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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)


lucitlentior qitecdam obscquii forma obvcrsatur animo quee scilicet honorum omnium, quolquot sacralissimo Cordi liaberi consueverunt, valut absolutio perfcctioque sit. »

Il rappelait les pétitions faites à Pie IX et la consécration de 1875. Le temps lui semblait venu de consacrer enfin au Sacré-Cœur le genre humain tout entier, communilatem generis humani devovere augustissimo Cordi Jesu. Il motivait sa décision en montrant que Jésus est le roi suprême, le roi non seulement des catholiques ou des baptisés, mais de tout le genre humain ; et il indiquait les titres de sa royauté. Mais ce qu’il veut, c’est la reconnaissance spontanée de cette royauté ; et la consécration est précisément cela : « Comme d’ailleurs nous avons dans le Sacré-Cœur le symbole et la vive image de l’amour infini de Jésus, nous stimulant à l’aimer en retour, il est juste que cette consécration se fasse au Sacré-Cœur, ce qui, aussi bien, n’est pas autre chose que se consacrer à Jésus-Christ. » Mais ceux qui ignorent Jésus, pouvons-nous les oublier ? Nous leur envoyons partout des apôtres ; mais aujourd’hui, « touchés de leur malheur, nous les recommandons instamment à Jésus, et, autant qu’il est en nous, nous les lui consacrons. Et ainsi cette consécration (liœc devotio), que nous recommandons à tous, sera utile à tous, » augmentant chez les uns la foi et l’amour, attirant aux autres des grâces de sanctification et de salut. Le pape montre ensuite que le salut est là poulies sociétés malades. Autrefois, dit-il, la croix apparut à Constantin, gage à la fois et cause de victoire. « Voici qu’aujourd’hui un nouveau signe… s’offre à nos yeux, signe d’espoir, signe tout divin, auspicalissimum divinissinwmqiie signum : c’est le Sacré-Cœur tout rayonnant au milieu des flammes. C’est là qu’il faut mettre toutes ses espérances, là qu’il faut demander, de là qu’il faut attendre le salut. »

Le pape ajoutait qu’à ces grandes raisons d’ordre général s’en joignait pour lui une autre, d’ordre personnel : Dieu l’avait gardé, en le guérissant d’un mal dangereux ; il voulait, de son côté, par de plus grands hommages au Sacré-Cœur, en conserver le souvenir reconnaissant. Il ordonnait donc un triduum, avec prières et litanies au Sacré-Cœur ; et il envoyait la formule de consécration à réciter le dernier jour.

L’encyclique était datée du 25 mai 1899. Il n’y avait donc pas de temps à perdre. Mais depuis bientôt deux mois, elle était déjà annoncée. Par décret du 2 avril, la S. C. des Rites avait autorisé l’usage public des litanies du Sacré-Cœur. Parmi les considérants, il y avait celui-ci : « De plus, Sa Sainteté… se propose de consacrer le inonde entier au Sacré-Cœur. Or, pour donner à cette consécration plus de solennité, Sa Sainteté a décidé de prescrire prochainement un triduum, dans lequel on chantera ces litanies. » Cette annonce ne pouvait guère venir plus tôt, car la décision n’avait été prise que le 25 mars. Le pape y pensait pour 1900. Il est probable que le danger de mort auquel il venait d’échapper, et dont il parle dans l’encyclique, hâta l’événement : malgré la hâte, le monde catholique se trouva prêt, et l’on sait avec quelle solennité grandiose à la fois et intime s’accomplit cet acte que Léon XIII appelait « le plus grand acte » de son pontificat.

Aux premières vêpres de cette fête du Sacré-Cœur, dont la solennité, remise au dimanche, allait être marquée par ce grand acte, mourait dans un monastère de Portugal, inconnue du monde, la religieuse d’où était parti cet immense mouvement, qui mettait le monde aux pieds du Sacré-Comr. Il y a là un de ces faits, qui éclairent d’un jour singulier l’histoire de l’Église ; et s’il y a plaisir à chercher les dessous des événements humains, quitte à ne trouver souvent que politesses ou violences, combien plus dans les choses religieuses où Ion voit, quand on sait voir, le doigt de Lieu !

Le 10 juin 1898, partait du Bon-Pasteur de Porto (Portugal) une lettre pour Léon XIII. La religieuse, qui la signait au crayon d’une main défaillante, disait au pape avoir reçu de Notre-Seigneur l’ordre de lui écrire qu’il voulait que son vicaire consacrât le monde entier à son divin Cœur ; il promettait en retour une effusion de grâces. On dit que Léon XIII fut ému ; mais il ne fit rien. N’y a-t-il pas des têtes folles pour lui suggérer souvent leurs idées comme tombées du ciel ? Le 6 janvier 1899, nouvelle lettre, écrite en français, « par ordre expressif (sic) de Notre-Seigneur et avec le consentement de mon confesseur. » On y lisait ceci : « Lorsque l’été dernier, Votre Sainteté souffrait d’une indisposition, qui, vu votre âge avancé, remplit de soucis les cœurs de vos enfants, Notre-Seigneur me donna la douce consolation qu’il prolongerait les jours de Votre Sainteté, afin de réaliser la consécration du monde entier à son divin Cœur. » Suivaient d’autres détails dans le même sens. On continuait : « La veille de l’Iramaculée-Conception, Notre-Seigneur me fit connaître que par ce nouvel élan que doit prendre le culte de son divin Cœur, il ferait briller une lumière nouvelle sur le monde entier… Il me semblait voir (intérieurement) cette lumière, le Cœur de Jésus, ce soleil adorable, qui faisait descendre ses rayons sur la terre, d’abord plus étroitement, puis s’élargissant et enfin illuminant le monde entier. Et il dit : « De l’éclat de cette lumière, « les peuples et les nations seront éclairés, et de son « ardeur ils seront réchauffés. »

La lettre disait ensuite le désir qu’a Jésus de voir son Cœur adorable de plus en plus glorifié et connu, et de répandre ses dons et ses bénédictions sur le monde entier, le choix fait de Léon XIII et la prolongation de ses jours dans cette vue, les grâces qu’il s’attirerait par là. « Je me sens indigne, disait-on, de communiquer tout cela à Votre Sainteté. » Mais on s’excusait sur « l’ordre strict » de Notre-Seigneur. On expliquait ensuite pourquoi il demandait la consécration du monde entier et non seulement de l’Eglise catholique. « Son désir de régner, d’être aimé et glorifié… est si ardent qu’il veut que Votre Sainteté lui offre les cœurs de tous ceux qui par le saint baptême lui appartiennent pour leur faciliter le retour à la vraie Église, et les cœurs de ceux qui n’ont pas encore reçu la vie spirituelle par le saint baptême, mais pour lesquels il a donné sa vie et son sang, et qui sont appelés également à être un jour les fils de la sainte Église, pour hâter parce moyen leur naissance spirituelle. » Suivaient des instances pressantes au pape pour qu’il développât le culte du divin Cœur : « Notre-Seigneur ne m’a parlé directement que de la consécration, Mais… il me semble qu’il lui serait agréable que la dévotion des premiers vendredis du mois s’augmente par une exhortation de Votre Sainteté au clergé et aux fidèles, ainsi que la concession de nouvelles indulgences. » « Notre-Seigneur, répétait-elle, ne me l’a pas dit expressément, comme lorsqu’il parla de la consécration, mais je crois deviner cet ardent désir de son Cœur, sans cependant pouvoir l’affirmer. »

La lettre était signée : « Sœur Marie du Divin Cœur Droste zu Vischering, supérieure du monastère du Lon-Pasteur. à Porto. »

Cette ljttre arriva au Vatican le 15 janvier. Le pape en fut ému. Il chargea le cardinal Jacobini de prendre des renseignements. Celui-ci s’adressa au vice-recteur du grand séminaire. C’était précisément le directeur de la religieuse, celui qui lui avait servi de secrétaire pour la première lettre au pape. La réponse fut que partout on la regardait comme une sainte, et qu’il y avait de bonnes raisons pour croire à des communications surnaturelles. L’idée d’ailleurs avait souri à Léon XIII, et le 12 février, il disait à M9 r Isoard sa pensée de consacrer au Sacré-Cœur tous les diocèses, l’Église, l’humanité. Mais il ne voulut pas que l’acte