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CULTE EN GÉNÉRAL

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intimes peuvent se traduire au dehors parties paroles, par des actes, par des signes sensibles, comme la génuflexion, l’inclination de la tête, les mains jointes ou

I i étendues à la façon de l’orante antique, les

baisers, le prosternement du corps.

Ces signes deviennent alors un culte extérieur ; s’ils sont organisés en un cérémonial complet et sacré, fixé par l’autorité religieuse, ils constituent la liturgie. Des rapports étroits, analogues aux relations de l’âme et du corps, relient entre eux le culte intérieur et l’extérieur. Celui-ci procède de celui-là, le traduit, en est l’épanouissement et le complément, la dévotion intérieure de l’âme a une tendance spontanée à se traduire au dehors par des signes religieux ; elle est avec eux dans le rapport de cause à effet ; mais cette action causale qu’elle exerce sur eux donne naissance à une réaction qui fait que les manifestations extérieures du sentiment religieux nourrissent, aiguisent celui-ci, lequel devient ainsi dans une certaine proportion dépendant et effet des rites qu’il a causés. 11 s’ensuit que le culte intérieur, bien qu’il puisse à la rigueur exister séparément, d’ordinaire est joint au culte extérieur et qu’inversement celui-ci, à moins d’être hypocrisie, ne peut exister sans celui-là. Cf. de Lugo, De incamatione, disp. XXXIII, sect. ii, n. H, HCVenise, 1718, p. 304, 305.

7° Le culte extérieur se subdivise en culte privé et en culte public suivant qu’il est exercé pour traduire les sentiments d’un individu ou pour manifester la déférence religieuse d’une société. Les sociétés, en effet, ont leur base dans l’autorité divine : toute puissance vient d’en haut et le bien social n’a de valeur et de force que s’il est sanctionné par Dieu. Dès lors, il existe entre Dieu et les groupements humains un rapport de domination et de dépendance analogue à celui qui soumet les individus au Seigneur, les sociétés ont leurs obligations religieuses et leur culte propre. Celui-ci s’exerce par des représentants qui accomplissent les rites religieux au nom de leurs frères. Ces rites constituent le culte public par opposition avec le culte privé qui est exercé par les individus en leur propre et privé nom. Ne pas confondre le culte public avec le culte exercé en public ; on peut accomplir en public un acte de culte privé, telle la prière du soir récitée par le musulman en pleine place publique : on peut accomplir dans l’intimité des actes de culte public, tel le bréviaire récité par le prêtre chez soi au nom de la société chrétienne, de l’Église. Le culte public tire son prix de la société même au nom de laquelle agit le mandataire : ainsi, le prêtre coupable célèbre validement et récite le bréviaire eflicacement, parce que c’est l’Église qui célèbre par son organe et qui prie par sa bouche.

Dans ses Lettres sur la métaphysique, Fénelon justifie avec beaucoup de raison les rites extérieurs et la splendeur publique du culte. « N’est-il pas évident, écrit-il, que les hommes attachés aux sens et dont la raison est faible ont encore plus besoin d’un spectacle pour imprimer le respect d’une majesté invisible et contraire à toutes leurs passions, que pour leur faire respecter une majesté visible qui éblouit leurs faibles yeux, qui flatte leurs passions grossières ? On sent la nécessité (lu spectacle d’une cour pour un roi, et on ne veut pas reconnaître la nécessité infiniment plusgrande d’une pompe pour le culte divin. C’est ne pas reconnaître le besoin des hommes. » Cf. Taparelli d’Azeglio, Essai théorique de droit naturel, 1. I, c. ix, n. 215 sq., trad. franc ;., Paris, Leipzig, Tournai. 1883, t. I, p. 99 ; A. Castelein, Droit naturel, I. Droit religieux, th. i, Paris, 1903, p. (il sq. ; Id., Institutiones philosophise moralis et SOCtalis, th. xi, Bruxelles, 1899, p. 223 ; Theod.Meyer, Institutiones juris naturalis, U.Jnsnaturm spéciale, sect. i, I. I, c. i, a. 2, $2, n.23, Fribourgen-Brisgau, 1900, p. 27 sq.

II. Nécessité et précepte do culte en général. —

Toutes ces formes de culte, culte intérieur et extérieur, culte privé el culte public, sont rigoureusement obligatoires, et la proposition est de fui. (if. Suarez, De gione, 1. II, c. i, n. 8. Une raison générale établira cette obligation. Nous devons témoigner de notre soumission et dépendance à l’égard de Dieu sur tous les terrains où s’étend le domaine suprême du Seigneur. Or, ce domaine prend non seulement notre âme créée par Dieu, mais notre corps pétri par sa main, mais la société dont toute autorité vient de lui. Il faut dès lors que nous lui témoignions spirituellement la dépendance de notre âme, sensiblement la soumission de notre corps, publiquement le respect de notre vie sociale. Des raisons spéciales fixent chacune des formes de cette obligation. Le culte intérieur trouve sa nécessité exprimée par la parole du Sauveur : Spirilus est Deus, et eos qui adorant eutn, in spiritu et veritate oportet adorare. Joa.. IV, 21. Le culte extérieur fut pratiqué par le Christ et les apôtres dès l’origine, des institutions apostoliques l’organisent dans des prescriptions de prières, de jeûnes, etc. ; et l’Église nous en rappelle l’opportunité dans ses oraisons : ut divinis rébus inliœrentes et corpore tibi famulemur et mente, oraison Contra persecutores Ecclesiæ ; cf. feria iv quatuor lemporum septembres ; Deus concède nobis propitius et mente et corpore tibi semper esse devotos. Sabbato quatuor lemporum Penlecosles. Toute la liturgie ecclésiastique, l’institution même du sacerdoce témoignent de la nécessité du culte public, suivant cette parole de l’apôtre : Omnis namque pontifex ex hominibus assumptus, pro hominibus constituitur in /<is quse sunt ad Deum ut offerat dona et sacrificia pro peccatis. Heb., v, 1. Voir Cérémonies, t. ii, col. 2140.

Les objets obligatoires ou facultatifs du culte sont multiples. Nous ne parlerons ni du culte de la sainte Vierge et des saints, ni du culte des reliques ou des images, ni du culte de la croix, qui trouveront leur place dans ces divers articles : nous nous bornerons à donner la raison du culie de Dieu et de Jésus-Christ. Des faits certains et divins exigent que l’homme rende un culte à Dieu. Le Seigneur nous a créés, il nous conserve dans l’être, il collabore à toutes nos activités, qui ne pourraient s’exercer sans sa motion et sa coopération, il dirige notre vie, il la termine en qualité de fin suprême, il la sanctionnera comme juge, sa bonté nous a appelés à la participation surnaturelle de sa vie propre ; de ce chef il nous a conféré des dons, des qualités d’un ordre nouveau ; à tous ces titres il est notre maître et Seigneur, il nous a obligés et il est notre bienfaiteur. Pris en lui-même, il est l’être infiniment parfait et transcendant. Nous sommes au dessous de lui, nous lui sommes soumis. Il est dès lors juste, convenable, nécessaire, indispensable que nous lui rendions un hommage absolu à cause de titres qui lui sont personnels, un hommage supérieur à cause de titres qui sont hors de pair.

Ce culte nous tient tous et tout entiers, parce que rien en nous ni en chacun de nous n’échappe à la providence ni à son domaine. D’où la nécessité déjà soulignée plus haut d’un culte intérieur et extérieur, privé et public, individuel et collectif. Ce culte est, on le voit, de droit naturel et découle de notre nature, comme de l’essence de l’ordre surnaturel auquel nous avons été appelés. La nature de nos relations aec Dieu exige ce culte sous toutes ses formes. Mais afin de renforcer encore, ou au moins de préciser cette obligation. Dieu en a fait l’objet d’un précepte positif et exprés. 11 a dit aux Juifs : Doniinum Deum luum timebis et illi soli servies ac per nome » illius jurabis. Dent., vi, 13, 17. Le serment est un acte de religion et de culte. Il ajoute : Cuslodi cseremonias quas præcepit tibi. c’eal le culte extérieur et public. Cf. x, 20. Notre-Seigneur