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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)


lement l’indépendance du pays, aussi bien au point de vue religieux qu’au point de vue politique. Le président Capo d’Istria suivit la même ligne de conduite en l’accentuant. A sa mort et lors de la régence bavaroise, 183-2, le désordre régnait partout^dans l’administration ecclésiastique, lies 36 évoques que comptaient le Péloponèse et la Grèce continentale, il n’en restait plus que 12 vivants. Comme on ne voulait pas recourir à Constantinople pour remédier à cet état de choses, on s’adressa aux 52 prélats orthodoxes, qui vivaient alors en Grèce et qui étaient presque tous des fugitifs venus de Turquie. Ceux-ci arrêtèrent la loi organique du 23 juillet 1833, qui établissait l’Église hellénique sur le même pied que l’Eglise russe et créait un synode permanent pour la diriger. Quatre mois plus tard, le 21 novembre, une seconde loi fixait les circonscriptions ecclésiastiques du nouveau royaume. Le nombre des diocèses de 47 se trouva réduit à 40. Voir les deux listes dans les Échos d’Orient, 1900, t. III, p. 286. L’autonomie de l’Église hellénique avait été proclamée dans la loi de 1833, en dépit du patriarche, qui ne fut même pas consulté. Des scrupules surgirent ensuite et des négociations furent entamées. Elles furent longues et pénibles. Enfin, le Tô[j.oç auvoôixô ? de juin 1850 acceptait le fait accompli, au prix de certaines restrictions qui engendrèrent de vives polémiques, sans modifier en rien la situation générale. Voir L’Église de Grèce, dans les Échos d’Orient, 1900, t. iii, p. 285-288 ; D. Kyriakos, Geschichle der orientalischen Kirchen von 1453-1898, Leipzig, 1902, p. 161-179.

Le Phanar n’avait pas encore subi toutes les pertes que devaient lui infliger ses frères de race. En 1864, un an après l’avènement du roi Georges, l’Angleterre cédait à la Grèce les îles Ioniennes. Or, celles-ci formaient, avec les îlots du voisinage, sept diocèses : Corfou, Paxos, Sainte-Maur^ Théaki, Céphalonie, Zanthe et Cérigo, qui furent réclamés aussitôt par le saint-synode d’Athènes. Au Phanar, après quelques hésitations bien excusables, on se résigna à les abandonner et le patriarche Sophrone 1Il déclara, le 7 juillet 1866, se dessaisir à jamais des sept éparchies. Seize ans plus tard, l’Église d’Athènes fit de nouvelles acquisitions au préjudice de sa mère et voisine. Le congrès de Berlin ayant offert à la Grèce un coin de l’Épire et la presque totalité de la Thessalie, le synode hellénique fit valoir ses droits sur les diocèses situés dans les provinces annexées. En Épire, il y avait la métropolie d’Arta, plus 23 villages détachés de Janina ; en Thessalie, les trois métropoles de Larissa, Démétrias, Phanariopharsale, et les cinq évèchés de Tricca, Stagi, Gardikion, Platamon et Thaumacos, soit en tout neuf diocèses. Somme toute, l’indépendance de la Grèce et ses agrandissements successifs coûtèrent à l’Église œcuménique 47 diocèses en 1821, 7 en 1864 et 9 en 1882, soit 63 diocèses en soixante ans. Les rectifications de frontières, obtenues par la Turquie après la guerre turcogrecque de 1897, ont amené, il est vrai, quelques modifications au profit de l’Église phanariote, mais combien compensées par la perte imminente de la Crète et de ses huit diocèses.

On voit par ce rapide aperçu que, du xvie au xixe siècle, l’histoire des rapports du patriarcat œcuménique avec les autres Églises orthodoxes de l’Europe n’est que l’histoire de son rapide accroissement et de sa décadence, plus rapide encore. En attelant sa fortune au char des Osmanlis vainqueurs, l’Église de Constantinople a compromis sa cause, comme autrefois, en servant avant tout les caprices politiques des empereurs byzantins, elle contribua à détacher de l’unité chrétienne et catholique les vieilles et llorissantes Églises de Perse, d’Arménie, de Syrie et d’Egypte. Le phylétisme qu’elle invoquait en sa faveur au concile de Chalcédoine contre les papes de Rome est le ver rongeur qui la mine

aujourd’hui sourdement. On peut prévoir le cas — qui n’est pas après tout si paradoxal — où les Turcs étant rejetés en Asie, et Constantinople étant proclamée ville neutre, l’autorité religieuse du pape de l’orthodoxie ne franchira pas les remparts de sa bonne ville.

6° En Asie et en Afrique, domaine des vieilles Eglises d’Alexandrie, d’Anlioche, de Jérusalem et de Chypre, l’ingérence du patriarcat œcuménique se laisse également pressentir dès le xvie siècle, avec les conquêtes politiques de Sélim I er. Par le fait que ces immenses territoires passèrent sous le régime turc, la voix du patriarche grec de Constantinople devait être plus facilement écoutée. A vrai dire, il n’y eut pas dans ces quatre Églises de modifications importantes, sauf dans celle d’Antioche, où la métropole d’Alep, détachée du patriarcat gréco-syrien en 1757, lui fut rendue au mois d’août 1888 par Constantinople. Au point de vue moral, l’influence du patriarche œcuménique grandit sans cesse. L’élément grec étant parvenu dès les XVIIe et xviii c siècles à éliminer en ces régions l’élément indigène, on recourait plus volontiers à l’intervention de son collègue de Constantinople. Ce n’est que de nos jours que cette intluence a subi une décroissance progressive, comme à Antioche où elle est nulle, comme à Jérusalem où elle lutte péniblement contre les menées russo-arabes, comme à Chypre, témoin depuis plusieurs années d’un schisme inextricable.

Avec toutes ces Églises, sauf avec l’exarchat bulgare réputé schismatique, sauf aussi avec le patriarcat syrien d’Antioche, l’Église œcuménique entretient des rapports de bonne confraternité religieuse, inspirés par la même foi et la même orthodoxie. On sait que, de par les décrets des conciles œcuméniques de 381 et de 451, l’Église de Constantinople jouit d’une sorte de prééminence sur toutes les autres Églises orientales. En quoi consiste cette prééminence ? Faut-il l’entendre dans le sens de primauté pontificale, de sorte que le chef de l’orthodoxie puisse commander en maître aux fidèles de toutes les Églises orthodoxes ? En aucune manière. Il n’a qu’une primauté d’honneur, et non une primauté de juridiction. Cette déclaration a été faite à plusieurs reprises, en dernier lieu par le concile hiérosolymitain de 1867, qui proclama que les Églises orthodoxes reconnaissent seulement le concile œcuménique pour maître suprême et souverain juge. Et lorsque des hommes autoritaires comme.loachim III affichent des allures pontificales et s’avisent de consulter les autres Églises sur des matières intéressant l’orthodoxie, comme l’union des Églises, la réforme du calendrier, etc. il arrive que, sur huit Églises consultées, deux ne répondent pas, Alexandrie et Chypre. Il arrive encore que cinq autres ne sont pas consultées, deux comme étant schismatiques, Antioche et la Bulgarie, et trois autres, les Églises de l’empire austro-hongrois, on ne sait trop pour quels motifs. Il arrive enfin que les réponses données par les six autres Églises reviennent à une fin de non-rece Voir La question de Vitnion et du calendrier dans l’Église orthodoxe, dans les Échos d’Orient, 1904, t. vii, p. 90-99. Sur les Églises autocéphales et le pouvoir exercé par le patriarche œcuménique. D. Kyriakos, Das System der autokephalen, selbstàndige >i orthodoxe » Kirchen, dans la Hérite internationale de théologie, Berne, 1902, t. x, p. 99-415, 273-286.

Il est cependant une particularité canonique et liturgique requise par le Phanar de toutes les Églises filles ou sœurs, bien qu’elle soutire assez d’exceptions. Le patriarche œcuménique prétend avoir le droit exclusif de consacrer’le saint chrême et de l’envoyer aux chefs de toutes les Églises orthodoxes pour manifester l’unité canonique et aussi leur dépendance vis-à-vis de lui. Je ne sais à quand remonte ce droit qu’il s’attribue et qui n’est pas fort ancien, car au moyen âge tous les.