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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)


attaque par colles do France ot d’Autriche, qui ne lui cachent pas leur hostilité. Des le 30 avril 1623, de Césy, l’ambassadeur français, annonce à Louis XIII qu’il a « moyenne en telle sorte la ruyne du patriarche grec de Constantinople, qu’il est maintenant hors du siège par comandement du premier vizir ; celuy qui occupe sa place m’est désia venu remercier. C’est un vieux bonhomme qui estoit archevesque d’Amasye au pays du Pont » , autrement dit Grégoire IV le Borgne, d’Amasée. Celui-ci se maintint en place du 30 avril au 25 juin 1623. Il fut ensuite déposé par les métropolites et les évêques, « lesquels ne pouvans supporter la durée d’un patriarche mis par le premier vizir sans leurs formes accoutumées en telles estections, résolurent entr’eux de faire patriarche le métropolite d’Andrinople. » Ce dernier prit le nom d’Anthime II et s’employa à ce que Cyrille Lucaris, exilé à Rhodes, renonçât à la dignité patriarcale et se mît à l’Athos comme simple caloyer. Peine inutile ! Le 17 septembre de la même année, l’ex-patriarche était rappelé, après avoir, d’accord avec l’ambassadeur de Hollande, fabriqué de toutes pièces des obligations sur le patriarcat pour 20000 ôcus. Anthime II, ne pouvant satisfaire à une somme aussi élevée, se rendait le 2 octobre suivant à l’ambassade de Hollande pour y résigner le patriarcat entre les mains de son adversaire.

Le troisième patriarcat de Lucaris dura du 2 octobre 1623 au mois de mai 1630. Il prêchait des sermons, dans l’un desquels de Césy remarquait jusqu’à « trois hérésies notables » , répandait de « nombreux catéchismes calvinistes écrits à la main » par ses soins, obtenait des Turcs en 1626 l’expulsion du vicaire apostolique latin et travaillait à sa fameuse Confession de foi. Elle parut au mois de mars 1629 et en latin, probablement à Genève, grâce à l’entremise de l’ambassadeur hollandais, Cornélius van Haga. E. Legrand, Bibliographie hellénique au XVIIe siècle, t. I, p.267sq. En janvier 1631, Lucaris traduisait lui-même son ouvrage en grec, y ajoutant un appendice de quatre questions et réponses ; le tout fut envoyé à Genève et parut en 1633. Cette dernière publication enleva tous les doutes en Occident, où l’on avait cru tout d’abord que la confession de foi n’était pas authentique et avait été composée par les calvinistes hollandais.

Après de Césy, c’est l’agent de l’empereur près la Sublime Porte, Rodolphe Schmid, qui prend en mains la cause du catholicisme. Un premier engagement a lieu en mai 1630. Isaac, métropolite de Chalcédoine, réussit à se faire élire patriarche, sans pouvoir entrer en possession de son siège, car un synode, convoqué d’urgence par Lucaris, s’empresse de reléguer, le 18 juin 1630, cet homme dangereux qu’on avait déposé le mois précédent. A l’automne de 1633, nouvelle attaque, machinée celle-là par Cyrille, métropolite de Berrhée, ennemi personnel de Lucaris et ancien élève des jésuites. « Tandis que tout le synode délibérait sur hes moyens à prendre pour éteindre l’énorme dette du patriarcat, Cyrille négociait sous main l’achat de la dignité suprême. Il l’obtint, mais pour huit jours seulement ; sa chute entraîna pour la Grande Église un surcroît de dettes s’élevant à la jolie somme de 50000 piastres. » Échos d’Orient, 1903, t. VI, p. 101 sq. Son patriarcat avait duré du 4 au Il octobre 1633. On l’exila dans l’île de Ténédos, où il feignit de reconnaître sa faute et écrivit lettre sur lettre à Lucaris pour implorer son pardon ; celui-ci le rétablit dans ses fonctions épiscopales. Au mois de mars suivant, le 5, c’est le tour du métropolite de Thessalonique, Athanase Patellaros, qui, avec 60000 ou 70 000 piastres, parvint à s’installer sur le trône patriarcal, pour en être chassé quelques jours après, entre le 1° et le 6 avril 1631. Athanase parti, Lucaris revint aussitôt, « moyennant un versement de 10000 piastres entre les mains du grand vizir. C’est à peine s’il reste un an. En mars 1635, Cyrille de Berrhée obtient pour G0000 piastres la dignité suprême, tandis que son concurrent, Lucaris, est envoyé en exil à Rhodes. » Échos d’Orient, t. vi, p. 102. En route, on tente de faire enlever par des corsaires maltais le bateau qui transportait le patriarche, afin de l’enfermer dans une prison sûre d’Italie ; l’entreprise échoue complètement. « Parvenu au rang suprême au prix d’énormes sacrifices, Cyrille de Berrhée ne s’y maintient qu’avec une extrême difficulté. Les métropolites, avant de l’accepter, semblent avoir exigé des garanties. » C’est, du moins, ce qui résulte d’une profession de foi qu’on lui imposa le jour de son intronisation. A. Papadopoulos-Kerameus, Wii’ii/.-.a. lepoco-XufUTtxTj ; a-ot.yyo’/oyixç, t. iv, p. 98. « Cyrille de Berrhée ne tarde pas à s’aliéner les esprits par ses manières hautaines, par ses maladresses enver. » les amis de Lucaris, envers Néophyte d’Héraclée surtout, et aussi par la violation » du règlement en huit arlicles, qui avait pour but de remédier à la déplorable situation financière du patriarcat. Ayant prononcé une sentence de déposition contre Lucaris, mars 1636, il voit aussitôt le synode se révolter contre lui. Après une lutte de quelques semaines, il est renversé et exilé à Rhodes sur le même bateau qui devait en ramener Lucaris, juin 1636.

A la place de Cyrille de Berrhée, on nomme Néophyte d’Héraclée, « nourrisson du vénérable vieillard (Lucaris), dit le protestant Antoine Léger, et plus recommandé par l’estime de probité que d’érudition. » Les témoignages des ambassadeurs autrichiens et hollandais ne sont guère plus favorables à sa compétence en affaires. Peu importait, du reste, puisque, selon Schmid, il gouvernait « avec l’aide de l’ambassadeur de Hollande et du vieil hérétique Cyrille, qui ne le quitte pas un instant » . Le 22 janvier 1637, tout est prêt pour la réinstalla lion de Lucaris, laquelle toutefois n’a pas lieu avant le mois de mars 1637, par suite de la démission volontaire de l’inoflen-if Néophyte. Le retour de Lucaris, en excitant la joie de ses partisans, provoque la plus vive irritation chez ses adversaires, notamment chez Cyrille de Berrhée qui vient, après une dure captivité, de rentrer secrètement à Constantinople. On essaye de gagner son silence en lui offrant les revenus d’une métropole ; il refuse, tant que Lucaris « n’aura pas rétracté publiquement, du haut de la chaire patriarcale, ses opinions calvinistes et ses traités imprimés et qu’il ne sera pas revenu à la vraie foi orthodoxe » . De plus, se conformant aux conseils de Schmid, Cyrille de Berrhée écrit au pape et à l’empereur pour leur demander des secours, et l’ambassadeur autrichien lui obtient 4000 thalers, s’il revient au patriarcat. L’ex-patriarche demeure alors près de Iédi-Koulé, le château des sept tours. On machine ensuite un complot contre Lucaris. afin de le perdre définitivement dans l’esprit des Turcs, et on l’accuse entre autres choses de fomenter une révolte générale des Grecs contre l’autorité du Grand-Seigneur ; accusation grave, s’il en fût, qui vaut à l’inculpé d’être déposé et emprisonné, 20 juin 1638. Cyrille de Bcrhée remonte donc une troisième fois sur le trône patriarcal et, le 27 du même mois, d’accord avec le grand vizir et un papas grec, il fait étrangler son adversaire, puis jeter son cadavre dans les Ilots. Voir les détails de cette affaire dans les Échos d’Orient, t. VI, p. 105.

Commencé par cette sinistre aventure, le troisième patriarcat de Cyrille de Berrhée dura une année entière, juin 1638-juin 1639. Le 15 décembre 1638, il signait une profession de foi catholique, rédigée par la Propagande, et le pape Urbain VIII en accusait réception à Schmid par un bref en date du 30 avril 1639. Favorable aux catholiques. Cyrille II ne pouvait que lutter contre les inlluences calvinistes. Trois mois après son