Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/652

Cette page n’a pas encore été corrigée
2571
2572
CYRILLE DE JÉRUSALEM (SAINT 1


catéchèse suivante, en parlant d< l'épiclèse ou prière demandant la descente de ce divin Esprit sur les dons offerts, « afin qu’il fasse du pain le corps du Christ, et du vin le sang du Christ ; car tout ce que le Saint-Esprit touche, est sanctifié et transformé, [/.eTaêéêXïjTou, » xxiir, 7, col. 1416. Idée répétée trois autres fois d’une m inière incidente : « L’invocation faite, le pain devient corps du Christ, et le vin sang du Christ, » xix, 7, col. 1072. « Après l’invocation du Saint-Esprit, ce n’est plus du simple pain, c’est le corps du Christ, » xxr, .'S, col. 1092. « Saintes sont les choses placées sur l’autel, quand elles ont reçu la visite du Saint-Esprit, » xxiii, 19, col. 1124.

En tous ces endroits, le catéchiste attribue le changement à la troisième personne de la Trinité et parle de l’invocation ou épiclèse sans mentionner les paroles évangéliques de l’institution. Conclure de là qu’il ne lisait pas ces paroles dans le canon de la messe usité alors à Jérusalem, serait argumenter d’une façon non seulement gratuite, mais déraisonnable, puisqu’elles se retrouvent dans toutes les liturgies anciennes, en particulier dans celles qui sont le plus apparentées avec la liturgie cyrillienne. On peut seulement se demander si, en attribuant le changement à l’action du Saint-Esprit, le docteur palestinien prétendait considérer l'épiclèse indépendamment des paroles de l’institution ; ou, d’une façon plus générale, quel rapport il mettait entre les deux choses ? La question paraît insoluble, puisqu’il n’a considéré qu’un des éléments du problème, sans rien dire de l’autre. Aussi les conjectures ont-elles libre carrière. Peut-être la discipline du secret l’empêchait-elle de parler des paroles de la consécration d’une manière qui les aurait désignées comme la forme même du sacrement. Schwane, t. iii, p. 591. Peut-être jugeait-il inutile, après ce qu’il avait dit au début de la catéchèse précédente, de mentionner le récit de l’institution, assez connu déjà de ses auditeurs. Probst, Die hierosolymilanische Messe nach den Schriflendes heiligen Cyrillus, dans Der Kalholik, 1884, t. i, p. 150, 253. Peut-être regardait-il ce qui se disait alors entre la préface et le Pater, comme un tout moral, qu’il aurait compris sous la dénomination générale d’invocation du Saint-Esprit. Dom Touttée, col. 1114, note 5. Ce qui est certain, c’est que, l'épiclèse achevée, il considère la consécration comme parfaite, puisque aussitôt après il ajoute : Eita, (jicrà to à71affiT0ï)vai tt)v uv£U|j.ariy.riv âuat’av, n. 8, col. 1116. Faut-il conclure de là, qu’avant l'épiclèse, il ne considérait pas encore la consécration comme complète, ou n’y aurait-il qu’une appropriation faite au Saint-Esprit d’une action commune aux trois personnes divines et opérée proprement par les paroles évangéliques ? Dom Touttée, diss. III, n. 94 sq., col. 278 ; Probst, op. cit., p. 258 sq.

c) Objections protestantes. — Diverse a été l’attitude des théologiens hétérodoxes à l'égard de la docrine eucharistique de saint Cyrille. Dans l'Église anglicane, en dehors des théologiens « romanisants » dont la croyance à la transsubstantiation et au sacrifice de la messe a été dénoncée par W. Walch, The secret histonj of the Oxford movement, c. vii, 5e édit., Londres, 1899, p. 202 sq., cette doctrine a été généralement interprétée dans le sens luthérien d’une présence réelle de Notre-Seigneur, mais avec persistance du pain et du vin. devenus par la consécration le corps et le sang sacramentels de Jésus-Christ. Pusey, The doctrine of the real présence, as contained in the Fathers, Londres, 1883, p. 91, 101, 278 sq. ; GilTord, op. cit., p. xxxvi sq. En dehors de l'Église anglicane, quelques théologiens protestants ont reconnu, franchement ou avec des réserves, que l’enseignement du docteur palestinien représente en substance la doctrine catholique de la présence réelle et de la transsubstantiation ; par exemple, E. Crabe, dans ses notes sur saint Irénée, .<lrersus hfvreses, 1. Y,

c. ji (voir dom Touttée, col. 27 i. et, parmi les modernes, Plitt qui conclut ainsi de justes remarques sur le sens propre et naturel du langage cyrillien : lis, r/use supra laudavi, plene et aperte transsubstantiationeni docen </<<i.s f/uæso infitiari poterîtf Mais la masse a interprété le texte des Catéchises dans le sens de ses propres opinions : présence spirituelle et symbolique, ou présence réelle à la manière de Luther. D’autres ont distingué entre le langage de Cyrille qu’ils avouent réaliste et le fond de sa doctrine ou sa pensée personnelle qu’il leur plaît de déclarer spiritualiste et symbolique ; tels, par exemple, A. Harnack, Lehrbuch der Dogmengeschichtc, 3e édit., t. ii, p. 432, et l’auteur de l’art. Cyrillus von Jérusalem, dans Realencyklop' fur protestanlische Théologie unit Kirche, 3e édit., t. iv, p. 383. Voir dans l’ouvrage cité de V. Schmitt, p, 17 sq., une revue succincte de la position prise, relativement à la pensée de l’auteur des Catéchèses, par les principaux théologiens protestants d’Allemagne au xixe siècle. Les limites de cet article ne permettant ni d’exposer toutes ces conceptions personnelles, ni d’en discuter le côté manifestement arbitraire, il suffira de signaler les principales objections, celles-là du moins qui se rapportent directement à la doctrine cyrillienne.

a. Contre la présence réelle. — Saint Cyrille prémunit lui-même ses auditeurs contre l’hypothèse d’une manducation physique et par suite d’une présence réelle de son corps et de son sang, puisqu’il reproche aux Juifs de n’avoir pas su entendre les paroles de Jésus-Christ dans un sens spirituel, | « ] kxt)xoôteç nvEU|Mmx<ô$ tûv }.eyo|jivtov, xxii, 4. — Réponse. — D’après le contexte, le terme 7tvs’j[axti-/£> ; s’oppose uniquement à la conception grossière que les Juifs se faisaient d’une manducation du corps de Jésus-Christ semblable à celle des viandes communes, vojjuÇovtï ; oti ï--. trapxoça’yîav avToù ; 7cpoTp£7Texai. Comparée à cette manducation charnelle, la manducation eucharistique peut s’appeler spirituelle, parce que le corps et le sang de Jésus dans l’eucharistie, unis à la divinité et glorifiés, jouissent de propriétés qui les soustraient aux conditions matérielles et sensibles des corps ordinaires. Voir Schmitt, op. cit., p. 8 sq.

D’après saint Cyrille, le corps du Christ nous est donné èv nijua) « prou, xxii, 3 ; ce qui signifie que le pain lui-même est type ou symbole du corps du Christ, in pane typo sire figura, comme dans l’expression signum circumcisionis ou typus Jonæ ; par conséquent, la présence et la manducation du corps de Jésus-Christ doivent s’entendre symboliquement. C’est dans le même sens que nous devons goûter, non le pain et le viii, mais Vantitype du corps et du sang du Christ, xxiii, 20 ; c’est-à-dire voir dans ces substances la figure du corps et du sang du Christ. — Réponse. — Cette interprétation de l’expression èv --Jnu> oip-cu est d’abord singulière en elle-même, puisqu’elle revient à dire : « Dans le pain, figure du corps, vous est donné le corps : » ensuite, et surtout, elle est pleinement opposée à lout le contexte, comme on peut le voir par ce qui a été dit plus haut. Le vrai sens est : « Sous la forme (extérieure) du pain (i çaivoixsvoç apToç) vous est donné le corps même du Christ. » Dans le second passage, non seulement le sens, mais la lettre même est faussée, car le texte porte àvTiTtSwou <ru>u.a70 ;, sans article entre ces deux mots, àvriiûirou étant pris adjectivement ; ce qui nous amène à ce sens, diamétralement opposera celui des symbolistes : Dans ce qui nous est donné, nous devons voir, non du pain et du viii, mais le corps et le sang du Christ, antitype du pain et du vin. c’est-à-dire répondant à ce qu’il y a de symbolique dans la forme extérieure du pain et du viii, comme la réalité répond au type. Dom Touttée, diss. III, n. 83 sq., col. 265 : Recli, toc. cit., p. 437 sq. ;.Marquardl, p. 83 sq.. lit' Pour saint Cyrille le vrai pain de l'âme, c’est le Verbe