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CLÉMENT D’ALEXANDRIE

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Il conçoit perpétuellement la morale comme une ascèse, comme une ascension gnostique ; d’autre part, les perspectives de la vie présente et de la vie future se rejoignent dans son champ de vision, avec une telle continuité que l’on demeure souvent incertain s’il s’agit de la grâce ou de la gloire, de l’union mystique des saints ou du face à face des bienheureux. Un coup d’oeil d’ensemble sur l’ascension gnostique, depuis la conversion jusqu’à la fin dernière, est donc nécessaire. Il faut auparavant signaler brièvement les questions de morale ou d’ascétisme plus particulièrement étudiées par Clément.

Préliminaires. Questions spéciales de morale et d’ascétisme. — Clément a particulièrement étudié : 1. La foi considérée dans ses rapports avec la philosophie, dans ses préliminaires intellectuels et ses conditions morales, dans sa nature intime, dans son développement en gnose. Voir plus loin : Motifs de conversion, Foi et gnose, etc.

2. La vertu de force, envisagée dans deux types concrets : le martyr et l’homme parfait, parfois confondus, parfois synthétisés en un seul. Voir sommaire du Strom. t IV, col. 149-150.

3. La tempérance, ou plus exactement la continence, étudiée dans le fait concret du mariage. Strom., II, c. xxxiii sq., P. G., t. ix, col. 1085 ; III, c.isq., col. 1097 sq.

a) Définition du mariage. — La première union légitime de l’homme et de la femme pour la procréation d’enfants légitimes. Ibid., col. 1085. Suit une énurnération de diverses circonstances ou conditions qui peuvent rendre le mariage opportun ou non, licite ou illicite. Ibid., col. 1085, 1087. Puis l’énumération des fins accessoires : le mariage assure la prospérité publique et la perpétuité de la race ; surtout la femme est donnée à l’homme comme une aide précieuse. Ibid., col. 1089. Clément parle encore de la continence qu’il faut exercer jusque dans le mariage. Ibid., coi. 1161. Les secondes noces, c. xii, col. 1184, sont licites, sans répondre à l’idéal de la perfection évangélique.

b) Le symbolisme du mariage et la dignité surnaturelle qui en résulte, sont mis au premier plan : le mariage est d’après Eph., v, 32, une figure de l’union du Christ et de l’Église ; et de cette union nait une postérité spirituelle : de même que ce qui est engendré de la chair est chair, de même est esprit ce qui est engendré de l’esprit, ce qu’il faut entendre non seulement de l’enfantement, mais aussi de la doctrine, où iaôvov xaià ty)v à7to)C’j7]o"iv, âXXà xai xatà ttjv ii, â6rj<nv. Strom., III, C. XM, P. G., t. viii, col. 1185. Cf. Pæd., 1. I, c. VI, col. 308 cité plus haut, la conception de l’œuvre salvifique accomplie par le Verbe incarné, col. 162. Et ils sont saints, les fruits de cette union, les actes agréables à Dieu, enfantés par les paroles du Christ, époux de nos âmes, âytoc ta réxva a ; eûapeffTï)ffsic xiii 0e<7>, ràiv xvp’.axuiv Xdycov vj|j. : pe, jG, âvT(j>v ttjv i|/ujjt]v. Ibid.

1° Coup d’ir.il d’ensemble sur l’ascension gnostique.

— 1. Conditions préliminaires et motifs de conversion. Dans le Prolreplique, c. ix-xi, P. G., t. VIII, col. 191 sq., Clément cherche d’abord à disposer la volonté par des sentiments religieux : crainte de Dieu et confiance en sa bonté ; puis, il s’adresse à lintelligr-nce, en lui montrant la transcendance de l’Eglise et des institutions chrétiennes. D’ailleurs, dans de nombreux passages, il parle de dispositions et préliminaires objectifs ou subjectifs.

a) Dispositions subjectives : se dégager du sensible. Voir surtout sommaire du VSiromate, col. 151, ce qu’il dit de la connaissance de Dieu. Non seulement il faut nous affranchir de la corruption des sens, ce que Clément répète sans cesse, mais l’intelligence elle-même doit être affranchie de sa dépendance vis-à-vis do monde sensible ; celui-là pratique la vraie philosophie, qui, dans son étude laisse de côté les images et toutes re présentations sensibles, et, au moyen de la pure intelligence, atteint les réalités, 6 yàp p."ÔT£ t^v o^iv napaxibé(j.svo ; èv xà) ôiavo£ ; <r6ai, p.r, T£ Ttvà twv aXXiov aiaô^aecov êçeXxôpsvoç, àXX’ix-j-ziù y.aOapw tâ> và> tocç 7rpiy[ji.a<71y èvT’jy/iviûv, ty)V à} : rfif t çtXotTOipi’av uiteio-iv. Strom., V, c. xi, P. G., t. ix, col. 101. Voir tout ce chapitre.

Il faut encore se garder de l’orgueil intellectuel, contre lequel Clément revient souvent à la charge. Cf. J. Martin, L’apologétique traditionnelle, 1905, p. 65-68. A propos de I Cor., i, 19-24, je perdrai la sagesse des sages, etc., il reproche aux Grecs leur esprit sophistique, leur déraisonnable exigence quand ils cherchent ces raisonnements qu’ils appellent àvayxauTi/.at ou capables de produire la conclusion nécessitante. Strom., I, c. xviii, P. G., t. viii, col. 804, 805. Contre les rebelles qui se trompent dans leur cœur et qui ne connaissent pas les lois du Seigneur, Ps. xciv, 10, 11, Dieu s’irrite et il profère des menaces. Prot., c. IX, P. G., t. VIII, col. 196, 197. Quiconque se prend pour sage ne peut atteindre le domaine de la vérité, esclave de l’inquiétude et du dérèglement de ses tendances aveugles, àaTaToc ; xai àïop’JToeç ôpixaî ; y.îypr^xévo ;. Strom., II, c. xi, P. G., t. viii, col. 987. A diverses reprises, il reproche aux philosophes leur individualisme intellectuel, çiXau-ria. Strom., VI, c. vii, P. G., t. ix, col. 277. Cf. col. 480. Les philosophes déjà bien exercés. .. qui cherchent avec amour et sans arrogance… sont enfin conduits jusqu’à la foi. Strom., VI, c. xvii, P. G., t. ix, col. 385. Malheureusement ils font les sourds, méprisent la parole des barbares, ou même redoutent la mort. Strom., VI, c. viii, P. G., t. ix, col. 289.

6) Préliminaires intellectuels et motifs de crédibilité.

— Le but des Stromates est en général de rendre la vérité chrétienne acceptable aux gentils. Voir ce qui est dit de l’apostolat doctrinal, de son but, au sommaire du I er Stromate, col. 147 : gagner les intelligences par l’usage de la philosophie grecque, de l’hellénisme qui prépare au christianisme. Dans le IIe Stromate, il témoigne de son intention, convertir et les Grecs et les Juifs ; les premiers, en leur faisant reconnaître leurs sources partiellement traditionnelles et en critiquant leurs doctrines originales ; les autres, par les témoignages de l’Ecriture, insérés dans la trame de l’exposition ; surtout, Strom., V, c. iii, P. G., t. ix, col. 38, il est question de préparation intellectuelle : aux Grecs qui veulent des preuves, il s’agit de montrer que nos dogmes sont vraisemblables et dignes de croyance, Sti êcttî Ta rjj.ÉTôpa k’vSofja xai 7riTT£’jf<70ai àljta ; dans ce but, le meilleur moyen sera de faire valoir les conceptions qui leur sont familières.

Outre cette apologétique générale qui s’occupe surtout du contenu de la révélation, pour chercher à le rendre acceptable aux intelligences, Clément en connait une autre plus spéciale ; il parle de divers signes pour reconnaître la transcendance du christianisme et la divinité de son auteur. Pour la transcendance du christianisme, voir ceux qui ont été indiqués dans le Protreptique ; dans les Stromates : la sainteté du christianisme, avec l’imite de sa foi, manifestées par tous les exemples de force chrétienne, ceux des gnostiques comme ceux des martyrs. Voir le sommaire du IV" Stromate, col. 150. Un autre signe allégué est la propagation du christianisme en dépit des persécutions. La doctrine chrétienne en fleurit davantage, car elle ne meurt point comme une doctrine humaine, elle ne dépérit point comme un don sans vitalité, f, Zï xa’i |x&XXov àvOôi’ou yàp cî>ç iv8p(07ttvr] b7Co8v^oxei StâaaxxXfa, oufi’<l> ; ko9(VT)( napac’vETat 8<opeà. Strom., VI, C. XVIII, P. G.,

t. ix, col.’.no.

La divinité du Christ est attestée par des signes précurseurs, concomitants, postérieurs : d’abord, les prophéties qui l’ont annoncé, puis les témoignages qui accompagnèrent sa naissance temporelle, enfin, les mira-