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CONCORDAT DE 1801


cordât de 1516 ; il serait moins nombreux que l’ancien et vivrait tout d’abord d’une pension de l’État. Des intrus, il ne serait pas question. Enfin, après le succès des négociations, Bonaparte s’emploierait à.vire recouvrer au pape tous ses Etats. » Datée du 26 juin 1800, la lettre de Martiniana n’arriva à Rome que le 10 juillet. Elle y combla de joie le ferme et conciliant Pie VII que venait d’élire le conclave de Venise (1 er décembre 1799-14 mars 1800) : c’était non seulement pour l’Église en France la fin de ses malheurs et pour la papauté dont la pleine souveraineté était ainsi reconnue une victoire sur le gallicanisme, mais encore la paix avec la France à un moment où ses armées étaient singulièrement menaçantes et même le salut pour les États pontificaux disputés depuis 1796 entre les Français, les Autrichiens et les Napolitains.

Il accepta donc avec empressement de négocier, ne désespérant pas d’adoucir les exigences de Bonaparte. Il ne se laissa arrêter ni par l’Autriche qui voulait attirer la papauté dans la coalition, ni même par Louis XVIII. Ce prince, que Pie VII avait reconnu et averti de son exaltation, ne craignait rien tant que la paix religieuse rendue aux Français : c’était la réconciliation de tous, de la Vendée elle-même, avec la Révolution. Averti en août des négociations de Verceil, il vit en elles une offense et un péril. Il chargea le cardinal Maury, son ministre à Rome, de représenter au pape l’instabilité du gouvernement consulaire, qui était à la merci d’une défaite, d’une crise politique et d’une conspiration, et par conséquent la vanité et les dangers d’un traité conclu avec lui. Cf. E. Daudet, L’Eglise et le roi pendant l’émigration, dans le Correspondant du 10 mai 1905. Il essaya même d’obtenir du tsar Paul I er, par une lettre datée du 8 septembre 1800, une démarche semblable auprès du pape. Paul I er s’y refusa. Quant à Pie VII, après avoir averti les évêques français par une lettre du 13 septembre, il fit partir pour Verceil où Martiniana semblait indiquer qu’auraient lieu les négociations sous sa direction, M9 r Spina, archevêque de Corintbe. Il devait être plutôt le guide que l’auxiliaire de Marliniana qui eût tout accordé. En roule, à Florence, Spina apprit que les négociations étaient transportées à Paris. C’était une habileté de Bonaparte qui voulait faire croire à l’Europe que l’initiative venait de Pie VII et surtout isoler le diplomate pontifical. Le pape se prêta à cette exigence, mais il retint Martiniana et adjoignit à Spina un théologien, le P. Caselli, plus tard général des servites. Les deux diplomates arrivaient à Paris le 14 brumaire an IX (5 novembre 1800). Les négociations allaient durer du 5 novembre 1800 au 15 juillet 1801. Elles se passèrent toutes à Paris ; en avril et en mai 1801, il y eut toutefois des négociations complémentaires à Rome. Elles furent conduites dans le secret le plus rigoureux : étant donnés les obstacles, c’était le seul moyen d’arriver au but ; le pape avait à ménager les Autrichiens et les émigrés ; Ronaparte, les constitutionnels, les déistes et les athées, principalement l’Institut, l’armée, les corps politiques et ses proprescollaboratcurs, Fouché, Talleyrand, parexemple. Elles furent conduites de Rome par Pie VII et par le secrétaire d’Etat, Consalvi, assistés de la « petite Congrégation » des trois cardinaux Antonelli, Gerdil et Garandini, et de la Congrégation toute récente des affaires extraordinaires ou des 12 ; le secrétaire et l’âme des deux était l’archevêque d’Isaurie, di Pielro. En juin 1801, Consalvi viendra diriger les négociations à Paris. Les négociateurs français furent Talleyrand, ministre des relations extérieures, assiste de son secrétaire d’Hauterive, tous deux hostiles à Home, et l’abbé Bernier surtout, de qui Bonaparte avail en à se louer dans la pacification de la Vendée ; mais le premier consul avait la haute direction. Il eut ici. à côté du mérite de la perrance malgré toutes volontés contraires, des ruses et

des violences comme dans toutes ses négociations. Les négociations du concordat passèrent par deux phases. Jusqu’en février 1801, elles furent très lentes : ni le pape, ni Bonaparte ne se pressaient. Le pape attendait les événements ; « il laissait faire la providence, le hasard, l’intrigue et la guerre ; » les objections de Maury avaient eu du moins ce résultat. Spina n’avait aucun pouvoir ; « il devait simplement, disaient ses instructions, tout entendre, tout discuter, tout observer, ne rien conclure. » « Bonaparte, dit M. Sorel, perça le jeu et atermoya de son côté, » attendant la victoire qui, faisant de lui le maître incontesté de l’Italie, mettrait à sa merci dans Pie VII le pape et le souverain. Au reste, les exigences des deux pouvoirs étaient bien éloignées l’une de l’autre. Le premier projet français fut soumis à Spina le 26 novembre ; il le repoussa comme inconciliable avec ses instructions ; trois autres eurent le même sort en décembre et en janvier. Mais, à partir de février, une phase active et décisive commence ; Bonaparte exige et commande. C’est que la victoire de Moreau à Hohenlinden, 12 frimaire an IX (3 décembre 1800), la paix avec l’Autriche, 20 pluviôse (9 février 1801), la paix avec Naples, 7 germinal (2 mars), ont singulièrement accru sa puissance. Le pape se défend comme il peut, mais finit toujours par céder. « Il ne s’agissait plus, en effet, de marchander la paix à Bonaparte ; il s’agissait d’être ou de n’être pas le chef des catholiques en France et en Italie, le souverain de Bonne. » Sorel. Cette phase décisive s’ouvre et se termine par une crise. Le 2 février 1801, un 5e projet, œuvre du premier consul, était remis à Spina qui était sommé de l’accepter. Sans pouvoirs, Spina en référait à sa cour. C’est alors que Bonaparte, pour presser les choses, envoyait à Rome Cacault, le signataire de la paix de Tolenlino, comme représentant de la France, sans agent auprès du pape depuis l’affaire de décembre 1797. Cacault arrivait à Rome le 8 avril. Dans l’intervalle, la petite, puis la grande Congrégation avaient discuté le projet français et avaient rédigé un contre-projet qui, terminé vers le 17 avril, fut encore soumis à Cacault avant d’être envoyé à Paris. Le 13 mai, un courrier l’emportait enfin avec une lettre explicative du pape au premier consul et un bref conférant à Spina les pouvoirs nécessaires pour traiter dans des limites bien déterminées, tous actes datés du 12 mai. Ce courrier arrivait à Paris le 23 mai. Mais dans l’intervalle, las d’attendre, - poussé par Talleyrand, hostile à Rome et désireux d’imposer « la clause de M me Grand » (cf. H. de Lacombe, Le mariage de Talleyrand, dans le Correspondant du 25 août 1905), Ronaparte, dès le 29 lloréal an IX (19 mai), avait expédié à Rome cet ultimatum : si dans le délai de 5 jours, le pape n’a pas accepté le projet tançais, tout sera rompu ; Cacault quittera Rome et se rendra à Florence. » Le 29, Cacault communiquait son ultimatum. Et pour aider à persuader le pape, les garnisons de Toscane étaient renforcées, des lettres de Spina annonçaient que le 12 mai, à la Malmaison, le premier consul avait menacé de prendre un parti en dehors du saint-siège et d’occuper à titre de conquête les Etats de l’Eglise. Il avait accusé en outre Consalvi de pactiser avec les ennemis de la France et avec les Bourbons. Consultée, la Congrégation des 12 déclara de nouveau le piolet inacceptable. L’effroi était dans Home. Cacault fut le sauveur. Se retirante Florence, comme il en avait l’ordre et où d’ailleurs il entendait modérer le général en chef, Murât, il laissa au pape le conseil d’envoyer Consalvi à Paris pour dissiper les préventions et renouer les négociations. Ainsi fut fait. Consalvi avec le pouvoir de conclure, mais en des limites marquées par des instructions précises, partit le ti juin ; il arriva à Paris le 20. D’abord les documents pontificaux du 12 mai, l’annonce de la démarche de Consalvi avaient adouci le premier consul. Mais Tallevraud l’avait circonvenu et, craignant l’influence de