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CONCOURS DIVIN

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ger — c’est le cas des actions dites transeuntes. Or, | laissées à elles seules, les causes créées ne sauraient jamais augmenter ni leur perfection propre ni celle des aulres êtres. On ne donne pas plus que l’on ne possède ; et agir de même que produire un effet est évidemment plus que la simple puissance d’agir. Par conséquent, toutes les causes créées ont besoin, et quand s’exerce leur activité et quand se réalise leur perfection jusqu’alors toute en puissance, du secours actuel et immédiat d’une force supérieure qui supplée à leur indigence. Cette force ne peut être que celle de Dieu, puisque tous les aulres êtres participent de la même imperfection et sont en puissance.

III. Doctrine de saint Thomas.

1° Énonce général.

— Nous trouvons l’expression la plus claire et la plus brève de la doctrine de saint Thomas dans son commentaire sur les Sentences de Pierre Lombard, 1. II, dist. XXXVII, q. il, a. 2. Le saint docteur s’adresse à ceux qui prétendaient que les péchés, au point de vue tout matériel de l’acte, ne sont pas de Dieu : Hxc opinio propinquissima est errori duplici. Primo, quia ex ea vidjtur scqui quod sunt duo principia : hoc enini est de ratione prinii principii ut agere possit sine auxilio prioris agentis et in/luentia ejus, unde si voluntas humana actionem aliquam posset producere, cujus auctor Deus non esset, voluntas humana ralionem primi principii haberel ; quamvis solvere hoc nitantur, dicentes quod voluntas, etsi per se possit actionem producere sine influentia prioris agentis, non tamen a se habet esse, sed ab alio, quod etiam exigeretur ad ralionem primi principii. Sed hoc videtur inconveniens, ut quod a se non habet esse, a se agere possit, cum etiam a se durare non possit, quod a se non est. Omnis enim virtus ab essentia procedit et omnis operatio a virtute unde cujus essentia ab alio est [non quoad fieri tantum sed quoad esse, cf. Sum. theol., I a, q. Civ, a. 1] oportet quod virtus et operalio ab alio sit. Et prxterea quamvis per hanc responsionem evitaretur quod non esset primum simpliciter, non tamen posset vitari, quin esset primum agens, si ejus actio in aliquid prius agens non reduceretur, sicut in causam. Secundo, quia cum actio peccati sit ens quoddam, sequeretur, si acliones peccati a Deo non sunt, quod aliquod ens essentiam habens a Deo non esset ; et ita Deus non esset universalis causa omnium entium, quod est contra perfeclionem primi enlis.

2° Des différents modes de la coopération de Dieu aux actions des créatures. — En plus d’un endroit, saint Thomas rappelle que cette coopération a des modes divers. Et il en signale quatre ou cinq. La question est surtout traitée, De pole.ntia, q. iii, a. 7. Le docteur angélique y exprime sa pensée en formulant les conclusions suivantes : Sic ergo Deus est causa actionis cujuslibet in quantum dat virtutem agendi et in quantum conservât eam et in quantum applicat actioni et in quantum ejus virtute omnis alia virtus agit. — Dans le premier et dansle second cas, Dieu ne concourt que médiatement à l’action des créatures ; mais dans le troisième et le quatrième, son concours est en outre et surtout immédiat ; voici comment : Le troisième mode signale spécialement la manière dont Dieu, par le secours immédiat qu’il lui donne, rend la créée, dans toute la rigueur du terme, capable de manifester sa propre énergie. Car au sens strict applicare c’est mettre une chose en état de faire immédiatement valoir sa propre force, de ivnliscr son pouvoir. Le quatrième mode exprime comment la créature ant sous l’inlluence immédiate de bieu, in virtute Dei, déploie une activité et une efficacité dont, laissée à ses seules forces, elle n’eût jamais été capable.

Cet exposé ne signale pas un cinquième point de vue que saint Thomas indique ailleurs : celui de Dieu cause de tout mouvement parce qu’il en est la raison et la (in. « Le bien, terme de toutes les tendances de l’être, qu’il soit réel ou apparent, n’est le bien que par ressemblance avec le souverain bien qui est Dieu. » Sum. theol., I a, q. cv, a. 5. Toutefois, ce mode de causalité de la cause première est inclus dans l’octroi de forces motrices fait à la créature dans la création elle-même. Car chaque force motrice créée est ordonnée natura sua à quelque bien et par conséquent, d’une certaine manière, à Dieu. Ce que saint Thomas explique au même endroit. Voir aussi Cont. gent., I. III, c. lxvii, n. 2-6 ; c. lxx.

D’après ce que dit saint Thomas, Cont. gent., 1. III, c. lxvii, n. 2, on est en droit de conclure qu’outre l’application de la force créée par le concours immédiat de Dieu, il admet un autre mode d’application de cette force : dans ce passage, en effet, il conçoit cette application comme la constitution de la cause seconde in actu primo proximo, et il s’agit de l’acte premier complet du côté de la créature. Assurément, cette application est elle-même impossible sans concours immédiat : elle consiste, en ell’et, en ce que les divers éléments créés soient les uns vis-à-vis des autres mis en relation de la façon qui convient à l’exercice de leur activité ; ce qui doit se faire soit par mouvement local ; soit, dans les actes intellectuels, par introduction d’espèces intelligibles ; soit, dans les actes de la volonté, par présentation de l’objet. Or, dans tous ces cas, le concours divin, immédiat, est nécessaire. Et ici encore, il convient de dire que ce point de vue est inclus dans celui qui a été indiqué plus haut, quand saint Thomas nous parlait du troisième mode de la coopération de Dieu aux actions des créatures. De potentia, q. iii, a. 7.

Conséquences de cette doctrine.

De ce qui vient

d’être dit découlent quelques conséquences importantes : 1. Toute cause créée peut, dans un certain sens, être appelée cause instrumentale par rapport à Dieu. — Car c’est sous l’action immédiate de Dieu qu’elle produit chacun de ses effets et ceux-ci dépassent sa propre force. Or ce qui caractérise la cause instrumentale, c’est de pouvoir, grâce à une force supérieure, produire un effet qui dépasse la seule capacité de l’instrument. Cf. De potentia, loc. cit., Sed ulterius ; De veritate, q. xxii, a. 1, ad 5um. D’ailleurs le rapport qu’il y a entre une cause principale et une cause instrumentale est la raison pour laquelle une seule et même opération peut procéder à la fois de Dieu et de la créature. Cependant, il faut convenir que la créature n’est cause instrumentale par rapport à Dieu que dans un sens quelque peu impropre et cela pour deux motifs : a) Le premier est qu’on ne saurait ni dans l’activité ni dans l’effet de la cause créée distinguer aucun élément qui, au sens plein du terme, lui soit propre, vienne d’elle seule et ne résulte pas tout d’abord de l’inlluence de la cause principale. Car dans l’activité et dans l’effet de la cause créée tout est de Dieu en tant qu’être, tout est de la créature en tant que tel être. — b) La seconde raison de refuser à la cause créée le caractère intégral de cause instrumentale est que, dans son ordre d’être, la cause créée est la cause adéquate de l’effet et que l’effet est pleinement à sa ressemblance : mais il en est tout autrement dans le cas de la véritable cause instrumentale. In IV Sent., 1. IV, dist. I, q. i, a. 4, sol. 1° ; dist. XIX, q. i, a. 2, sol. 2 « ; Sum. theol., III a, q. i.xii, a. I.

2. Ce n’est aussi que dans unsens restreint que Dieu et la créature peuvent être appelés causes partielles.

— Car en ce qui regarde l’effet, la cause première et la cause seconde le produisent toutes deux en entier ; Dieu n’en fait pas une partie et la créature une autre, même s’il s’agit de parties appelées intentionné lies. Mais tout dans l’effet est produit en commun par les deux causes, bien que chacune d’elles atteigne l’effet sous un rapport différent. D’autre part, entre Dieu comme cause et la créature n’intervient pas exactement la même relation qu’entre une cause partielle et une