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CULTE EN GENERAL

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Fragments sur des matières de controverse, 1 er fragment, Du culte qui est dû à Dieu, Paris, é d i t. Lâchât, 1875, t. xiii, p. 120 sq.

6° De toutes les erreurs sur le culte, celles qu’il est le plus opportun de signaler viennent des modernistes. Pie X les rappelle dans l’encyclique Pascendi. Après avoir souligné l’hérésie des protestants libéraux qui, par leurs théories sur la puissance de l’autorité civile dans tous les actes extérieurs de la vie, furent amenés « à rejeter tout culte extérieur, même toute société religieuse extérieure et à essayer de faire prévaloir une religion purement individuelle » , Pie X reconnaît que « les modernistes n’en sont point encore arrivés là ouvertement, nondum ad hoc palam progrediuntur. » Evidemment il veut sous-entendre qu’ils en seraient venus à cette extrémité ou que, s’ils y ont échappé, ce n’a pu être qu’en renonçant à tirer toutes les conséquences logiques de leur système. Pie X ajoute : « Du culte il y aurait peu à dire si ce n'était que, sous ce mot, sont compris les sacrements ; et sur les sacrements les modernistes greffent de fort graves erreurs. » C’est donc entendu, les principales erreurs concernent les sacrements, qui, du reste, sont les éléments principaux du culte chrétien. L’encyclique ne se contente pas de cette affirmation. Elle nous donne la genèse de ces erreurs sur le culte et les sacrements : « Le culte nait d’une double nécessité, d’un double besoin : car, on l’a remarqué, la nécessité, le besoin, telle est dans leur système, la grande et universelle explication. Le premier besoin, ici, est de donner à la religion un corps sensible ; le second, de la propager, à quoi il ne faudrait pas songer sans formes sensibles, ni sans les actes sanctifiants que [l’on appelle sacrements. » C’est donc, au fond de nous, dans un besoin naturel et instinctif, dans une nécessité, sorte d’impératif catégorique, plus impulsif que raisonné, qu’il faudrait chercher les sources du culte religieux. Quant à ses formes, elles se ramènent aux sacrements surtout, desquels les modernistes déforment la notion et réduisent la réalité à un simple symbolisme nettement hérétique. « Les sacrements, pour les modernistes, sont, dit Pie X, de purs signes ou symboles, bien que doués d’efficacité. Ils les comparaient à de certaines paroles, dont on a dit vulgairement qu’elles ont fait fortune, parce qu’elles ont la vertu de faire rayonner des idées fortes et pénétrantes, qui impressionnent et remuent. Comme ces paroles sont à ces idées, de même les sacrements au sentiment religieux. Rien de plus. Autant dire en vérité et plus clairement que les sacrements n’ont été institués que pour nourrir la foi ; proposition condamnée par le concile de Trente : Si quelqu’un dit que les sacrements n’ont été institués que pour nourrir la foi, qu’il soit ana thème. » Sess. VII, De sacramentis in génère, can. 5, Denzinger, Enchiridion, n. 730.

Cette doctrine moderniste sur le culte se retrouve notamment dans les écrits d’Auguste Sabatier et de l’abbé Loisy.

Le premier met bien en relief l’immanence et le subjectivisme du système moderniste. Aux « âmes en quête et en travail » il fait entrevoir « comme une naturelle récompense de leur courage et de leur fidélité » la perspective de « garder… le culte pur du Dieu intérieur qu’on cherche vainement au dehors et qu’on finit par découvrir en soi. » Esquisse d’une philosophie de la religion d’après la psychologie et l’histoire, c. i, 7e édit., 1903, p. 5. Nous voilà donc ramenés du dehors au dedans de nous. Là seulement nous trouverons Dieu et son culte pur. « Pourquoi suis-je religieux ? Je n’ai jamais remué cette question, sans être amené à y faire à la fin la même réponse : je ne puis autrement ; c’est une nécessité morale de mon être… La nécessité que je constate dans ma vie individuelle, je la retrouve plus invincible encore dans la vie collective de l’huma nité. Celle-ci n’est pas moins incurablement religieuse. En vain, les cultes qu’elle a épousés et désertés tour à tour semblent toujours l’avoir déçue… (la religion) survit, comme une plante vivace. à tous les états de culture, comme à toutes les révolutions. » lbid. C’est bien la nécessité' indiquée par l’encyclique Pascendi comme l’origine des religions et du culte religieux.

.Mais, se demande l’auteur, « d’où vient cettevitalité indestructible '.' » De deux faits psychologiques : la conscience du moi et l’expérience du monde. « L’activité, l'épanouissement libre du moi, ses velléités de s'étendre et de s’agrandir sont comprimés par le poids de l’univers qui, de toutes parts, retombe sur lui. Jaillissant du centre, le Ilot de vie vient fatalement se briser, comme une vague impuissante, à l'écueil des choses extérieures… Refoulée sur elle-même, l’activité du moi se replie au centre qui s'échauffe comme L’essieu d’une roue en mouvement. Bientôt l'étincelle brille et la vie intérieure du moi s'éclaire. C’est la conscience. » lbid., p. 15. Telles sont les deux premières étapes de l’homme vers le culte religieux : un fait, le conflit de la vie avec les choses extérieures ; sous le choc, le jaillissement de la conscience comme une étincelle lumineuse.

Cette conscience se développe bientôt et se dédouble : « Ramené par la sensation douloureuse et l'échec répété de ses efforts, du dehors au dedans, le moi se prend pour objet de sa propre réllexion : il se dédouble et se connaît ; bientôt il se juge : il se sépare de l’organisme avec lequel il se confondait tout d’abord ; il s’oppose lui-même à lui-même, comme s’il y avait en lui réellement deux êtres : un moi idéal et un moi empirique. » lbid. Nous sommes toujours dans l’immanence et le subjectivisme.

Après s'être dédoublé, le moi prend de plus en plus conscience de la contradiction qui existe en lui. de l’antinomie qui met le moi idéal en opposition au moi empirique. « L’homme ne se peut connaître, sans se connaître limité. Mais il ne peut sentir ces limites fatales sans les franchir par la pensée et par le désir, en sorte qu’il n’est jamais satisfait de ce qu’il possède et ne peut être heureux que par ce qu’il ne peu ! atteindre, » p. 1.6. Xous touchons au berceau de l’idée de Dieu et du sentiment religieux. « Comment résoudre cette contradiction de mon être qui me fait tout ensemble vivre et mourir'?… De ce sentiment de détresse, de cette contradiction initiale de la vie intérieure de chacun naît la religion. C’est la fente dans le rocher d’où sort l’onde vivifiante. Non pas que la religion apporte au problème une solution THÉORIQUE. L’issue qu’elle nous ouvre et nous propose est avant tout d’ordre pratique. Elle ne nous sauve point par une acquisition de connaissances nouvelles, mais par un retour au principe même d’où notre être dépend et par un acte moral de confiance en l’origine et en la lin de la vie. Toutefois cet acte sauveur n’est point arbitraire ; il se produit par l’effet d’une nécessité. La foi en la vie n’est pas autre chose et n’agit pas autrement dans le monde de l’esprit que l’instinct de conservation dans le monde physique. C’est une forme supérieure de cet instinct, » p. 19. Retenons bien cette affirmation de nécessité et d’instinct : c’est la condamnation du système par son subjectivisme exagéré.

Or, nous allons maintenant voir éclore, toujours au dedans de nous, et dans le rayonnement de la conscience, l’idée de Dieu et la religion. « Cet élan de vie ne se produit pas dans le vide et n’est pas sans obj>'l. Il s’appuie, en effet, à un sentiment inhérent à toute conscience individuelle, au sentiment de dépendance où l’homme se trouve à l'égard de l'être universel… Nous sommes nécessairement obligés de chercher hors de nous, dans l'être universel, la cause première et la fin ultime de notre être et de notre vie… Ce sen-