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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)


que les vieux-catholiques et reconnaître le même critérium » ; si son successeur, Constantin V, favorisait ces hérétiques durant tout son patriarcat (1897-1901) et confiait à leur université de Berne la formation de ses jeunes théologiens ; Joachim III, dès les premiers jours de son second patriarcat, ne leur a pas caché son hostilité. Il a approuvé « certaines appréciations des hases de l’aneien-catholicisme, appréciations qui lui ont été soumises et qui expriment l’incompatibilité de l’aneiencatholicisme avec les dogmes de notre Église » . La sentence n’est pas sans appel et, dans sa fameuse encyclique du 12 juin 1902, le même patriarche a consulté les autres Églises orthodoxes sur la conduite à tenir vis-àvis des vieux-catholiques. Toutes, à l’exception de l’Église serhe, se sont nettement prononcées contre ce groupe religieux, qu’elles ne distinguent guère des protestants. Il est à présumer que, lors de la disparition des amis de la première heure qui subsistent encore, les chefs des Églises orthodoxes ne s’occuperont plus de leurs jeunes disciples, de plus en plus orientés vers le rationalisme allemand.

G Tout en considérant la chute de Byzance (1453) comme une vengeance divine frappant des révoltés et des schismatiques, les papes de la renaissance, aussi bien que ceux du moyen âge, ont pour unique ambition, celle de refouler les Turcs en Asie. Tous ceux qui se succèdent depuis Nicolas V sur la chaire de saint Pierre ne rêvent pas d’autres conquêtes. Sur l’ordre de Callixte III, Capistran et Carvajal enthousiasment les foules armées qui remportent la victoire de Belgrade, 1456 ; Pie II va plus loin et, après avoir vainement offert à Mahomet II de le traiter en légitime souverain s’il voulait embrasser le christianisme, il se met à la tête d’une croisade qu’il songe à conduire lui-même contre les Ottomans. Paul II, Sixte IV, Innocent VIII et Alexandre VI poursuivent la même politique et, s’ils se préoccupent avant tout de sauver l’Europe et les grands intérêts de la civilisation chrétienne, on aurait tort d’applaudir à leurs insuccès, comme le font aujourd’hui les historiens orthodoxes, et d’y voir la juste fin d’une politique d’accaparement et de servitude. Jules II cherche à convertir le schah de Perse et à l’entraîner dans une ligue contre le sultan ; quant à Léon X, la lutte contre les Turcs est le grand souci de toute son existence pontificale. Mais déjà les princes européens se dérobent aux sollicitations des papes ; ils s’inquiètent davantage de leurs intérêts commerciaux ou dynastiques que des besoins de l’Église. On voit même des États, comme Venise, faire alliance avec les Turcs, le lendemain de la prise de Constantinople, en se déclarant « Vénitiens, avant d’être chrétiens » , et d’autres, comme la France de François I er et d’Henri II, se liguer avec l’infidèle contre les visées mondiales de Charles-Quint. Si le plan de rejeter les Turcs en Asie échoue en définitive, la responsabilité en incombe aux souverains de l’Europe beaucoup plus qu’aux papes ; on ne doit pas oublier que c’est à un pape que revient la gloire de Lépante (1571), la journée qui écrasa la puissance musulmane, qu’un pape travailla à la’conservation de Candie (1669), et que sans les pontifes de Rome le roi de Pologne, Sohieski, n’eût peut-être pas secouru Vienne (1688). Depuis lors, l’autorité des papes, en perdant de son prestige, n’a pu être secourable aux chrétientés opprimées de l’Orient, comme elle l’avait été pendant de longs siècles, bien que leur voix ait retenti de temps à autre pour soulager une grande infortune ou pour encourager une entreprise généreuse.

Dans le domaine politico-religieux, nous ne devons pas omettre les rapports qu’amena entre les deux Églises l’occupation vénitienne. Depuis 1201, Venise s’était taillé dans l’empire byzantin la part du lion et, même après 1453, ses possessions grecques étaient assez considérables. Chypre, le Péloponèse, la Crète, la Dalmatie, l’Alba nie, les îles Ioniennes et l’Archipel relevaient encore d’elle. Peu à peu, les Turcs réussirent à les lui arracher : en 1571, ils ravirent Chypre, puis le Péloponèse, la Crète ou Candie en 1669. Le traité deCarlovitz. conclu la ii iôi ne année, rendit aux Vénitiens certaines parties du Péloponèse, qu’ils cédèrent de nouveau aux Turcs, en 1718, au traité de Passarovitz. Il ne leur restait plus que la Dalmatie, les îles Ioniennes, quelques territoires de l’Albanie, qu’ils perdirent, en même temps que leur indépendance, vers la fin du XVIIIe siècle. Le traitement accordé aux diverses communautés grecques par les Vénitiens, différa suivant l’époque et surtout suivant le territoire où elles étaient situées. A Venise, on permit aux Grecs de célébrer, 1456, dans une église latine et quand, en 1479, ils demandèrent la permission d’en construire une pour leur usage personnel, on leur répondit qu’ils feraient mieux de fréquenter les églises latines. En 1514, le pape Léon X, sur la demande du Conseil des Dix, les autorisa à avoir une chapelle et un cimetière, parce que la Seigneurie les tenait per veri e catolici cristiani, et plus tard, en 1521, il décida « que les évêques latins ne devaient pas s’immiscer dan allaires des catholiques de rite grec ; là où les Grecs n’auraient pas d’évêque, ils seraient soumis à un vicaire nommé par eux et à qui l’évêque latin ne pourrait pas refuser l’approbation » . Il y eut pourtant des difficultés qui surgirent nombreuses de côté et d’autre, entre ces communautés et les titulaires latins. Depuis l’année 1556 l’évêque grec de Zante et Céphalonie se fixa à Venise pour y pontifier et, vingt ans après, son premier chapelain, Gabriel Sévère, se rendait à Constantinople pour y recevoir la consécration épiscopale, avec le titre de Philadelphie. Il succédait à l’évêque de Zante en 1582 ; c’était un farouche ennemi des Latins et du catholicisme. Depuis 1616, date de la mort de Sévère jusqu’à 1681, date de l’élection de Typaldos, six prélats se succèdent à Venise et, à chaque élection, le baile vénitien de Constantinople fait les diligences nécessaires pour obtenir les bulles patriarcales au nouvel élu. C’est assez dire que la communauté était redevenue orthodoxe, c’est-à-dire séparée de Rome. Dès 1644, l’évêque de Philadelphie résidant à Venise a le titre d’exarque ou primat patriarcal pour toutes les possessions vénitiennes et, en 1651, on l’autorise à recevoir la consécration, sans se rendre à Constantinople, de tels prélats orthodoxes que Venise désignerait, et à consacrer lui-même le titulaire de Zante et Céphalonie. Vers la fin du xviie siècle, la situation se modifia et Venise, qui n’avait pas les mêmes complaisances pour les Grecs, exigea que les communautés orthodoxes se réconciliassent avec Rome. Les exigences des Grecs, qui refusaient au Conseil des Dix toute immixtion dans leurs affaires religieuses, même dans le choix des curés, y avaient contribué pour une large part. Le métropolite de Philadelphie, Typaldos, se réconcilia donc avec Rome, sans pouvoir entraîner avec lui la majorité de ses paroissiens. A sa mort (1718), la vacance du siège dura 43 ans et les curés grecs, par pure contrainte, consentirent à nommer le pape à la liturgie. Puis, par suite des récriminations des orthodoxes dalmates, lesquels, privés d’évêque, s’adressaient à des sujets turcs, serbes ou moscovites, la Seigneurie rétablit en 1761 un évêque orthodoxe à Venise dans la personne de Georges Phacea. Celui-ci ne put obtenir de Constantinople ses bulles d’approbation ; il mourut en 1768 et fut remplacé par l’évêque de Cérigo, Mormori, qui ne les obtint pas davantage. Le 21 janvier 1772, fut élu un prêtre de Corfou, Théotochis, qui n’accepta que s’il relevait de Constantinople et s’il avait la liberté de professer les dogmes de l’Église orientale et d’en exercer les rites. Les négociations ne purent aboutir et, l’élu avant renoncé au bénéfice de son élection, les mêmes difficultés se présentèrent pour son successeur. Elles