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CŒUR SACRÉ DE JÉSUS (DÉVOTION AU)


celle dévotion. Ce sont des effets de l’amour. Rien ne lui est étranger de ce qui traduit l’amour. Mais tout ce qu’on fait et tout ce qu’on souffre s’y rapporte à l’amour comme à sa source, à l’amour comme à son terme. Lisez ce que saint Paul dit de la charité, I Cor., xiii, 5 sq., vous y trouverez comme une description de la vraie dévotion au Sacré-Cœur, parce que vous y trouverez une description du véritable amour. L’esprit de la dévotion est donc l’esprit d’amour. Toutes les pratiques en sont animées ; toutes en partent. Partout où nous trouvons la dévotion au Sacré-Cœur nous remarquons ce caractère d’amour.

C’est par amour qu’elle s’attache à Jésus pour y étudier son amour depuis la crèche jusqu’au Calvaire, s’arrêta nt aux faits extérieurs, mais pour y chercher les traces de l’amour ; c’est pour mieux aimer qu’elle cherche à le mieux connaître. C’est par amour qu’elle compatit à ses peines, qu’elle lui rend hommage en le voyant méconnu, qu’elle jouit de ses joies et de ses triomphes comme si c’étaient les siens, qu’elle vit de lui enfin, et qu’elle s’efforce de lui plaire en l’aimant de plus en plus pour lui montrer son amour, et de se rendre de plus en plus aimable à ses yeux pour contenter cet amour.

C’est aux prédicateurs et aux auteurs ascétiques qu’il appartient de développer toutes ces choses. I’fallait les indiquer ici pour aider à se faire une idée plus juste et plus vivante de la dévotion.

IV. conclusion.

Cette dévotion comparée à d’autres ; son rapport avec le fond du christianisme en tant que le christianisme est la religion de Jésus et la religion de l’amour. — Toutes les dévotions, qui ont pour objet les mystères de Jésus, s’adressent à la personne de Jésus ; mais elles le visent dans un état spécial ou dans un fait de sa vie. A Noël, nous honorons Jésus naissant ; dans la passion, Jésus souffrant ; à Pâques, Jésus ressuscité, etc. La dévotion au Sacré-Cœur ne s’attache à aucun mystère spécial de Jésus, ni à aucun de ses étals. Mais tous sont de son ressort, dans ce qu’ils ont de plus intime, en tant qu’elle y étudie son cœur, son amour, ses sentiments intimes et ses vertus. Elle va donc au fond de chaque mystère pour en chercher l’âme, pour en dégager l’esprit, pour en avoir l’explication dernière. « Ainsi, disait le postulateiir de 17CÔ, par la fête du Cœur de Jésus — il faut en dire autant de la dévotion — on ne nous représente pas seulement quelque grâce spéciale, on nous ouvre toute grande la source de toutes les grâces. On n’y rappelle pas un mystère particulier ; on propose à méditer et à adorer le principe de tous les mystères. Tout ce qu’il y a de grâces et de mystères dans l’intime de Jésus et dans les secrets de son co’ur ; tous les biens qui ont découle pour les hommes de cet amour du très aimant rédempteur ; tout ce que la passion intérieure du Christ… offre à notre regard et à notre amour, tout cela nous est représenté par la fête du Sacré-Cœur de Jésus, y est rappelé, y est honoré. » Replicatio, n. 20, dans Nilles, 1. I, part. I, c. iii, § 3, t, i. p. 146.

On comprend, d’après cela, ce que nous disent les prédicateurs des convenances liturgiques de la fête etde sa place dans le cycle annuel, après ions les mystères spéciaux dont elle rappelle le souvenir en en dégageant comme la quintessence. On comprend ce qu’ils nous disent de l’excellence de cette dévotion, soit qu’on en rde l’objet, soil qu’on en regarde la liii, soit qu’on en regarde l’acte propre. Sans les suivre dans ces développements, contentons-nous d’) voir un résumé clair cl profond, une expression vive et parlante, la formule la plus heureuse de l’essence même du christianisme.

Qu’est-ce en effet que le christianisme dans son fond le pins intime ? C’est la religion de Jésus et c’est la religion de l’amour.

La religion de Jésus. Regardons les choses du côté de

Dieu. Il ne nous connaît, pour ainsi dire, et ne nous aime qu’en Jésus, dans le seul médiateur ; il n’agrée nos hommages que présentés par Jésus ; pas d’autre commerce entre lui et nous que par l’intermédiaire de Jésus ; nous n’existons, on peut dire, pour lui, dans l’ordre surnaturel, qu’en Jésus et par Jésus. Regardonsles de notre côté. Nous ne sommes sauvés qu’en Jésus ; nous ne connaissons Dieu que par Jésus ; nous ne pouvons l’aimer que par Jésus ; nous ne vivons de la vie surnaturelle qu’en tant et dans la mesure où nous sommes un avec Jésus. Il est vraiment le tout de notre religion, le tout de la vie chrétienne. Eh bien ! rien ne nous donne Jésus, ne nous le fait connaître et aimer dans son fond, ne nous met en rapport intime et personnel avec lui, ne nous fait vivre de lui et en lui comme la dévotion au Sacré-Cœur. N’est-elle pas entre lui et nous la fusion des cœurs, qui de deux ne fait qu’un ? Avec le Sacré-Cœur nous avons tout Jésus. De ce chef peut-on trouver rien de plus expressif, rien de plus efficace ? Saint Jean Chrysostome résumait saint Paul en disant : Le cœur de Paul, c’est lecœur du Christ. La dévotion au Sacré-Cœur fait du cœur chrétien le cœur de Jésus.

Religion d’amour. On a défini la religion comme la rencontre de deux amours. Comme religion, elle n’est pas proprement cela ; elle est affaire de devoir, reconnaissance des relations essentielles entre Dieu et nous ; et ces relations ne sont pas, à ne regarder que la nature des choses, des relations d’amitié, ce sont des relations de maître à serviteur, de créateur à créature. Pour que soient possibles ces relations d’amitié entre lui et nous, il faut une volonté spéciale de Dieu nous élevant à l’ordre surnaturel, une effusion de l’esprit d’adoption nous permettant de dire mon Père, à celui qui, nous adoptant, veut bien nous appeler ses fds.

Mais si la religion, comme telle, ne peut pas se définir la rencontre de deux amours, le christianisme le peut, et c’est là une des plus belles idées et des plus vraies que l’on en puisse donner. Du côté de Dieu, c’est un grand effort d’amour, pour gagner notre amour. On l’a défini, une grande pitié venant au secours d’une grande misère. Mais cette pitié même d’où vient-elle ? De l’amour. Le premier, comme le dernier mot, des voies de Dieu sur nous, c’est l’amour. A quoi devons-nous Jésus ? A l’amour. Sic Deus dilexit mundum, ut Filiuni suum unigenilum darel. Joa., iii, 16. A quoi la passion et la rédemption ? A l’amour : Dilexit me et tradidit semetipsum pro me. Gal., ii, 20. Tout le mystère de Jésus se présente comme un suprême effort de l’amour : Cum dilexisset suos qui erant i » mundo, in finem dilexit eos. Joa., xiii, 1. L’Église tout entière, avec ses sacrements, et sa magnifique organisation pour propager dans le monde la grâce et la vérité, est un don de l’amour, et Dieu a voulu que la première loi de son gouvernement fut la loi d’amour, l’amour de Dieu débordant en amour sur les hommes : Amas me ?… pasce agnos meos, Joa., xxi, 17 ; que la première loi imposée aux fidèles fût la loi d’amour. C’est le grand commandement. Si l’on accomplit celui-là, tout ira bien : Dilige et fac quod vis.

Du côté des fidèles, tout se ramène également à

l’ai r. La loi, nous venons de le voir, se résume dans

l’amour ; la foi chrétienne, c’est saint Jean qui nous le dit, se caractérise comme la foi en l’amour : El nos credidimus caritati, Joa., iv, 1(> ; toute la vie chrétienne consiste à vivre en Jésus par l’amour ; et la perfection chrétienne se définit par l’union d’amour et la transformation amoureuse en Jésus. Il t si donc vrai, la religion chrétienne se résume en l’amour. C’est dire qu’elle se résume dans le Sacré-Cœur, puisque la dévotion au Sacré-Cœur est tout entière dévotion à l’amour, dévotion d’amour.

Enfin, le christianisme n’est pas Jésus et l’amour