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CONSTANTINOPLE (IV CONCILE DE)


vers l’an 500 ; et pncore faut-il ajouter qu’on avait généralement des doutes sur leur authenticité. A l’époque même du VIII" concile, Hincmar de Reims les tenait pour suspects. Le pape Ilormisdas († 523) les avait implicitement déclarés apocryphes, dans sa revision du décret du pape Gélase : De libris non recipiendis. Hefele, op. cit., t. i, p. 009 sq. Les canons du 11e concile œcuménique (381) n’avaient jamais été reçus en Occident. Le 3e avait même été explicitement condamné par saint Léon, en même temps que le 28e de Chalcédoine. Hefele, t. ii, p. 216 ; t. iii, p. 146. Quant aux canons d’Éphèse, Denys le Petit avait oublié de les traduire, et ils étaient restés inconnus des Latins. Hefele, t. ii, p. 390. Enfin on sait que les canons du concile in Trullo et ceux du VIIe concile œcuménique lui-même avaient été rejetés par les papes. Hefele, t. iv, p. 227-230. On peut dés lors se demander comment les légats d’Adrien II, et les papes eux-mêmes ont pu donner leur approbation à ce 1 er canon du VIIIe concile qui, pris tel quel, semble renfermer une acceptation implicite de tous les canons reçus dans l’Église byzantine, y compris ceux du concile in Trullo. Mais, comme le fait remarquer Assémani, Biuliolhcca juris orientalis, t. I. p. 328, c’est justement à cause de l’imprécision et du vague des termes employés, que le saint-siége a pu, sans se compromettre, adhérer à la formule. Les papes ont accepté les canons dits des apôtres, ceux des conciles œcuméniques ou locaux et ceux des Pères, dans la mesure où ces régies n’étaient pas en opposition avec la foi orthodoxe, les bonnes mœurs et la législation de l’Eglise romaine. C’est en faisant ces restrictions que Jean VIII consentit, quelque temps après le VIIIe concile, à reconnaître le concile in Trullo, Mansi, t. xii, col. 982, et que plus tard Martin V et Eugène IV approuvèrent les décrets de Constance et de Baie. Cf. Hefele, op. cit., t. iv, p. 227-230.

Ajoutons que ce 1 er canon est un de ceux où l’inspiration byzantine est le plus manifeste. Sa ressemblance avec le canon 1 er du VIIe concile et avec le canon 2e du concile in Trullo le prouve suffisamment. Il est permis de supposer que sa rédaction fut quelque peu laborieuse. Les Grecs cherchèrent sans doute à lui donner une précision que rejetèrent les légats romains. Pourquoi, par exemple, ne parle-t-on plus des canons des six conciles œcuméniques, comme le faisait le concile de Nicée ? N’est-ce point parce que les légats ne pouvaient consentir à regarder les canons in Trullo comme provenant du VIe concile ? Par contre, pourquoi, au lieu de l’expression vague : t<ov ày : tov Ilaréptov ifjjxaiv du VIIe concile, a-t-on employé celle-ci : Uarpo ; 6£T)yôpou xa StSaa-y.â-Xou tf ( ç’ExxXï)(71’a ; ? N’est-ce point pour écarter de la liste des Pères certains personnages mis en avant par le concile in Trullo, comme Nectaire, Théophile, Timothée, Gennade ?Il n’est pas téméraire de penser que les mots : Toùç 7rapoc306Évraç de^où ; uapà tu>v àyiwv y.a TiavsucpôfjLwv à7coiTT()X(ov, ne désignaient point, dans la pensée des légats, la collection dite des canons des apôtres, mais simplement les règles disciplinaires transmises par les apôtres et conservées dans la pratique générale de l’Église. Ce qui autorise une pareille hypothèse, c’est que les canons des apôtres, même les 50 traduits par Denys le Petit, ne jouissaient que d’un crédit assez faible à Rome et en Occident au IXe siècle.

Jusqu’ici, nous n’avons envisagé ce 1 er canon qu’au point de vue disciplinaire, mais il a aussi une portée dogmatique. Tout d’abord, parmi les canons des anciens conciles qu’il approuve, il en est qui sont intimement liés au dogme. Les definitiones, ôpoi, des saints Pères et des conciles ne s’entendent pas seulement des décisions pratiques, mais aussi des définitions de foi, bien que ce dernier point de vue soit laissé dans l’omhrc. On trouve ensuite, dans ce canon, une affirma tion claire du principe de la tradition considérée comme source de la révélation distincte de l’Écriture, et par conséquent une condamnation anticipée de la règle de foi protestante. La citation du texte de saint Paul, Il Thess., ii, 15, et l’allusion au passage de l’Aréopagite ne laissent aucun doute à ce sujet. L’autorité des l’ères, même lorsqu’il s’agit d’un seul, est aussi mise en relief, par le fait que le concile accepte les canons portés par l’un d’entre eux, même en dehors de tout synode. Seulement il faut que ce Père soit : 1° Œifftfpoc, c’est-à-dire verso dans les sciences divines. L’épithèle peut aussi se prendre au sens passif et s’entendre d’une certaine inspiration divine que les anciens reconnaissaient volontiers aux Pères. Cf. les actes du VTIe concile. ScaTuyfeç toû I1v£J|j.2to ; ’t âvo ; (Ï7ravT£ ; y.ai to - j a-^TO^J Ilv£’jp.aToç a’JyacrôivTE ;, àipiuav va <7v)u.3ÉpovTa. Mansi, t. xiii, col. 264, 417. 2° Le Père doit être docteur de l’Église et reconnu comme tel, ôtSàtrxaXoc -r, ; ’Ey.y.Ar, <7 ; ’a ;. Il faut qu’il ait enseigné l’Église par ses paroles et ses écrits, eîte îiàc yov, eïzt St’èttiotoàûv. 3° Enfin l’éclat de la sainteté doit s’unir chez lui à celui de la science : TÛv àyitov upoyEVETTÉpw ; ôia/.au.’iâvn « )v.

Au nombre des Pères, les membres du VIIIe concile comptaient évidemment l’auteur des écrits aréopagitiques, qu’ils identifiaient avec le Denys converti par saint Paul à Athènes et devenu évêque de cette ville, d’après la tradition orientale. L’auteur de l’Ecclesiastica Inerarchia est appelé magnus et sapientissimus Dionys’tus. On voit qu’à cette époque son autorité était bien établie. Cités pour la première fois, à la conférence tenue à Constantinople en 533, entre catholiques et sévériens, et rejetés comme apocryphes par l’évêque catholique Hypatius, les écrits du pseudo-Denys n’avaient pas tardé à être regardés comme authentiques par tout l’Orient, grâce surtout à l’inlluence de saint Maxime le Confesseur († 662) qui les commenta longuement. D’Orient ils avaient passé en Occident. Déjà le pape saint Martin I er, au concile de Latran de 649, avait eu recours, à l’autorité de saint Denys pour prouver la dualité des volontés dans le Christ, et avait éclairci un passage de la lettre à Caïus objecté par les monothélites. Mansi, t. x, col. 967. Lors du VIe concile (680), le pape Agathon avait parlé aussi de Denys l’Aréopagite, évêque d’Athènes. Mansi, t. xi, col. 264, 372. Dans le cours du IXe siècle, plusieurs traductions latines parurent, notamment celle de l’abbé de Saint-Denys, Hilduin, dédiée à Louis le Débonnaire (836), et celle de Jean Scot Érigène, dédiée à Charles le Chauve. Cf. Ceillier, Histoire générale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, édit. Vives, t. xii, p. 384, 608. L’Aréopagite pouvait des lors affronter sans danger la critique du moyen âge.

2° Extrait du canon 17’(1"2* grec). Mansi, t. xvi, col. 171, 405.

… Illud autera tanquam pe rosum quiddam ab auribns

nostris repulimus, quod quibus dam imperitis dicitur, non

posse synodum absque princi pali præsentia celebrari : cum

nusquam sacri canones con venue sœculares principes in

conciliis sanxerint, sed solos

antistites. Unde nec interfuisse

illos synodis, exceptis conciliis

universalibus, invenimus ; ne que enim fas est, sæculares

principes spectatores fieri re rum, quae sacerdotibus Dei

nonnunquam eveniunt…

Nous avons repoussé loin de

nos oreilles le langage détes table de quelques ignorants

avançant qu’un synode ne peut

être célébré, sans que le prince

soit présent. Nulle part les

saints canons ne prescrivent

l’assistance des princes sécu liers aux conciles, mais seule ment celle des évêques. Aussi,

si l’on excepte les conciles œcu méniques, nous ne constatons

pas cette présence des princes

aux conciles : car il est contre

toutes les convenances que des

séculiers soient témoins de ce

qui arrive quelquefois à des

prêtres de Dieu.