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régulièrement d’après les prescriptions canoniques. Le choix du clergé se porta d’un commun accord sur la personne de Georges Scholarios, le fameux solitaire du Pantocrator. D’après un historien contemporain, Critohoulos d’Andros, Vie de Mahomet 11, trad. franc, par D. Dethier, p. 153 sq., extrait des Monumenta Hungarorinn historica, t. xxi b, lors de la prise de Constantinople, Scholarios avait été réduit en captivité et emmené à Andrinople, chez un riche qui le traita avec honneur. Mahomet II le fit rechercher partout et, l’ayant découvert, il le fit venir à la capitale, où il eut avec lui plusieurs conférences religieuses. A la fin, il résolut de l’établir patriarche de tous les chrétiens. Celui-ci prit alors le nom de Gennadios — à moins qu’il ne le portât déjà depuis sa profession monastique — et il fut aussitôt reconnu par le souverain turc. Cette reconnaissance s’imposait d’ailleurs à Mahomet II. Scholarios personnifiait la résistance contre les Latins. Depuis le retour du concile de Florence, comme pendant le siège de Constantinople, il n’avait cessé de dénoncer l’entente avec l’Église occidentale. Ses paroles, ses discours, ses écrits, tous ses actes, il les avait dirigés vers le but unique de faire accepter à ses compatriotes la souveraineté des Turcs plutôt que la suprématie, même spirituelle, du pape romain. Aussi, même s’il avait de son propre chef pourvu à la vacance du siège patriarcal, le sultan n’aurait pu trouver de meilleur auxiliaire de sa politique.

On suivit pour l’intronisation de Gennadios le cérémonial usité sous les empereurs byzantins. On avait l’habitude à Constantinople de présenter au patriarche un cheval tiré des écuries impériales, richement harnaché et couvert d’une housse blanche, afin qu’il le montât et que, entouré du clergé de la capitale, il se rendit au palais du Boucoléon. Là, tête découverte, assis sur son trône et ayant autour de lui le sénat, l’empereur remettait au nouvel élu un bâton pastoral d’or ou d’argent, garni de pierreries et de perles. Le premier chapelain de la cour prononçait la bénédiction, pendant que le grand domestique et des chœurs entonnaient des chants appropriés. Les chants terminés, l’empereur se levait, tenant le sceptre de sa main droite et ayant, d’un côté, le césar, de l’autre, le métropolite d’Héraclée ; puis, élevant son sceptre sur la tête de l’élu, il prononçait ces paroles : « La sainte Trinité, qui rn’a donné l’empire, te confère le patriarcat de la Nouvelle Rome. » Ces rites furent observés par Mahomet II, du moins dans la mesure où un sultan turc pouvait le faire. Après quoi, il invita Gennadios à un banquet et le traita avec beaucoup d’honneurs. La réception fut suivie d’un long entretien amical et, le moment du départ étant arrivé, le sultan olfrit au patriarche un sceptre précieux, il l’accompagna jusque dans la cour et ordonna que ses officiers et ses ministres lui fissent cortège jusqu’au patriarcat. Gennadios, monté sur un magnifique cheval donné parle sultan, se rendit dans cet apparat à l’église des Saints-Apôtres, qu’on lui avait attribuée pour cathédrale à la place de Sainte-Sophie. Mais le quartier de la ville, qui comprenait la nouvelle résidence patriarcale, se trouvant par trop désert et exposé à toutes sortes de crimes, Mahomet II permit à Gennadios d’échanger l’église des Saints-Apôtres pour celle de la Pammacariste, près de laquelle s’élevait un assez joli palais. En même temps, il lui délivra un firman ou bérat portant que « personne n’eût à le troubler et à l’olfenser, qu’il fût protégé contre tout adversaire, qu’il restât à jamais libre de tous impôts, lui et les prêtres du patriarcat » . Un autre acte assurait aux Grecs trois autres libertés : les églises qu’on leur avait laissées ne seraient plus transformées en mosquées ; leurs mariages, enterrements et autres cérémonies religieuses s’accompliraient sans trouble ; enfin, les fêtes de Pâques seraient célébrées annuellement avec toute la solennité coutu mière et. à cet effet, les portes du quartier réservé aux Grecs resteraient ouvertes huis nuits de suite. Il n’est pas sûr toutefois que cette dernière faveur remonte à cette époque et qu’elle ne soit pas le fait de quelque successeur de Mahomet II. Si j’ai insisté sur ces détails, c’est pour ne plus y revenir, car ils ne furent pas particuliers à Gennadios, et tous ses successeurs jouit à peu de chose près, des mêmes privilèges et furent intronisés avec les mêmes honneurs. Encore aujourd’hui, le cérémonial de l’intronisation du patriarche œcuménique diffère assez peu de celle de Gennadios.

Gennadios éprouva bientôt que la foule se laisse plus aisément conduire par les chefs de l’opposition que par ses ministres habituels. Il ne tarda pas à démissionner pour des motifs qui n’ont pas été éclaircis et se retira dans le monastère Saint-.Iean, près de Serrés en Macédoine, pour y vaquer aux études et à la prière, jusqu’au jour de sa mort. Il s’y trouvait déjà en 1158, lorsqu’il écrivit son traité sur la Prédestination, P. G., t. clx, col. 299, 539, 1126, et a dû probablement donner sa démission en 1457, non en 1459, comme on l’écrit habituellement. Du successeur de Gennadios, Isidore II, l’on ne sait à peu près rien. Il était moine et pénitencier avant sa nomination ; de plus, il mourut sur son siège, après un patriarcat assez court. Quand et comment, c’est ce que l’on ignore. Sa nomination paraît remonter à l’année 1457. Byzantinische Zcilschrift, 1899, t. viii, p. 395. Le successeur d’Isidore II, Joasaph I er Koccas, était moine également ; son clergé lui suscita de telles difficultés qu’il alla se jeter dans un puits, d’où on le retira à moitié asphyxié. Il en tomba gravement malade et se voyait à peine rétabli, lorsqu’un ordre de Mahomet II lui enjoignait de se retirer ; auparavant, on lui avait rasé la barbe. La cause de sa déposition fut le refus qu’opposa le patriarche à un Grec des plus influents, Georges Amiroutzès, cousin germain du sultan, de contracter un mariage adultère. Sur cette affaire, voir E. Legrand, Bibliographie hellénique aux xve et xvie siècles, Paris, t. ni. p. 495-200. Un catalogue de 1581, voir Byzantinische Zeitschrift, 1899, t. viii, p. 395 sq., est le premier document de ce genre à nous faire connaître le patriarche Sophrone I er, le successeur de Joasaph, passé sous silence par la Chronique anonyme de Sathas, le catalogue de Malaxos, ainsi que par les catalogues patriarcaux du xviie siècle. Méléce d’Athènes le mentionne pourtant dans son’ExxXt)irtaatixy ) îc-opsa, Vienne, 1784, t. iii, p. 331, on ne sait trop sur quel témoignage. Que Sophrone I er ne soit pas un mythe, mais un patriarche effectif, c’est ce que prouve une encyclique de lui, mentionnée dans la Bibliotheca civira Vindobonensis de Lambacher, t. il, p. 27, et publiée par Sathas dans sa MeaaiovtxY] piSXioO^xi), Athènes, 1873, t. iii, p. pa’, et qui date du mois d’août 1464. En outre, le patriarcat de Sophrone I er est mentionné dans un acte synodal de 1488. E. Stamatiadès, ’Ey.v.r l <T : a<T-Tixà (7jX).ey.Ta, Samos, 1891, p. 32. Après Sophrone, vient Marc Xylocaravès, né à Constantinople, puis moine, puis exarque de la Grande Église dans l’île de Crète, où il ne cessa de prêcher après le concile de Florence contre l’union avec Rome. En récompense de son zèle antilatin, il fut élu métropolite d’Andrinople sous le patriarche Sophrone. entre les mois de septembre 1464 et de janvier 1465. Peu de temps après, il succédait à ce dernier, en qualité de patriarche, probablement au début de 1465. En tout cas, on a de lui une pièce patriarcale, anonyme il est vrai, mais faisant partie d’un recueil qui le concerne et datant de juin 1 165. Au dire de tous les historiens et de tous les catalogues, ce pontificat ne se prolongea guère. En effet, le 15 janvier 1467, c’est Denys I er qui occupe le trône patriarcal, et il nous faut encore placer, entre le patriarcat de Marc et celui de Denys I er, le pontificat de Syméon de Trébizonde. En assignant six mois à la durée du pa-