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COMMUNION EUCHARISTIQUE (FRÉQUENTE)


(† 1595), et saint Charles Borromée († 1581). En Espagne, dans la première moitié du XVIIe siècle, la semence jetée par saint Ignace et ses premiers disciples portait ses fruits. Les principaux défenseurs de la communion fréquente furent le bénédictin Chinchilla, Considération de la comuniôn, 1608 ; Mémorial sur les effets que la communion cause dans Vdme, Madrid, 1011 ; Alonso Curiel, Tratado de la frequencia de la comuniôn, Salamanque, 1609 ; le franciscain Joseph de Santa-Maria, Apologia de la frequencia de la sagrada comuniôn, 1616, et surtout le bénédictin Marzilla dans son Mémorial, adressé à l’archevêque de Santiago, au sujet de la fréquence avec laquelle il est utile aux séculiers de recevoir le très saint sacrement, 1611, et dans ses Additions au mémorial, Saragosse, 1613. Selon Marzilla, l’état de grâce est la seule disposition nécessaire pour communier dignement, et, pour communier un jour après l’autre, il n’est pas requis d’être mieux disposé que pour communier après un temps assez considérable. Marzilla s’élève particulièrement contre les confesseurs qui interdisent la communion à l’âme disposée pour la recevoir. Il n’hésite point à affirmer que le confesseur n’a pas le droit de refuser la communion à une âme bien disposée et qui la désire. Ilneparled’ailleurs quedesfidèles suflisammentinstruits qui ont conscience de leurs bonnes dispositions et qui communient fréquemment. Marzilla, comme paraît le prouver la lettre au général Aquaviva, insérée au c.xxiii de ses Additions, avait surtout en vue les confesseurs jésuites. Le chartreux Antoine de Molina (fl619), Instruction des prêtres, trad. Gaultier, Lyon, 1663, en soutenant la même doctrine, insiste davantage sur l’obéissance aux conseils du confesseur, p. 679 sq., auquel cependant il recommande de ne pas ôter légèrement les communions à ceux qui veulent sincèrement avancer dans la perfection, bien qu’ils ne montrent pas beaucoup d’amendement. On remarquera ce passage qui paraît dirigé contre la règle xxvie : « On ne pourrait objecter, suivant l’opinion de quelques bons auteurs spirituels, que tous les laïques qui ne sont pas prêtres, tant soient-ils vertueux, se doivent contenter de communier une fois la semaine et que c’est témérité de leur accorder davantage. Je confesse que cette raison m’a bien donné à penser à cause de l’autorité et du respect que je porte à ses auteurs ; mais après l’avoir conférée avec ceux de l’avis contraire, j’en trouve cent pour un, de sorte que je ne crains point, m’appuyant sur les colonnes de l’Église, et puisant dans les vives sources des saints conciles, quand il est question de déterminer les vérités catholiques. Mais je demande à ces auteurs sur quoi ils fondent cette règle que les laïques ne communient qu’une fois la semaine ; cela ne se trouve point dans l’Évangile ni en toute l’Écriture sainte qu’il ait été déterminé aux prêtres de la recevoir tous les jours et aux laïques une fois la semaine ou de tel en tel temps. Il n’a point appelé pain de la semaine ou du mois, mais quotidien, qu’il nous commande de demander tous les jours, sans aucune différence. Je ne sais de quel texte directement ou indirectement on pourrait colliger cette limitation de temps, ni des docteurs non plus, car ils conseillent de communier tous les jours. Il semble donc que cela procède de leur arbitrage et non d’ailleurs, mais nous pourrions leur dire ce que la sainte veuve Judith reprocha aux prêtres de Béthulie, quand ils résolurent de livrer la ville, s’ils n’étaient secourus dans cinq jours : « Qui êtes-vous qui « tentez ainsi Dieu ? ce n’est pas là un propos qui attire Miiséricorde, c’est plutôt pour l’irriter. Vous avez « limité le temps de In commisération divine et lui avez intel jour qu’il vous a plu. » P. 710 sq. Quelques années plus tard, Jean Palconi, de l’ordre de la Merci († 1638), s iiilint la même doctrine dans son livre, El pan nuestio de cada dia, publié à Madrid

seulement en 1660, bientôt traduit en français et publié à Paris avec l’autorisation du provincial des Pères de la Merci, puis à Montauban. Cet ouvrage a été réédité par le P. Couet, Paris, 1893. Falconi soutient avec raison que la seule disposition vraiment nécessaire pour la communion quotidienne est l’état de grâce, p. Il sq. Pour communier chaque jour, il n’est point nécessaire d’être parfait, car ce sacrement n’a pas été institué pour être la récompense de notre perfection, mais pour servir de remède à nos imperfections. C’est donc surtout pour remédier à nos imperfections et à nos faiblesses que nous devons souvent recourir à ce sacrement, p. 22 sq. L’on doit prendre à cœur de s’affranchir de ses imperfections et de se disposer chaque jour de mieux en mieux, mais du moment que l’on est en état de grâce, l’on ne doit point cesser de communier chaque jour, bien que l’on ne puisse pas acquérir la perfection absolue ; car, avec cette fréquentation de la communion, on diminue ses défauts et l’on acquiert une disposition plus parfaite, p. 66. Le seul reproche que l’on puisse faire à Falconi est d’avoir peu insisté sur les dispositions de convenance. Mais, pour tout lecteur attentif, il est certain qu’il ne les méconnaît point. En déniant au confesseur le droit de refuser la communion aux pénitents qui sont en grâce et qui désirent recevoir ce sacrement pour se guérir de leurs imperfections, il exprime une vérité sanctionnée par le décret du 20 décembre 1905. D’ailleurs, Falconi conseille au pénitent de s’humilier et de se priver de la communion, tout en le louant de chercher un autre confesseur qui lui accorde ce bienfait spirituel, p. 26 sq.

Ces dernières paroles nous révèlent l’opposition que rencontrait alors chez un certain nombre de confesseurs la communion fréquente et quotidienne.

La doctrine de Marzilla et de Falconi lut vaillamment soutenue par Mathieu de Villaroel, De la neecsidad de la oraciôn y fréquente comuniôn, Madrid, 1635, et notamment par Antonio Velasquez Pinto, de l’ordre des clercs réguliers mineurs, Tesoro de los christianos, Madrid, 1662, ouvrage muni de beaucoup d’approbations des universités d’Alcala, Valladolid et Avila, et des plus notables docteurs bénédictins, franciscains, carmes, dominicains, augustiniens, bernardins et minimes, approuvé aussi par beaucoup d’évêques du moins après la première édition. Tous ces ouvrages produisirent en Espagne un mouvement très accentué en faveur de la communion fréquente ou quotidienne, lîien que ce mouvement fût en lui-même très louable et que les ouvrages précédemment indiqués se fussent tenus dans les limites de l’orthodoxie, il est cependant avéré, d’après l’examen de la S. C. du Concile en 1619, Analecta juris pontificii, 7e série, col. 798 sq., que des exagérations individuelles et des abus très répréhensibles s’étaient produits : exagérations et abus très condamnables et de tait condamnés par le décret de 1679, mais qui ne pouvaient rejaillir sur la doctrine elle-même.

c) Pendant que ces deux tendances principales se manifestaient chez les théologiens catholiques, les jansénistes attaquaient passionnément la communion fréquente. Le principal ouvrage dirigé contre elle fut celui d’Arnauld, De la fréquente communion, Paris, 1613. Voir t. I, col. 1979. Le docteur janséniste sans déterminer ce qu’il entend par communion fréquente, en exclut presque tous les fidèles par deux conditions ou dispositions préalables : 1° une digne et longue pénitence préalablement faite pour chaque péché mortel commis, pénitence rigoureusement exigée avant l’absolution et la communion ; 2° une dévotion véritable consistant dans un amour divin entièrement pur et sans mélange, ou dans la volonté effective de plaire à Dieu en toutes choses. Les témoignages des anciens Pères et des théologiens sont de parti pris ramenés à ces étroites propor-