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CYRILLE DE JÉRUSALEM [SAINT]


libre arbitre comme principe de responsabilité et unique cause proprement dite du péché. De ce point de vue. il n’y a rien dans le passage tiré de la 11e catéchèse qui contredise l’existence de la faute originelle, telle que l'Église catholique l’enseigne. Le sens général, d’après le contexte, se résume ainsi : le péché est un wrand mal, qui ne vient pas de Dieu, mais de nousmêmes ; non pas de notre nature telle qu’elle est sortie des mains divines, car Dieu a fait l’homme droit, Eccl., vii, 20, mais de notre propre volonté, n. 1. Le péché n’est pas un être physique, comme qui dirait un animal, un ange, un démon ; il n’est pas le fait d’un agent extérieur, comme serait un ennemi ; c’est un rejeton mauvais qui croît en nous et par nous, ocJ’Sâvov àizb (joj, n. 2. Doctrine vraie, si l’on considère le péché actuel et personnel, que Cyrille a surtout en vue, comme le prouvent tous les exemples dont il fait usage en ce même endroit. Doctrine vraie encore, si l’on considère le péché originel, dont l’existence suppose essentiellement l’exercice de la volonté libre d’Adam, et qui même en ses descendants ne se peut concevoir sans une relation intime à cette volonté libre de notre premier père, principe physique et chef moral de tout le genre humain. Dans l’autre passage, emprunté à la IVe catéchèse, l’expression !).80vtcç àva(j.âpx7-|T01 tire sa signification de ce qui précède immédiatement :

« Apprenez encore ceci : l'âme n’a pas péché avant de

venir au monde ; mais venus sans avoir péché (auparavant), c’est maintenant que nous péchons, par le fait de notre libre arbitre. » L’orateur rejette donc simplement l’hypothèse pythagoricienne et origéniste de fautes actuelles et personnelles, commises par l'âme dans une vie antérieure. Mais que les descendants d’Adam ne puissent pas s’appeler pécheurs, en ce sens, très différent, que par suite de la faute actuelle et personnelle de leur premier père, tous se trouvent en naissant dans un état de véritable inimitié avec Dieu, non seulement notre docteur ne le dit point, mais il tient le contraire dans les témoignages cités plus haut. Dom Touttée, diss. III, c. vi, col. 206 sq. ; Schwane, t. iii, p. 33 sq.

De ce qui précède et de ce. qui sera dit plus loin des effets du baptême et de la confirmation, il résulte que l’auteur des Catéchèses n’a nullement oublié la grâce sanctifiante. Par ailleurs, s’il insiste tellement sur le libre arbitre et sur la bonté intrinsèque de l'âme et du corps, ce n’est pas â l’exclusion de la grâce actuelle dont il rappelle ou suppose souvent la nécessité, même dans les passages où il semble donner le plus à l’initiative personnelle. Quelques écrivains mal disposés pour saint Cyrille, comme Oudin, l’ont bien accusé de semipélagianisme, en s’appuyant sur quelques expressions générales, celle-ci surtout :  ; < Dieu est un bienfaiteur libéral ; cependant il attend la bonne volonté de chacun. » Proc, 1, col. 333. Mais ces critiques auraient dû remarquer qu’il ne s’agit pas ici de la première grâce ; le catéchiste parle à des futurs néophytes qu’il sait préparés depuis longtemps par l’action intérieure du Saint-Esprit, et qu’il excite à coopérer de leur mieux à l’appel divin déjà entendu et écouté : « car s’il faut à la plume et à la flèche une main qui s’en serve, ainsi faut-il à la grâce des esprits croyants, outo) xat r yâpu ; ypïiav sysi Tâ>v 7t « 7T£j(5vTwv… Purifiez le vase qu’est votre âme, pour recevoir une mesure de grâce plus abondante, » i, 3, 5, col. 373, 377. Pour la réponse à quelques autres textes du même genre, et pour la part faite par Cyrille à la grâce divine dans tous les actes de notre vie chrétienne, voir dom Touttée, c. vii, col. 211 sq. (dans la discussion sur l’efficacité de la grâce divine, col. 219, le docte critique semble un peu mêler ses opinions personneHes à la doctrine cyrillienne).

L’universelle volonté salvilique de Dieu est une conséquence de la rédemption professée par l’auteur des Catéchèses. Il rejette énergiquement la distinction

faite par certains entre les /ils de bi<- « et les fils du diable, en ce sens qu’il y aurait des hommes destinés nécessairement au salut, et d’autres à la damnation, vu, 13, col. 620. Jésus-Christ a racheté tout le genre humain, -/.ôtij.ov SXov k>ibptù-uv> IXutptiffaTo, xiii, 1, col. 772. Dieu ne refuse pas la grâce aux hommes de bonne volonté ; pour permettre à tous de parvenir a la vie éternelle, il en a pour ainsi dire multiplié les portes d’entrée, vi, 28 ; xvi, 22 ; xviii, 31, col. 588, 919, 1052. Dom Touttée, col. 225 sq. ; Schwane, t. iii, p. 69 sq.

Eschatologie.

Deux catéchèses se rapportent

plus directement aux fins dernières, soit des hommes, soit du monde : la XVe, où il s’agit du second avènement de Jésus-Christ ; la xviiie, dont l’objet principal est la résurrection des corps. En rapprochant de cet enseignement formel ce que saint Cyrille dit ailleurs en passant, on obtient une doctrine eschatologique non pas complète, mais déjà suffisamment développée.

1. Mort, et état des âmes séparées. — La mort, dans l’ordre actuel, est un châtiment qui doit son existence, comme son universalité, au péché du premier homme, xiii, 2 ; xv, 31, col. 773, 913. Pour chacun de nous, elle clôt le temps du repentir et du pardon ; au delà, les camps sont définitivement tranchés : d’un côté, ceux qui ayant profité ici-bas de ce temps de grâce, louent Dieu à jamais ; de l’autre, ceux qui, pour la raison contraire, sont châtiés et n’ont plus qu'à déplorer leur sort, xviii, 14, col. 1033. Or la peine réservée au pécheur, c’est le feu éternel, il, 1, col. 381. D’autres textes confirment la doctrine de la récompense immédiate des âmes justes, en même temps qu’ils la complètent et la précisent. Premier fruit de la rédemption, le bon larron entra dans le paradis, non pas terrestre (comme le suppose à tort dom Touttée), mais céleste ; car Cyrille fait ainsi parler Notre-Seigneur : « Ne craignez pas le serpent ; il ne vous chassera pas de là, étant tombé des deux, » xiii, 31, col. 809. A la descente de Jésus-Christ aux enfers, le saint docteur assigne pour but et pour effet la délivrance des justes qui s’y trouvaient emprisonnés ; captifs que, comme un vainqueur, le Christ entraîne dans son triomphe au jour de sa glorieuse ascension, iv, 11 ; xiv, 19, 24, col. 469, 849, 857. Aussi, l’entrée du ciel étant désormais ouverte, le baptême peut compter, parmi ses nombreuses appellations, celle de char qui mène au ciel, oyr^a 71pbç oûpavôv. Proc., 16, col. 360. Enfin, dans la liturgie cyrillienne, les patriarches, les prophètes, joints aux apôtres et aux martyrs, apparaissent comme vivant avec Dieu dans des rapports d’amitié et d’intime présence qui nous autorisent à les prendre pour avocats et pour intermédiaires auprès de sa divine majesté, xxhi, 9, col. 1116.

Le purgatoire a sa place dans ce dernier endroit. Xon pas le terme, mais la chose : « Nous prions ensuite pour les saints pères et évoques défunts, enfin pour tous ceux qui sont morts parmi nous ; persuadés qu’en agissant ainsi, nous apporterons un secours très grand aux âmes pour lesquelles nous prions. » Suit une comparaison notable. A ceux qui objecteraient : que sert-il de prier pour l'âme qui quitte ce monde chargée ou exempte de péchés ? le catéchiste répond : Un roi envoie en exil des gens qui l’ont offensé ; si les parents ou les amis de ces infortunés tressent une couronne et l’offrent pour eux au roi, celui-ci ne leur fera-t-il pas remise de la peine ? Il ne s’agit donc pas de condamnés à mort, mais d’exilés dont l’offense est supposée rérnissible ; de plus, la remise ne porte pas directement sur l’olfense elle-même, mais sur la peine infligée. A ce double titre la comparaison répond parfaitement à l’objection en précisant la doctrine : entre la double hypothèse d’une âme quittant ce monde ou chargée ou exemple de péchés, il y a le cas, insinué par l’exemple,