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CLÉMENTINS (APOCRYPHES]


lement qu*il ne connaissait pas cet écrit ou n’en avait plus souvenance au moment où il écrivait son Histoire ecclésiastique. Wcstcott place leur composition au IIe siècle. Leur lieu d’origine serait la Syrie ou la Palestine, car saint Épipliane, saint Jérôme et Maruta ont pu les connaître dans ces pays ; d’ailleurs c’est dans l’Église syrienne qu’elles ont été ajoutées à la fin de la Bible et utilisées. Nous ferons remarquer ici que ces lettres, écrites en grec, distinguent très nettement le pays d’origine du pays de destination, l’auteur oppose le premier au second ; la Syrie pourrait donc n’être que le pays de destination des lettres. Encore ne faut-il pas confondre le pays qui conserve une traduction d’un écrit avec le pays qui l’a vu naître ou l’a reçu, sinon l’Éthioj pie serait le pays d’origine ou de destination du livre d’Ilénoch, de la Petite Genèse et de tous les ouvrages conservés seulement dans une traduction éthiopienne.

En somme, ces deux lettres, qui pouvaient à l’origine n’en faire qu’une, ont été écrites en grec à une époque très ancienne, car elles supposent qu’il n’existe pas encore de monastère proprement dit, les vierges et les personnes consacrées à Dieu continuant d’habiter leurs propres demeures. Les prédicateurs vont encore de village en village pour prêcher et lire les Écritures. Cf. Didac/tè, c. xi-xiii.

Les abus de cohabitation visés par notre auteur sur lesquels on s’appuie en général pour rajeunir son œuvre nous semblent prouver plutôt son antiquité. Car de tels abus dérivent si directement de la nature humaine qu’ils ont existé de tout temps ; c’est assez tard qu’à l’aide de règlements positifs et de pénalités, on a pu les faire disparaître plus ou moins provisoirement. Le c. xv de la Didascalie est déjà consacré aux fausses veuves dont l’unique occupation consiste à interroger, à errer, à mendier et à jalouser leurs voisines. Cf. Épitres aux vierges, i, 10-42. Lucien de Samosate a décrit à la fin du IIe siècle des abus plus criants encore ; des prédicants écrivaient (inventaient) des livres (saints), en imposaient aux veuves et aux orphelins par des dehors pieux et en profitaient pour amasser de l’argent. Cf. Sur la mort de Peregrinos. Enfin saint Paul lui-même, après un passage (II Tim., ni, 2-5) qui semble visé dans la première Épitre aux vierges, c. viii, ajoute : Ex lus enim sunt qui pénétrant domos et captivas ducunt mulierculas oneratas peccalis quæ ducuntur variis desideriis. II Tim., iii, 6. Ailleurs, il réclame pour lui comme pour les autres apôtres la faculté de se faire accompagner d’une « femme sauir » . I Cor., ix, 5-6. C’est donc dès les temps apostoliques qu’il y eut des controverses au sujet des relations entre les prédicanlset les « sœurs » , et la critique interne permet de placer ces lettres au IIe siècle aussi bien qu’au III e. Elles furent écrites par un prédicant qui habitait un pays de rigide observance (l’Occident ? l’Egypte ?) pour gagner à son genre de vie les habitants de la Syrie ou de la Palestine, car il oppose en plusieurs endroits, cf. il, 1, 16, sa manière d’agir à celle de ses correspondants, à moins d’admettre — car le champ des hypothèses est illimité — que ces détails eux-mêmes ne constituent qu’un faux de plus et que l’écrit a été composé en Sj de ou en Palestine par le Peregrinos de Lucien de Samosate ou par un de ses émules pour étonner ses auditeurs et pour capter ainsi plus sùrerement leur admiration et leur confiance.

I. Éditions.

La première édition fut publiée avec une traduction latine, parJ. Wetstein : Dux epislolx S. démentis Romani, discipuli Pétri apostoli, quas ex cmlice manuscripto Novi Testamenti syriaci nunc primum erutas, cum versiune latina apposita…, Le)de, 1752. Cette traduction latine fut reproduite par Mansi, Concil., I. r, col. 144-156, et, avec le texte syriaque, par Gallandi, Bibt. vet. Patrum, l i Elles furent traduiteà nouveau par Zingerle, Die zwei Briefe des heiligen Wemene von Rom an die Jungfrauen, Vienne, 1827, et par

M « * Clément Villecourt, Les deux Epitres aux vierges de S. Clément Romain, disciple de S. Pierre, avec une dissertation qui en établit l’authenticité, Paris, 1853. Migne réédita le texte syriaque d’après Gallandi avec les dissertations et la traduction latine de M" G. Villecourt, P. G., t. I, col. 319-452. Enfin J. Th. Beelen publia : Sancti Patris nostri démentis Romani epislolx binx de virginitate, in-4°, Louvain, 1856. Ce volume forme un véritable monument littéraire. Après de longs prolégomènes, il édite le texte syriaque d’après une collation soignée du manuscrit et y ajoute une nouvelle traduction latine, p. 1-113. Il reproduit ensuite le texte syriaque muni de points voyelles avec de nombreuses notes grammaticales, p. 115-214. Enfin il réimprime sur pages parallèles les traductions de Wetstein et de Zingerle, p. 216-293. Viennent encore quelques fragments exégétiques tirés du ms. de la Bible qui a conservé les deux lettres de Clément, des index et un erratum, p. 295-329.

II. Travaux.

Funk, Opéra Patrum apostolorum, Tubingue, 1881, t. II, Introduction, p. i-vn, et traduction latine, p. 1-27 ; Id., Patres apostolici, 2e édit., Tubingue, 1901, t. ii, p. i-vm, lxi-lxviii, 1-27 ; A. Harnack, Sitzungsberichte der Ak. der Wiss. zu Berlin, phil. hist. Classe, Berlin, 1891, p. 301-385 ; Die altchristliche Litteratur. Die Ueberlieferung, Leipzig, 1893, p. 518-519 ; Die Chronologie, Leipzig, 1904, t. ii, p. 133135 ; J.-B. Lightfoot, S. Clément of lïome, t. i, p. 407-414 ; G. Kriiger, Geschiclite der altchristlichen Literatur in den ersten drei Jahrhunderten, Fribourg-en-Brisgau, 1895, p. 226-227 ; Uhlhorn, Realencgcl. fur prot. Theol., Leipzig, 1898, t. iv, p. 170-171 ; O. Bardenhewer, Geschichte der allkirchl. Literatur, Fribourg-en-Brisgau, 1902, t. i, p. 113-118. On trouvera toute l’ancienne littérature dans Beelen.

II. les lettres décrétales.

Ces lettres, au nombre de cinq, ont été publiées dans les divers recueils de droit canon et P. G., t. i, col. 459-508. La première, adressée à Jacques, frère du Seigneur, n’est autre que la lettre déjà décrite en tête des Homélies clémentines qui a été interpolée « par Isidore Mercator ou plutôt par un auteur beaucoup plus ancien » , P. G., t. i, col. 463, et allongée d’un long appendice, col. 472-484, qui aurait été ajouté vers l’an 800. Ibid., col. 471, note 12. C’est cet appendice, depuis Psenitemini, inquit, et veram agite psenitenliam, col. 472, que Le Fèvre d’Étaples a rejeté à la fin de son édition des Récognitions, sous le titre de : Comjilemenlinn epistola (sic) démentis. Voir col. 204. La seconde lettre, adressée aussi à Jacques, frère du Seigneur, est intitulée : De sacratis vestibus et vasis, ou encore : De sacramentis Ecclesise. Elle traite, en effet, dans la première partie, de la conservation et de l’administration de la sainte eucharistie, des soins à donner aux vases sacrés, etc. La troisième lellie, qui aurait été traduite du grec par Rulin, est adressée aux évêques, aux prêtres, aux diacres, etc., sur l’office du prêtre et des clercs. Dans cette lettre et dans les deux suivantes, on trouve un grand nombre de passages parallèles aux Récognitions, et parfois les mêmes termes. Citons le baptême au nom trinæ beatiludinis, col. 493, la théorie du vrai prophète, col. 491, etc. ; cf. col. 495, note 38 ; col. 497, n. 58. Il semble donc que ces trois dernières lettres aient été tirées en partie des Récognitions pour justifier leur tilre dans une certaine mesure. Dans la quatrième lettre adressée à ses disciples Jules et Julien et aux nations, saint Clément est censé exhorter ses correspondants, tombés dans l’erreur, à revenir à la vérité, il leur donne divers enseignements sur la séparation des fidèles et de leurs parents infidèles, sur le baptême, la confirmation, le mariage. La cinquième lettre adressée a saint Jacques et aux habitants de Jérusalem leur recommande la vie commune et leur rappelle qu’ils doivent demander à la tradition le sens des passages de l’Ecriture.

Ces lettres sont donc remplies de préceptes excellents ; on a admis longtemps leur authenticité ; Turrianus en particulier l’a vivement défendue. Cf. Adversus Magdi-b. cculurialores pro canonibus apostolorum et epislolis decretalibus libri quinque, Florence, 1572. A l’exception île la moitié de la première lettre qui existe en grec et qui est relativement ancienne, ce recueil a toute chance