupiscence. Ciun omnes potentiæ animas in una essentia animée radicentur, necesse est quod quando una potentia intenditur in suo actu, altéra in suo actu remittatur, vel etiam totaliter in suo actu impediatur ; lum quia omnis virtus ad plura dispersa fit minor, undee contrario quanto intenditur circa unum, minus potest ad alia dispergi ; lum quia in operibus animée requiritur quædam intenlio, quse dum vehementer applicatur ad unum non potest alteri vehementer atlendere. Et secutidum hune modum per aliquam dislraclionem, quando motus appet’ttus sensitivi fortificatur secundum quameumque passionem, necesse est quod remittatur vel totaliter impediatur motus proprius appetitus rationalis, qui est voluntas. Sum. theol., IIa-IIæ, q. lxxvii, a. 1. — c) Il y a un autre procédé, celui de la suggestion. Le précédent est subjectif, c’est-à-dire s’exerce par les racines mêmes que les facultés ont dans le sitbstralum de l’âme ; le second est objectif et se sert de l’objet d’une faculté pour imposer son orientation à une autre faculté. L’appétit sensitif étant une faculté consciente ne se porte que sur un objet représenté dans la perception sensible : aimer et percevoir sont deux actes liés essentiellement et inséparables : on ne peut aimer sans percevoir, et l’amour enveloppe nécessairement l’image de l’objet aimé. Il y a une inlluence réciproque de l’un sur l’autre : l’image provoque l’amour et attire l’appétit vers son objet. Inversement, l’amour fixe l’attention vers l’image et y grave plus profondément l’objet : l’affection est le meilleur garant du souvenir. La passion de la concupiscence met donc son objet en un relief prononcé, souvent exagéré dans l’imagination. D’autre part, l’imagination fournit à l’esprit les matériaux de son abstraction. L’intelligence humaine, unie au corps, est, à cause de cela, privée de tout conLact immédiat avec le monde extérieur. Elle n’en a pas l’intuition et ne le saisit que par et dans la perception sensible. Les images des corps se centralisent, se conservent dans l’imagination, et l’intellect, se tournant vers elles, en tire, par les procédés psychologiques de l’abstraction et de la généralisation, ses connaissances propres. Il s’ensuit que l’esprit est déterminé dans sa spéculation aux seuls objets qui passent par l’imagination ; que ce qui est ignoré de celle-ci l’est pareilleinentde celui-là ; que ce qui est vivant dans celle-ci est connu de celui-là ; que ce qui est en reliel dans celle-ci attire plus fortement celui-là ; que ce qui, par l’effet de la passion, est mis dans celle-ci en une lumière qui laisse tout If reste dans l’ombre, s’impose à la considération de celui-là. En un mot, quand la passion souffle si fort qu’elle oblige l’imagination à ne s’occuper que de son objet, l’esprit n’ayant comme matériaux d’abstraction que les images relatives à cet objet,