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453 COMMUNION DES SAINTS (MONUM. DE L’ANTIQUITÉ CHRÉT.) 454

des rapports officiels et de bonne harmonie qui reliaient extérieurement entre eux la communauté chrétienne et chacun de ses membres, mais d’une société toute spirituelle, d’une communication mystique établie entre fidèles et bienheureux. Il est vrai que l’on trouve encore dans la littérature "canonique du ive et du ve siècle l’expression commanio sanctorum pour désigner la communion entre fidèles. Cf. Epislola Cabarsussitani concilii, P. L., t. xxxvi, col. 376 sq. ; Epistola ad Flavium Marcellinum, P. L., t. xliii, col. 835 ; S. Augustin, Serm., lii, n. G, P. L., t. xxxviii, col. 357. Mais ces rares exemples ne peuvent prévaloir contre l’usage courant du mot sanctorum et le sens précis que lui donnent, en l’expliquant, les homélies du temps, où il s’agit évidemment d’une extension mystérieuse de l’Eglise, d’une union affective et effective des fidèles de la terre avec les élus du ciel. La première explication que nous ayons de cet article du symbole, la plus nette aissi et la plus abondante, celle de Nicétas de Remesiana, est dégagée de toute incertitude, Ecclesia quid iliud quant sanctorum omnium congregatio ? Les saints, ce sont les justes de tous les temps, et c’est avec eux, en même temps qu’avec les anges, que le fidèle doit entrer en communion, comme membre d’un même corps mystique. Caspari, Kirchehhistor. Anecdota, 1. 1, p. 355.

Motifs de l’insertion.

L’idée de cette communion

de tous les saints entre eux et dans le Christ était assurément populaire, puisque Nicétas l’expose aux néophytes et qu’on la voit si souvent revenir, sous la forme la plus simple, dans les homélies adressées au peuple, comme un sujet bien connu.

Saint Augustin suppose que personne, dans son Église, ne doit ignorer cette doctrine, Serm., cxxxvii, n. 1, P. L., t. xxxviii, col. 754, et lui-même a contribué encore plus que tout autre à la répandre dans l’Église et à la rendre familière. Cf. Serm., ccxl-ccxliv, P. L., t. xxxix, col. 2189-2195. L’introduction de cet article dans le symbole peut donc s’expliquer, sans l’intervention d’aucune autre cause déterminante, par le seul développement normal d’une longue et chère tradition qui répondait si bien aux plus profondes aspirations du cœur dans la masse des fidèles. Aussi voit-on se constituer définitivement à la même époque et s’étendre dans les mêmes proportions le culte des saints et celui des défunts.

D’ailleurs, il est impossible de signaler aucun fait spécial, aucune impulsion extérieure qui ait pu motiver cette addition. Harnack y voit une protestation de l’Église contre les doctrines de Vigilance. Das apost. Glaubensbekenntniss, p. 31 sq. Mais il faut reconnaître que la formule adoptée eût servi bien mal, par son caractère abstrait et l’amplitude même de son contenu, la cause de l’orthodoxie et ne consacrait que d’une manière indirecte la légitimité du culte des saints. Au surplus, il serait bien surprenant que ce caractère de protestation, si protestation il y avait, n’eût été relevé dans aucun des documents qui reproduisent cet article. Cf. dom Morio, Sanctorum communionem, dans la Revue d’histoire et.te littérature religieuses, 1904, t. ix, p.’222-252. L’hypothèse de Swete, d’après laquelle l’I^lise catholique aurait voulu s’opposer aux prétentions des donatisles et revendiquer pour elle la sainteté de son organisation, se heurte également à d’insolubles difficultés. Swete, The Aposlles’Creed, p. 82 sq. On comprendrait plutôt que les donatistes eussent employé mêmes une formule qui traduisait si bien leur pensée et devait servir utilement buis intérêts. Dans l’Eglise catholique, cette mémo formule, en regard de I héri ie donatiste, ne pouvait donner lieu qu’à des malentendus. Cf. S. Augustin, Serm., CCXIV, n. ii, P. L., t. xxxviii, col. 1071. En tout cas, c’est en Afrique, et non i i : ’laule, que devraient naturellement se rencontrer, au plus fort des débats suscités par le schisme de Douai,

les premières traces d’une profession de foi distinctement articulée sur le point en litige. Or les symboles africains ne contiennent point l’article de la communion des saints. Cf. Kattenbusch, op. cit., t. i, p. 134-158 ; dom Morin, loc. cit. Il semble donc que l’insertion de la formule sanctorum communionem dans le symbole, comme aussi des mots suivants : remissionem peccatorum, n’ait eu d’autre but que d’exprimer plus distinctement la doctrine commune sur l’Église, en mettant plus vivement en relief la beauté de sa nature et la grandeur de ses bienfaits. Kirsch, op. cit., p. 226-228. Peutêtre le besoin se faisait-il sentir aussi de resserrer entre les fidèles les liens de l’unité catholique, au milieu de la perturbation universelle causée par les ravages de l’arianisme. Cf. dom Chamard, Les origines du symbole des apôtres, Paris, 1901, p. 65 sq.

En Orient, l’addition fut constamment repoussée. Mais les Églises des Gaules, si ce n’est l’Église de Poitiers, cf. S. Venance Fortunat, Explanatio fidei catholicæ, P. L., t. lxxxviii, col. 591, et celles de la Grande-Bretagne se hâtèrent de l’adopter. Dès la seconde moitié du v c siècle, elle apparaît comme une des caractéristiques de l’Eglise gallicane. En Italie, en Espagne et en Afrique, l’insertion n’eut lieu définitivement que dans le cours du ixe siècle. Dom Chamard, loc. cit., p. 66.

Jean de Neercassel, Tractatus quatuor de sanctorum cultu, Utrectit, 1675 ; Jean Le Marchant, L’encyclopédie sainte de la foi dans l’explication du symbole des apôtres, Rouen, 1701 ; Noël Alexandre, Theologia dogmatica et moralis secundum ordinem catechismi Tridentini, Paris, 1714, p. 160-103 ; L. Atzberger, Die christliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung, Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 263-269 ; A. Harnack, Das apostulische Glaubensbekenntniss, Berlin, 1893, p. 31 sq. ; H. Cremer, Zum Kampf uni das Apostolikum, Berlin, 1893, p. 13 sq. ; O. Zùclder, Zum Apostolikum-Streit, Munich, 1893, p. 54-58 ; S. Bàumer, Das apostulische Glaubensbekenntniss, Mayence, 1893, p. 217 sq. ; C. Blume, Das apostulische Glaubensbekenntniss, Fribourg-en-Brisgau, 1893, p. 171 sq. ; Swete, Tl Apostles’Creed : its relations toprimitive christianity, 2’édit., Cambridge, 1894, p. 82 sq. ; F. Kattenbusch, Das apostulische Symbol, Leipzig, 1894, t. i, p. 102-130, 158-188 ; t. II, p. 927-950 ; A. Harnack, art. Apostolisches Symbolum, dans Realencyclopàdie fur protest. Théologie und Kirche, t. i, p. 753 sq. ; J. Kôstlin, art. Gcmeinschaft der Heiligen, dans Realencyclopàdie, t. VI, p. 503-507 ; L. Atzberger, Geschichte der christlichen Escliatologie innerhalb der voruicànischen Zcit, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 84, 169, 423-427, 617 sq., 621625 ; J. P. Kirsch, Die Lehre von der Geimeinschaft der Heiligen im christl. Altertum, Mayence, 1900 ; dom Morin, Sanctorum communionem, dans la Revue d’histoire et de littérature religieuses, 1904, t. ix, p. 209-236 ; J. C. Waudrey, The mcaning of the doctrine of Vie communion of saincts, Londres, 1904.

P. Bernard.

II. COMMUNION DES SAINTS D’APRÈS LES MONU-MENTS DE L’ANTIQUITÉ CHRÉTIENNE. — La communion des saints a été diversement comprise. Voir l’article précédent. Nous la prendrons ici dans le sens précis du mot, comme l’union de vie spirituelle et surnaturelle qui relie les différents membres du royaume du Christ, les membres vivants sur la terre entre eux et plus particulièrement à ceux qui n’y sont plus, qu’ils soient bienheureux ou non. Saint Thomas, Sum. theol., III", q. viii, a. 4, associe à l’Église du ciel les anges, parce qu’ils ont la même fin dernière et la même vie surnaturelle.

Les monuments de l’antiquité chrétienne fournissent des indications très précieuses au sujet de la communion des saints, ainsi entendue. — I. Eglise militante. II. Eglise souffrante. III. Eglise triomphante.

I. ÉGLISE MILITANTE.

I. CROYANi ES DUS PREMIERS CHRÉTIENS H SUJET DE l.’ÉGUSE MILITANTE. — 1° Ils se regardaient comme faisant partie d’une grande famille spirituelle, dont les différents membres sont et s’appellent « frères > el - amis » . Sous ce double nom, on désignait non seulement les fidèles d’une même localité ou d’un