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COMPAGNIES MAUVAISES — COMPENSATION OCCULTE

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seraient attaquées ; de favoriser la vertu, et s’ils ne peuvent supprimer complètement le vice, de le forcer du moins à ne pas s’étaler effrontément.

Bourdaloue, Œuvres complètes, Paris, 1846, t. ii, p. 656 ; Paul Ségneri, Sermons, Paris, 1860, t. ii, sermon lxxi ; Houdry, La bibliothèque des prédicateurs, Paris, 1870, t. i ; Lcjeune, Œuvres, serm. cccxlxii, Paris, 1852, t. xit, p. 228-244 ; S. Alphonse de Liguori, Sermons abrégés, serm. xlii, Œuvres complètes, trad. Dujardin, t. xvii, Tournai, 1877, p. 459-467.

L. Descrus.

    1. COMPENSATION OCCULTE##


1. COMPENSATION OCCULTE. - I. Définition. II. Légitimité morale moyennant certaines conditions. I. DÉFINITION.

C’est l’acte par lequel en cas d’impossibilité de recourir à aucun autre moyen de réparation ou de dédommagement l’on retient en secret sur les biens de l’injuste détenteur ou damnilicaleur ce qui est nécessaire pour réparer le droit lésé. — 1° Par le fait que l’on agit uniquement par sa propre autorité, la compensation occulte se distingue : 1. de la compensation légale déterminée par la loi ou par une décision judiciaire préalablement sollicitée ; 2. de la compensation arbitrale fixée par un arbitre préalablement choisi et accepté. Nous n’avons à parler ici ni de l’une ni de l’autre. — 2° La compensation occulte ne peut être un acte de la vertu de justice, puisque cette vertu ne peut être strictement observée que vis-à-vis d’une autre personne, cum nomen juslitiæ œqualitatem importe l, ex sua ralione juslilia Itabet quod sit ad alterum. S. Thomas, Suni. theol., II a 11^’, q. lviii, a. 2. C’est un acte provenant de la charité envers soi-même, acte par lequel on veut son propre bien de manière à n’enfreindre aucun précepte posé par d’autres vertus.

— 3° Cet acte de charité envers soi-même doit strictement respecter tous les droits que la justice commutative oblige à ne point violer dans le prochain. A cette fin : 1. il est requis que le droit que l’on veut actuellement réparer soit suffisamment certain. Une certitude absolue est-elle strictement requise ou une sérieuse probabilité peut-elle suffire ? En principe, une sérieuse probabilité sur la légitimité de son droit dans tel fait matériellement certain peut suffire ; c’est en ce sens que l’on admet communément qu’avec le droit de se compenser peut exister chez autrui le droit de se pourvoir devant les tribunaux, pourvu que l’on soit résolu à se soumettre à la juste décision judiciaire. Cependant comme l’illusion est très facile et très fréquente en une matière où les intérêts sont directement en jeu, l’on devra pratiquement ne point agir d’après une simple probabilité sans l’avis d’un confesseur ou directeur prudent. Lehmkuhl, Theologia moralis, t. I, n. 939. — 2. Il est requis que le droit que l’on réclame soit actuellement exigible. C’est le principe qui règle le payement de toute dette. Cependant, suivant quelques théologiens, dans le grave danger de n’être point payé dans l’avenir, il est permis, tout autre moyen faisant défaut, de se compenser dès maintenant, en défalquant sur la somme due le damnum émergera et le lucrum cessons que cause au détenteur actuel ce payement anticipé. Lu go, De jus ti lia ci jure, disp. XVI, n. 93 ; Génicot, Théologies moralis institutiones, t. i, n.501. — 3. Il est requis que l’on n’excède jamais la stricte limite de son droit, puisque ce serait un vol. Ce droit doit être apprécié, non d’après des opinions particulières peu fondées, mais d’après des raisons objectivement certaines et considérées comme telles par quelque arbitre judicieux et prudent. — 4. Enfin il est requis que le débii. m ne soit pas exposé au danger de paver deux fois. cette fin l’on est en principe tenu d’avertir l’injuste

ateur ou damnificateur ou de lui passer condona tion, pourvu toutefois qu’en agissant ainsi l’on ne s’ex trop fi’iius inconvénients. Car l’on ne

il point à ce prix obligé d’éviter au prochain une perte qui ne provient que de sa propre malice et qui

e>st d’ailleurs très hypothétique d’après ses dispositions bien connues. — Par l’observation de ces quatre conditions qu’exige la justice commutative, la compensation occulte se rapproche de la vertu de justice, en ce qu’elle ne doit point violer l’égalité requise entre le droit injustement lésé et sa légitime réparation.

3° Cet acte de charité envers soi-même doit encore ne point violer la justice légale surtout d’une manière notablement préjudiciable au bien commun de la société. Se rendre justice à soi-même, sauf quand il est impossible de recourir aux pouvoirs publics, est un grave désordre qui peut facilement conduire à beaucoup d’abus par la contagion de l’exemple, par la déconsidération des pouvoirs publics ou par le désir de se venger. Par soumission à l’autorité légitime et pour éviter à la société des maux considérables, l’on doit donc ne recourir à la compensation occulte que quand tout autre moyen de réparation fait défaut. Cependant, comme il n’y aurait aucune injustice stricte à violer ce devoir de justice légale, on ne serait point tenu à restitution. S. Thomas, Sum. theol., IIa-IIæ , q. i.xvi, a. 5, ad 3um.

4° La compensation occulte doit ne point violer la charité par quelque scandale dont on reste l’auteur vraiment responsable. C’est une conséquence de la souveraine obligation de fuir le scandale. Cependant quand on a accompli le nécessaire pour écarter le scandale, si l’on a quelque grave raison pour agir, l’on n’est point tenu de s’abstenir, toute la responsabilité incombant dès lors réellement à ceux qui veulent se scandaliser.

II. Légitimité morale moyennant certaines conditions. — 1° Conditions de cette légitimité. — Elles ressortent de la définition que nous venons d’expliquer : conditions requises par la justice commutative, par la justice légale et par la charité. Malgré quelques légères divergences d’application, elles sont en principe communément acceptées par les théologiens.

Preuves de cette légitimité.

1. Preuve rationnelle

déduite du droit individuel injustement lésé. — Le droit individuel persévérant malgré la continuation de l’injustice autorise à se dédommager du lort ressenti, pourvu que l’on ne viole d’aucune manière la justice commutative, la justice légale ou la charité. C’est une conséquence nécessaire de l’inviolabilité du droit individuel toujours souverainement respectable dans toute société bien organisée. Or la compensation secrète accomplie dans les conditions indiquées n’est opposée à aucune de ces vertus. — a) Elle n’est point opposée à la justice commutative. Pour que cette vertu soit violée, il faut ou que le dédommagement excède la limite du droit ou qu’il soit cause d’un tort positif en imposant à l’auteur de l’injustice une double restitution. Double injustice strictement écartée par les conditions déjà indiquées. — b) Elle n’est point opposée à la justice légale. Cette vertu exige seulement que l’on se conforme aux justes décisions portées par l’autorité publique ou que l’on s’abstienne, par amour pour le bien commun, d’actes même justes quand ils pourraient gravement troubler l’ordre public. Ce double devoir ne peut exister dans la circonstance, puisque toute décision judiciaire est supposée irréalisable, et que l’on exige l’absence de tout danger ou inconvénient grave pour la société. — c) Celte compensation n’est point opposée à la charité. Pour que cette vertu obligeât a renoncer au droit individuel, il faillirait que le bien commun à défendre OU à sauvegarder lût lies important et qu’il n’y eût point pour soi-même un trop grave inconvénient. Double circonstance strictement écartée par les conditions indiquées.

2. Preuve d’autorité, déduite de l’enseignement commun des tlieologiens. - Saint Thomas traite incidemment un cas de compensation occulte où quelqu’un s empare secrètement de son propre bien en dépôt chez