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CLEMENT D’ALEXANDRIE

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en-Brisgau, 1894, t. i, p. 595. Cette belle esquisse fausse essentiellement la pensée de Clément. La foi d’autorité est à la base de l'édifice ; il en dépend tout entier. La gnose s’acquiert et se consomme dans la même dépendance qui a donné naissance à la foi. Elle est tout ensemble œuvre de science et de tradition, apparente contradiction qui est une énigme pour Winter, op. cit., p. 114-115. C’est qu’elle est l'œuvre du Christ, auquel l’a me s’est donnée et dont elle reste dépendante par l’humble foi et par l’amour confiant.

1. La foi.

a) Dé/initions et notions. — Passage capital, Strom., II, c. il, P. G., t. viii, col. 933-941, où après avoir fait voir la nature de la vraie philosophie, sa nécessité pour connaître un Dieu transcendant, col. 936, 937, il définit la foi, et affirme, d’après saint Paul, sa nécessité pour plaire à Dieu, col. 940. La foi que les Grecs calomnient, l’estimant vaine et barbare, est une anticipation volontaire, un assentiment pieux, jrpdXïjtjuç sy.o’jTiôî èori, 6eou£§e : aç (TUYxaTâÔeaiç, selon Heb., xii, 1, 2, 6.

En tant qu’anticipation, la foi est une adhésion à un principe ; envisagée comme telle, d’après la terminologie et le point de vue aristotéliciens, la foi devance la science, et constitue le fondement de la certitude scientifique. Strom., II, c. iv, P. G., t. vint, col. 918. Cf. Kleutgen, La philosophie scolastique, trad. Sierp, Paris, t. ii, p. 400 ; Ollé-Laprune, La certitude morale, Paris, 1892, p. 217-218.

Elle n’est pourtant pas un préjugé quelconque, mais un assentiment à un témoignage imposant, auyxaTxÛEii ;  ! (î-/up(T) tivi. Strom., II, c. VI, col. 961. De là, son caractère d’adhésion immédiate et de foi d’autorité. C’est la voix de Dieu que nous entendons, sa démontrant et s’imposant d’elle-même, àudôeiijtv àvavn’ppr|Tov Try/ toC ràç ypaçàç &E6topïijj.svo’j tpwvyjv. Strom., II, C. II, P. G., t. viii, col. 941. Cf. c. vi, col. 960 ; c. iv, col. 944 ; V, c. i, P. G., t. ix, col. 20, 21. C’est que la foi est un organe, une main, un œil. Strom., VI, c. xvii, P. G., t. ix, col. 384. Elle constitue un mode de connaissance et d’assentiment où l'àme s’unit directement à son objet, bien qu’inévident, àcsavoû ; mpàyuaTo ; évcoTixï) cuyxaTocÔE<xi ;. Strom., II, c. ii, P. G., t. viii, col. 910.

b) La foi, germe de vie future. — Elle est le commencement du salut et l'élément nécessaire à la vie. Clément allègue Heb., xi, 6, dans Strom., II, c. ii, P. G., t. viii, col. 939 ; cf. col. 965, 968. - La foi est une grâce, yâptç, qui nous fait monter vers l'être infiniment simple, Strom., II, c. iv, col. 915 ; elle est chose divine, le fondement de la charité, c. VI, col. 965 ; elle est force pour le salut, principe dynamique pour la vie éternelle, i<7"/u ; e !  ; Twrripiav xi’i S’jvajxte eiç Çiôrjv a'.omov, c. xii, col. 992. Dès ici-bas elle atteint son objet, voir les textes cités plus haut.

2. La gnose, ses rapports avec la foi. — a) Notions empruntées à saint Paul. — D’après Rom., i, 17, la gnose n’est autre chose que l’accroissement et la perfection de la foi : l’apôtre semble annoncer une double foi, ou plutôt une seule, qui reçoit accroissement et perfection. La xoivyi -itti : est placée comme un fondement. Strom., V, c. I, /'. C. t. ix, col. 12. D’après 1 Cor., iii, 1, 3, il y a un premier enseignement bon pour les commençants, quasi carnolibus, tanquam parvulis in Christo, lac vobis potum dedi, nonescam. Cette première doctrine est un fondement, dans l’attente d'édifices futurs. Tels seront d’après Clément les édifices gnostiques, construits sur le fondement de la foi au Christ Jésus : tocjtï yvuxrrixà l-', v/.wii : r v.rx<x xr, xpï)icï6l -r, ; T.ii-£(, > ; -.r £ ; 'Iir, <To0v Xv.ttovStrom., V, C. IV,

P. G., t. ix, col. 45.

b) Union intime de la gnose et de la foi ; la gnose, épanouissement de la foi. — Ces paroles de l’apôtre autorisent à distinguer deux états de perfection et d’imperfection, plus exactement, deux états d’inégale per fection. Voir plus haut. Ce sont deux états de connaissance plus ou moins parfaite. Clément se rappelle que dans le Pédagogue il a fait voir l'éducation et la nourriture des enfants, t>, v èx TtouSoiv àytoyv/ -/ai tpoçr, v, c’est-à-dire cette formation qui va se développant de la catéchèse à la foi et prépare les hommes futurs, les candidats de la gnose. Strom., VI, c. I, P. G., t. ix, col. 208. La gnose est un état plus avancé : 7t>iov to-j m<rrsi<j « .i tô yvôivai. Strom., VI, c. xiv, col. 332.

On ne saurait néanmoins les opposer ; elles sont intimement entrelacées, associées dans un divin accord : juttt) toJvuv ï) yv<îi<7 ! ç' yv(o<rtr| Sàï] Tri’axK 8s : a Ttvi axoXov6 ; a xe xat àvraxoXo-jOt’a yivsrat, Strom., II, c. XV, P. G., t. viii, col. 948 ; pas de foi sans gnose, pas de gnose sans foi. Strom., , c. i, P. G., t. ix, col. 1. L'édifice de la gnose est construit par la recherche alliée à la foi, jXcxà 7t ! '(7Tcd)ç quvto-jaav ÇtJtyi<hv. Ibid., c. I, col. 13. Seulement elles sont distinctes comme le sont l’abrégé et le développement, ibid., col. 481, comme la connaissance confuse et la science distincte. Ibid., c. xiii, col. 516 ; cf. col. 323.

c) La gnose est l'œuvre du Christ dans l'âme qui lui est étroitement unie ; elle est le gage de la vie future. — Elle est l’opération du Christ de qui nous vient, par les apôtres, la tradition gnostique. Strom., VI, c. vii, P. G., t. îx, col. 277. Elle est le Christ lui-même, notre jardin spirituel, en qui nous sommes transplantés. Strom., VI, c. i, /'. G., t. ix, col. 209. Le Christ est à la fois la base et l'édifice ; lorsque nous passons de la foi à la gnose, de la gnose à la charité et à l’héritage céleste, ce progrès spirituel a pour condition l’intime dépendance, l'étroite communion et subordination qui nous unit au Seigneur dans la foi, la gnose et la charité, Strom., VII, c. x, P. G., t. IX, col. 480-481 ; la perfection de l'àme gnostique est d'être avec le Seigneur, erjv t(ô Kupio) ycY/E<j6ai, subordonné dans une étroite union, là où il est, otiou ÈgtIv Tipo^E/w ; uuoTETavuÉvï). Ibid., col. 481.

Œuvre du Christ, cette connaissance demeure dans l'àme, à l'état de réalité vivante et durable : ai’Sio ; Oiwpt’a, Çtîxra ÛTtoaracnç [AÉvst, Strom., IV, c. XXII, P. G., t. vui, col. 1346, avec cette vie spirituelle et cette perfection vient dans nos âmes la justice, Strom., VI, c. xii, P. G., t. ix, col, 324 ; description de cette justice : sceau imprimé dans l'àme, Stxaiorj-jvïjç o-çpayi' ;, puissance de bien faire, d’où une transformation qui est le gage de la glorification future ; car telles sont les propriétés caractéristiques, -/apaxT^pfjTixa’t noiOïf, ts ;, par où une âme est connue glorifiée, une autre condamnée. Ibid. Cf. col. 360. Le caractèrede l’Esprit-Saint, yapaxrr, piTTtxov ioù.iaa, imprimé dans l'àme par la foi ; et Simm., IV, c. xviii, P. G., t. VIII, col. 1326, le signe saint, le caractère de la justice…, l’onction d’une âme qui plait à Dieu et qui tressaille en vertu de l’habitation de l’Esprit-Saint. Voir encore tous les endroits où, suivant la remarque d’Atzberger, op. cit., p. 352, la perfection du gnostique est décrite dans des termes qui conviennent à l’autre vie aussi bien qu'à celle-ci, où le gnostique est dépeint comme ('-gai aux anges, comme un porte-Dieu, comme un Dieu. /'. G., t. ix, col. 325, 327, 516 ; t. viii, col. 1360.

Sur cette déification, cf. la note de Potier, P. G., t. viii, col. 233, qui donne de nombreuses références. Voir aussi Horl, op. cit., p. 203 : « Pour le lecteur contemporain, il n’y a rien d’aussi surprenant, dans la lecture de Clément, que de l’entendre réitérer ses affirmations relatives à la déification du gnostique, non seulement dans la vie future, mais dans la vie présente… Pour prouver sa doctrine, il cite des passages île la Bible et d’auteurs profanes. Il aurait pu invoquer encore II Pet., i, 1, Hiix ; xotvedvol pûtrEcoc, et les prétentions stoïciennes à l'égalité divine… Toutefois, ce qui nous déconcerte, Clément nie l’identité de la vertu di-