Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.djvu/328

Cette page n’a pas encore été corrigée
633
634
COMPREHENSIVE (SCIENCE)


a d’un même objet des sciences compréhensives très distinctes, plus parfaites en elles-mêmes les unes que les autres, suivant la diversité et la perfection intrinsèque des sujets connaissants. Par exemple, la science que Dieu a d’un ange, celle que cet ange a de lui-même, sont toutes deux compréhensives. Entre l’une et l’autre, cependant, il y a distinction, non seulement spécifique, mais transcendante, infinie. Dieu comprend parfaitement la nature angélique, mais à la lumière de son intelligence infinie ; l’ange aussi comprend sa nature, mais à la lumière infiniment moins brillante de son esprit fini. Ces différences toutefois découlent, non de la compréhension elle-même, mais uniquement des sujets connaissants, dont les facultés scientifiques peuvent être et sont plus parfaites les unes que les autres, dans leur essence et leur clarté spécifique. C’est encore la pensée de Suarez, qui la fait ressortir dans un exemple bien approprié : Comprehensio ejusdem angeli inferioris perfectior est in supremo angelo quant in alio intermedio. licet nuliani rationem, modum, aut habitudineni tenu inwnvee jus cognoscat unus, non vero alius, in particulari et cum omni distinct ione seu specificatione ex parte objecti. Dico tamen, quando cognitiones attingunt hune gradum perfeclionis ex parle objecti, Muni alium modum in quo est excessus, non fundari in objecto, neque ut terminante, neque ut efficiente vel quasi efficiente cognitionem, sed fundari in soîa perfeclionc cognoscentis, et ideo diversitatem illam nihil ad comprehensione.m referre. Loc. cit., n. 15. Cf. n. 12.

IV 7. Significations diverses. — Par la science compréhensive, l’objet se trouve perçu dans toute son intelligibilité. Mais cette intelligibilité même peut diversement s’entendre, et prêter ainsi fondement à des significations très différentes de la compréhension ou science compréhensive.

1° L’on peut restreindre cette intelligibilité à l’objet tel qu’il existe absolument, en lui-même, avec sa nature et ses éléments constitutifs, avec les propriétés ou attributs qui en dérivent, c’est-à-dire ses puissances actives et passives. Cette extension restreinte de l’intelligibilité ne saurait suffire à la science compréhensive. L’objet ainsi pénétré n’est pas compris dans toute son étendue intelligible, laquelle se prolonge bien au de la de son être concret.

De vrai, cet objet se trouve intelligible de façon beaucoup plus vaste. Il peut et doit être connu, non seulement en lui-même, mais aussi dans tous les rapports naturels et réels qui le complètent dans son individualité propre. Ainsi est-il intelligible dans ses rapports réels à l’ordre général de l’univers, dans ses rapports réels passés, présents ou futurs avec les causes multiples qui ont agi, agissent et agiront certainement sur lui d’une manière quelconque, et aussi avec tous les effets divers qui ont suivi, suivent et suivront, immédiatement ou médiatement, l’exercice de son activité’. On ne peut méconnaître que la science de toutes ces relations importe à la pénétration d’un objet dans la mesure même où celles-ci constituent un élément de son existence concrète et un temps de son histoire. Et dans ces conditions, la connaissance d’un objet donné serait déjà largement compréhensive.

Elle peut l’être davantage encore, si elle enveloppe les rapports simplement possibles, qui n’ont été et ne seront jamais existants, soit avec l’ordre général du monde réel, soit avec les causes et les effets en contact possible avec cet objet dans le même monde. Il faut

bien & r que la science de ces relations simplement

possibles avec le monde réel importe à la connaissance de l’objet, dans la mesure même où elle révèle l’intensité ou l’extension de ses puissances actives et passives. A ce degré el au point de vue de l’être naturel, la compréhension serait totale, la science adéquate et com préhensive. C’est là, semble-t-il, tout ce que l’Ecole entend, lorsqu’elle définit la compréhension avec Suarez : De ratione comprehensionis est ut sit cognilio tant clara et intensa quantum necesse est ad exacte cognoscendas et penetrandas in objecto omnes habitudines el connexion.es, quas ex natura sua habet et habere potest cum omnibus rébus a quibus ipsum pende ! , et quæ ab ipso pendere possunt. Loc. cit., n. 9.

i° L’on peut s’élever toujours et requérir pour la compréhension que l’objet soit, de plus, saisi dans tous ses rapports avec l’ordre général de tous les mondes possibles, avec toutes les causes et tous les effets en contact possible avec lui dans ces mondes qui ne sont pas et ne seront jamais. Mais pousser jusqu’à ce point les exigences serait peut-être sortir de la question présente, je veux dire de l’intelligence d’un objet donné, pour entrer dans le domaine de la toute-puissance de Dieu et de son exemplarisme inépuisable. Pour la compréhension d’un objet, il semble bien suffire qu’il soit perçu tout entier, et dans le cadre où il se trouve naturellement placé, avec la série déterminée des rapports qui en découlent. C’est bien là épuiser sa nature et son être intelligible. Le surplus appartient moins à l’objet qu’à la puissance infinie de Dieu.

3° Le fait de la révélation et l’institution de l’ordre surnaturel nous ont appris que l’intelligibilité d’un objet peut grandir encore, et franchir les limites de la nature. Cet objet peut, s’il plait à Dieu, revêtir des perfections d’ordre préternaturcl ou même surnaturel, et, par ce fait divin, acquérir une intelligibilité nouvelle et proportionnée à son élévation. Ces données divinement surajoutées rentrent-elles dans le domaine de la science compréhensive ?

Il est à remarquer que ces perfections d’ordre supérieur, si elles supposent dans le sujet appelé à les recevoir une puissance passive et obédientielle, ne découlent cependant pas de sa propre nature et de ses forces, mais de la seule puissance de Dieu. Par suite, l’on peut conclure, ici comme précédemment, que l’intelligibilité de ces perfections regarde moins l’objet que la puissance divine. La science compréhensive, simplement et proprement dite, semble bien devoir être limitée à la nature de l’objet donné avec toutes les conséquences réelles ou possibles qu’elle emporte dans le monde présent. C’est aussi le sentiment de Suarez : Satis estenim exliaurire naturam ejus [créât urse). Nani eugnoscere quas per potentiam obedientialem fieri in ea possunt, magis est cognoscere Dei omnipotentiam quam creaturam ipsam perfectius cognoscere, prsesertini quoad ea quse naturalia ci sunt. Loc. cit., n. 10.

V. Différents sujets.

1° Sous tous rapports, Dieu a la science compréhensive de son être absolu et infini, et aussi de tous les êtres participés et finis qui sont sortis ou peuvent sortir de sa puissance. Dans l’éternelle et ineffable vision qui est lui-même, il se pénètre et s’étreint tout entier jusqu’à l’infini de sa nature et de ses personnes. Par sa triple science, science de simple intelligence, science de vision, science moyenne, il atteint, enveloppe, épuise tous les êtres, dans les profondeurs de leur nature comme dans toute l’étendue de leurs relations, dans leurs causes comme dans leurs effets, dans leurs principes comme dans leurs conséquences si éloignées qu’elles soient, dans l’ordre réel comme dans tous les ordres possibles, dans le monde de la simple nature comme dans tous ceux de la nature élevée aux perfections préternaturelles ou surnaturelles.

Cette science compréhensive et absolue de la divinité et de tout ce qui en peut procéder ou procède au dehors, est commune aux trois personnes de la Trinité sainte. Mais la théologie doit l’approprier au Verbe, qui. procédant par voie d’intelligence, est l’image et l’expression adéquate et personnelle de la personne et de la