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gué du Royaume-Uni, Clarke s’attacha à réfuter en huit conférences Hobbes, Spinoza, « et autres contempteurs de la religion naturelle et révélée, » en prouvant l’existence et les attributs de Dieu. A discourse concerning the being and attributes of God, Works, t. ii. Un être immuable et indépendant existe de toute éternité ; il est distinct du monde matériel ; nous ne pouvons comprendre son essence, mais beaucoup de ses attributs sont démontrables, p. 524-539. Ces attributs sont l’éternité, l’infinité, l’omniprésence, l’unité, p. 539-543 ; cet être, à en juger par son œuvre, est une intelligence infinie ; il est libre ; il est maitre souverain de toutes choses et son omnipotence s accorde bien avec la liberté humaine, p. 543-566 ; il est infiniment sage, bon, juste et vrai ; l’existence du mal dans le monde ne prouve rien contre sa providence, p. 566-571.

Ces conférences, où l’auteur montrait une connaissance approfondie des erreurs les plus en vogue, eurent un tel succès, que Clarke fut prié de continuer son œuvre l’année suivante devant le même auditoire. Il choisit pour sujet en 1705 les obligations de la loi naturelle, et la certitude de la religion révélée, The obligations of natural religion, and the truth and certainty of the christian revelation, Works, t. ii. Certaines obligations morales s’imposent à toute créature raisonnable, indépendamment de toute institution positive et de toute attente de récompense et de châtiment ; l’auteur répond à l’objection tirée des divergences des différents peuples dans leurs appréciations du bien et du mal, p. 608-631 ; les théories de Hobbes sur l’origine de l’obligation et du droit sont réfutées, p. 631-637. Ces obligations morales universelles, sorties de la nature même des choses, sont la manifestation de la volonté de Dieu à ses créatures raisonnables ; elles doivent avoir une sanction, et cette sanction n’existant pas toujours en cette vie, l’existence d’une vie future s’impose ; les principales preuves de l’immortalité de l’âme sont développées. p. 637-643. Malgré la certitude de ces vérités naturelles, l’homme est tellement faible et corrompu, qu’à de rares exceptions près il ne peut les conquérir et les conserver sans un enseignement positif ; cet enseignement, la philosophie humaine n’a pas suffi à le donner ; contre les déistes ses contemporains Clarke prouve la convenance et l’utilité d’une révélation divine, p. 643-673. Cette révélation divine, seul le christianisme la possède et en donne des preuves ; ses enseignements sont en parfait accord avec les vérités que la raison naturelle nous fait découvrir, p. 673-680. Les points sur lesquels les diverses communions chrétiennes différent sont en petit nombre et de peu d’importance ; toutes enseignent également les grandes vérités nécessaires à la conduite de la vie humaine, p. 680-695. Les miracles du Sauveur, l’accomplissement des prophéties en sa personne, le témoignage que lui rendent les apôtres, prouvent clairement sa mission divine ; à ces preuves, on ne peut raisonnablement résister, p. 695-737.

Les Boyle lectures, qui firent à Londres la réputation de Clarke, furent presque aussitôt éditées par lui sous forme de traité ; elles furent traduites en français par Ricotier, Amsterdam, 1727 ; cette traduction est reproduite dans les Démonstrations évangéliques de Migne, t. v. col. 936 sq.

En 1706, Dodwell ayant publié un écrit où il prétendait que l’âme humaine était naturellement mortelle, mais que, avec le baptême, elle recevait surnaturellement de Dieu l’immortalité, Clarke reprit la plume pour développer quelques-unes des thèses énoncées par lui l’année précédente, et dans une lettre à Dodwell, Letter to Mr  Dodwell, Works, t. iii, p. 721 sq., il réfuta ses arguments et prouva que l’immortalité était naturelle à l’âme, par des arguments de raison ; il rétablit de plus le vrai sens des citations des Pères que son adversaire avait apportées en faveur de sa thèse ; une intéressante correspondance s’engagea a la suite entre lui et un défenseur de Dodwell. Works, t. iii, p. 757 sq.

Ces graves travaux n absorbaient pas tous les instants de Clarke ; la même année 1706 il trouva le loisir de traduire en latin l’Optique de Newton, Newtonis optice ; le grand savant fut si satisfait de cette œuvre, qui permettait à l’Europe savante de s’initier à ses découvertes, qu’il fit présent à son ami de 500 livres sterling, 100 pour chacun de ses cinq enfants.

Tous ces travaux confirmaient l’évêque de Norwich dans la haute idée qu’il s’était faite du talent de son protégé ; il lui fit conférer en 1706 la paroisse de Saint-Bennets Paul’s Wharf, à Londres, et l’introduisit à la cour de la reine Anne : trois ans plus tard, la reine le présentait pour la paroisse Saint-James de Westminster, et Clarke devenait un des prédicateurs de la chapelle royale ; en 1709, pour se rendre plus digne de ces grandeurs, il allait prendre à Cambridge son doctorat en théologie, après une brillante soutenance de cette thèse, qui lui était chère, qu’il y a parfait accord entre les vérités de l’ordre naturel et les vérités révélées.

Une grave épreuve allait bientôt empêcher Clarke de parvenir aux premiers honneurs de l’Église établie que tout semblait lui présager. En étudiant les Pères de l’Église, il s’était persuadé que la doctrine qui prévalut au concile de Nicée sur la consubstantialité du Père et du Fils n’était pas celle des premiers siècles chrétiens ; et il se crut la mission de ramener l’Église anglicane sur ce point au christianisme primitif. Dans ce but, il publia en 1712 sa Scripture doctrine of the Trinity, Works, t. iv ; en vain lord Godolphin et plusieurs autres personnages de la cour de la reine Anne étaient intervenus auprès de lui pour arrêter la publication de ce livre dont ils prévoyaient les conséquences : Clarke se croyait obligé en conscience à expliquer dans quel sens il fallait entendre ceux des 39 articles de l’Église établie qui concernaient la trinité. L’ouvrage a deux parties ; dans la première, tous les textes de la sainte Écriture qui ont trait aux trois personnes divines sont cites et brièvement commentés ; la seconde énonce les conclusions que Clarke croit devoir tirer de ces textes. Il n’y a qu’une seule cause suprême de toutes choses ; une personne divine, auteur de tout être, source de tout pouvoir ; avec elle existe de toute éternité une seconde personne divine, le Fils, une troisième, l’Esprit du Père et du Fils. Le Père seul existe par lui-même et a un être indépendant ; seul il est dans le sens strict l’Être suprême ; c’est de lui que parle l’Écriture, quand elle parle du Dieu unique, quand elle nomme Dieu sans restriction, p. 122-134. Le Fils n’existe pas par lui-même, mais tire son existence et toutes ses propriétés du Père, comme de la cause suprême ; c’est une égale erreur d’affirmer que le Fils a été créé de rien, ou qu’il est une substance existante par elle-même ; l’Écriture, du reste, suppose toujours que le Fils a existé avec le l’ère dès le commencement et avant notre monde, p. 134-141. Le Verbe, ou le Fils du Père éternel, envoyé par lui dans le monde pour s’y incarner et mourir, n’était pas « la raison ou sagesse intérieure de Dieu, attribut du Père ; mais une personne réelle, la même qui depuis le commencement révéla au monde les volontés du Père » , p. 146. L’Esprit-Saint est lui aussi une personne réelle, « qui n’existe pas par elle-même, mais tire son être du Père par le Fils, comme de la cause suprême. » Si la personne du Fils est parfois appelée Dieu dans l’Écriture, ce n’est pas à cause de sa substance métaphysique, mais de ses attributs relatifs, et de l’autorité divine que le Père lui a communiquée sur nous » , p. 150 ; c’est par lui, en effet, que le Père a créé et gouverne encore le monde ; il a reçu du Père tous les pouvoirs divins qui sont communicables,

« c’est-à-dire ceux qui ne renferment pas cette indépen-