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CONCUBINAGE


son, ou vivent dans deux résidences séparées ; ce qui caractérise leur faute, ce sont les rapports illicites entretenus par elles. Le concubinage peut être public ou occulte, selon que les coupables sont notoirement connus, ou non, pour avoir des relations cbarnelles.

Quelques auteurs ont voulu comprendre sous le nom de concubinage, même le commerce adultérin. Mais il faut nettement distinguer le simple concubinage de l’adultère, qui constitue, en soi, un crime plus grand que la simple fornication. On ne peut donc les confondre sous la même dénomination. Voir t. i, col. 464465.

Ainsi, comme la fornication, le concubinage peut être appelé simple, s’il intervient entre personnes lib>'es de tout autre lien, soit de mariage, soit de parenté ou d’affinité, soit de vœu, soit d’ordre sacré.

Quelques textes du droit ancien parlent de concubines qu’il serait loisible d’introduire dans sa maison : ls qui non liabct uxorem et pro uxore concubinam, a communione non repellatur ; tamen, aut unius mulieris, aut uxoris, aut concubines sit conjunclione conlenlus. ls qui, dist. XXXIV. Mais il ne s’agit, comme il est aisé de le voir, que des épouses d’un rang inférieur, moins favorisées, ou moins solennellement mariées, que les femmes de premier ordre. L’esprit de la législation romaine explique la situation de ces personnes qui semblaient ainsi frappées de déchéance, tandis que l’Église les considérait comme des épouses légitimes. D’un coté, en effet, le droit romain exigeait égalité de rang social, ou du moins, harmonie proportionnelle entre les contractants : la femme dont l’état civil n’offrait pas cette parité, était non ïuxor, mais la concubina, c’est-à-dire épouse légitime de rang inférieur. Darernberg et Saglio, Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, art. Concubinatus, 1. 1, p. 1436. L’Église ne tenait pas compte de ces distinctions, inspirées par l’orgueil de caste ; à ses yeux, nonobstant cette appellation, ces femmes étaient des épouses légitimes. L’Église réprouvait l’existence simultanée d’une femme légitime et d’une concubine, la loi évangélique interdisant la polygamie.

Dans le langage actuel, la qualification de concubine est réservée à une temme non mariée, menant la vie commune avec un homme qui n’est pas son époux.

IL Caractkue distinctif. — Par son caractère générique, le concubinat fait partie des actes de luxure consommés, naturels, c’est-à-dire qui ne sont pas essentiellement opposés aux lois ordinaires de la génération. Il rentre dans la catégorie des péchés de fornication, qui consistent dans les relations charnelles entre personnes non unies par le mariage. Toutefois, il possède son caractère spécifique qui le distingue des autres péchés de luxure. De même que le viol ajoute au crime de fornication, la circonstance distinctive de l’injustice ; l’adultère, celle de la violation du droit du légitime époux ; l’inceste, celle du mi’pris du respect inspiré par la nature ; le sacrilège, celle de l’injure faite à la religion ; le concubinage, à son tour, tire sa gravité spéciale, de l’état " systématique, continu, des relations charnelles, de la permanence volontaire de l’occasion du péché. C’est pourquoi, si, dans la confession des fautes précédemment énumérées, il faut préciser l’espèce, pour le concubinage, on doit faire connaître la continuité des actes et la nature de l’occasion ou volontaire ou nécessaire. Le concubinage proprement dit exige la vie commune ou l’habitude de relations illicites avec la même personne. Concubinatus est fornicatio continuata cittn m cerla et determinata jinsona, ita ut supra fornicationem addat siatum et perseveranliam, sive intérim quis velquæ personam fornicaviam domi habeat, onsuetudine illam conreniat. l’erraris,

l<ta bibliollieca, v Lu.ru ria, n. 6.

On s’est demandé « i l’état de concubinage d’un chrétien avec une infidèle, par exemple, une juive, une

mahométane, ajoutait aux péchés qui en résultaient un caractère spécifique distinct qui dût être accusé au saint tribunal.

Des moralistes de premier ordre, tels que Lugo, Sanchez, se sont prononcés pour l’affirmative ; le mariage du chrétien baptisé avec une infidèle étant un empêchement dirimant, établi en raison du péril d’apostasie pour le conjoint chrétien et de la difficulté de l’éducation chrétienne des enfants, la fornication et, a fortiori, le concubinage d’un chrétien avec une infidèle présenteraient une malice spéciale.

D’autres, au contraire, soutiennent la négative. Ils ne voient dans ce fait qu’une circonstance aggravante. Ils se fondent sur le silence du droit ; puis, sur la différence qui existe entre le mariage qui, étant indissoluble, expose davantage, en raison de sa durée, à l’apostasie, et les unions fragiles que le caprice ou la lassitude rompent si fréquemment.

Les théologiens ont recherché encore si le concubinage et la prostitution étaient des péchés d’espèces différentes. La concubine reste attachée à un seul homme, tandis que la prostituée se livre au premier venu. Celle-ci est plus coupable à un certain point de vue. Son état cause un plus grand mal pour la société ; elle-même ne pourrait guère élever chrétiennement les enfants qu’elle peut avoir. Mais, sous un autre aspect, le concubinage est plus réprébensible que la simple fornication et la prostitution, à raison de la stabilité de situation qu’il occasionne. C’est pourquoi plusieurs théologiens pensent que, s’il n’est pas nécessaire de déclarer en confession si on a commis le péché d’impureté avec une femme publique, il faut faire connaître l’état de concubinage.

Toutefois le concubinatus et le merelricium ne constituent pas deux espèces différentes de péché, ces fautes ayant leur gravité propre, mais dans les limites d’une môme espèce.

III. Malice. —A raison de la persistance de l’occasion qu’implique le concubinage, les théologiens le considèrent comme le plus grave des péchés de fornication. Aussi font-ils une obligation de déclarer en confession, non seulement les fautes commises dans cet état, mais encore la durée du concubinage. Ce genre de vie n’a pu se prolonger, sans multiplier les fautes ni sans être une cause de scandale pour ceux qui en sont les témoins.

D’après la proposition 25e, condamnée par Alexandre VII, celui qui est tombé dans le péché de fornication ne satisfait pas à l’obligation sacramentelle, en disant qu’il a gravement péché contre la chasteté ; il doit préciser les actes commis. Voir t. i, col. 741. Or, l’obligation d’indiquer les faits peccamineux entraîne celle de déclarer combien de temps ont duré ces désordres. La conséquence est logique.

De la nature du concubinage, qui n’est qu’une aggravation de la fornication, il résulte qu’il est interdit de droit naturel et qu’il constitue un état intrinsèquement mauvais. Sans doute, il ne porte pas, en soi, obstacle à la première fin du mariage qui est la procréation des enfants. Mais il s’oppose certainement à la saine et normale éducation des enfants, qui est une des fins essentielles de l’union matrimoniale. Les familles interlopes, fondées en dehors de toute loi religieuse, ne sont pas stables. Les concubinaires peuvent se séparer quand ils le veulent, en désavouant au besoin leurs enfants communs. Cette situation crée un danger social, continu et permanent. Les exceptions qui peuvent se produire ne sauraient infirmer la réalité du danger. Aussi, le 2 mars 1679, Innocent XI condamnait la proposition 48e conçue en ces termes : Tant clarum videtur, forni~ cationem secundum se, uullani inyplvere malitiani et salum esse malam, quia interdicta, ut contrariinu omnino rationi dissonum videatur. Denzinger, n. 1065. Cette condamnation portée directement contre les thi ories, tendant à innocenter la fornication au point de vue