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COACTION (LIBERTÉ DE)


dierum, 1. III, c. i, n. 5, dans Migne, Tlteologiæ cursus complétas, t. vii, col. 1087. — 2° Mais cette liberté purement fonctionnelle n’appartient au libre arbitre que comme un perfectionnement. Essentiellement le libre arbitre consiste dans une indétermination naturelle qui permet à la volonté de se décider elle-même à agir ou à ne pas agir, à cboisir le mal ou le bien, et entre plusieurs biens à préférer le meilleur ou le pire. C’est l’opinion unanime des Pères latins, et les Pères grecs joignaient leurs suffrages sur ce point, quand ils appelaient le libre arbitre : àôécTto-ov, aùrôvo^ov, aùtoxt’vy ; Toy, a-JÔsy.oÛTiov, aÙTOTî).è ;, aùOat’pErov, autant d’expressions qui montrent dans l’homme une volonté maîtresse d’elle-même, de ses mouvements et de ses choix, indépendante de toute sujétion, autonome, et qui se suffit à elle-même. Cf. Petau, op. cit., 1. III, c. xiii, dans Migne, ibid., col. 1190. Voir Liberté. La liberté de coaction n’est donc pas identique à la liberté tout court, et l’absence de coaction ne suffit pas à constituer celle-ci.

IV. Si la présence de la coaction supprime la liberté. — La présence de la coaction n’est pas non plus, du moins dans la mesure affirmée par les hérétiques, la négation de la liberté.

1° D’abord, il y a des actes de coaction qui n’ébranlent eu rien l’exercice de la liberté. Que l’on prenne la main d’un confesseur de la foi et qu’on lui fasse jeter de l’encens sur le brasier au pied d’une idole, qu’on traîne une vierge chrétienne au lupanar, la parole de sainte Lucie se réalisera, et l’auréole de la foi et de la virginité sera doublée autour du front de ces héros, parce que la violence extérieure n’a pas touché leur volonté et qu’aucun consentement n’est donné aux actes produits matériellement sous la contrainte du persécuteur. C’est ce que les philosophes du Portique affirmaient en proclamant avec orgueil la liberté de l’âme stoïcienne qui sait se faire un refuge intérieur où les coups de la fortune, la violence des méchants, les exigences de la

tude n’ont pas d’accès, et qui, lorsque les (lots de la misère montent trop haut et débordent, peut encore se sauver par le suicide. « C’est un grand mal de vivre en nécessité, écrit Sénéque dans une page aussi lière qu’immorale ; mais il n’y a aucune nécessité de vivre en nécessité. Pourquoi n’y en a-t-il point ? Il y a de toutes parts des chemins courts et aisés qui sont ouverts à la liberté. 9 Ce sont les chemins du suicide. Malum est m uecessitale vivcre ; sed in neecssitale vivere nécessitas nulla est. Quidni nidla sit ? Patent undique ad libertatem vise multse, brèves, faciles. Epist., xii, Paris, 1842, p. ô13. Cf. De conslantia sapienlis, c. xix, p. 279 ; Epist., il, p. (ill ; lxxv, p. G76 ; i.xxx, p. 693 ; Natural. quæst., . III, præf., p. 436 ; Diogènede Laërte, vii, 121, 122, l’a ris, 1850, p. 185. Les philosophes l’expliquent en distinguant, par rapport à la volonté, les actes élicites et Us actes commandés, actus eliçiti et actus imperati. Les premiers sont produits par la volonté elle-même ; ils n’existent que si elle y consent et les (’met ; étant essentiellement vitaux, il tant qu’ils soient immanents et donc nés de l’activité propre volontaire. Les seconds m. ni des opérations d’autres facultés émises sous l’impulsion ou l’ordre de la volonté ; c’est, parexeinple, une contemplation intellectuelle provoquée par le librearbitre, c’est un mouvement des bras ou des jambes commandé par le vouloir. Il est bien (’vident que la volonté n’a plus ici un domaine aussi immédiat que le champ de sa propre activité ; ses ordres pourront ne pas être

iti’s parce « pie la faculté scia empêchée. Ainsi le paralytique commande en vain à ses pieds de le porter ; ou bien les ordres de la volonté pourront être contrariés par nue intervention extérieure : le fou enfermé dans la camisole de force commande inutilement a ses membres révolter. Voir t. i. col. 346. Les actus imperati constituent donc le propre champ de la coaction. Celle ci, dès lors, s’exerce principalement sur un terrain plutôt neutre, soumis par nature à l’inlluence de la volonté et des forces extérieures, où la volonté commande de plein droit, mais où les agents du dehors peuvent physiquement s’imposer. Quand ils le font malgré la volonté, ils exercent la contrainte. Mais celle-ci n’atteint pas nécessairement le libre arbitre et ne l’oblige pas à capituler ni à accepter son intervention.

2° Parfois, sous l’action de la contrainte extérieure, sévices graves ou menaces, la volonté cède et obéit. Mais alors encore : 1. Ce n’est pas l’action extérieure qui plie la volonté et concourt à l’émission de son acte. C’est elle-même qui se décide et par ses énergies se détermine. Que le navigateur en pleine tempête se trouve dans l’alternative de sombrer ou de délester son navire en jetant par-dessus bord des marchandises auxquelles il tient ; il agit sous la contrainte de la tempête, il fait une chose qu’il ne voudrait pas, qui lui déplaît souverainement, mais il la fait librement, et s’il cède à la contrainte, c’est de son propre vouloir. La coaction ici a donc entraîné la volonté, "mais loin d’enlever à celle-ci son indépendance, loin de la plier directement, elle lui fait une fois de plus exercer son libre arbitre. — 2. Même quand la violence est si forte que l’esprit qui la subit se trouble et que la volonté se détermine nécessairement, sans délibération suffisante, ni liberté, ni responsabilité, la coaction ne force pas immédiatement la volante. Elle n’agit sur celle-ci que par intermédiaire, en frappant l’esprit, lequel, troublé et surexcité, entraîne après lui la volonté. — 3. Les psychologues font observer à ce propos qu’il faut, dans la volonté, distinguer deux choses, deux aspects de son activité, fondus certes en une même tendance, mais d’origine et de signification diverses. Il y a dans la volonté appétition et choix : l’appétition est l’élémemt générique, la tendance consciente vers le bien : tendance nécessaire ou non, déterminée ou non, l’appétition est commune à l’homme et à l’animal. Voir t. i, col. 1692. L’élection est une forme spécifique de l’appétition ; c’est une appétition particulière, résultant de l’indétermination originelle et permettant à la volonté de délibérer, de se renseigner, déjuger en toute indépendance et de se déterminer par soimême. Le pouvoir de choisir est propre à la volonté humaine, il constitue la liberté. L’appétition est donc plus générale, l’élection est le caractère spécifique de l’activité libre humaine. L’appétition peut aller sans la liberté, l’élection l’exige. Or, remarquent les psychologues, la coaction va droit à rencontre de l’appétition et non de l’élection. Elle cherche à imposer un acte, une chose qui déplaît, contre laquelle l’appétition actuelle proteste ; elle n’impose pas de soi un choix, et la volonté, contredite dans sa tendance par la coaction, peut cependant maintenir sa décision et refuser son consentement. Ce qui contredit directement la liberté comme pouvoir électif, c’est la nécessité ; celle-ci, en effet, enveloppe une détermination qui détruit l’indifférence essentielle à la liberté. En résumé, il y a dans la volonté libre une appétition qui est générique, une faculté d’élection qui est spécifique : l’appétition est coinbattue par la coaction, l’élection par la nécessité ; et ainsi il apparaît combien les hérétiques susdits sont dans l’erreur, puisque la liberté est annihilée précisément par la nécessité qu’ils déclarent compatible avec elle, ci que la coaction dont ils avaient l’ait la négation directe de la liberté peut la laisser subsister. Libero arbitrai, sire voluntati liberté, aui appetitui libero, contrarium est violentum, non eoprœcise quod liber est,

sed quod appel il us est, eujus propriinii est spouta iieinii… Sain simplex nécessitas, sive ad unum aliquod affigens ac deterniinans, sine potestate contrarii, libérée viiluntati qua libéra est, directe proprieque est opposita. Petau, op. cit., 1. III, c. iii, n. 0, dans Migne, ibid., col 1101, 1102.