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CULTE EN GÉNÉRAL

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râleur éminente d’un être supérieur qui est honoré

précisément à cause de cette excellence et des droits qu’elle lui confère. Or, parmi les êtres, nous en découvrons un au sommet de l’univers, qui possède une valeur infinie, une perfection indicible, unique, incommunicable. C’est Dieu. Il sera donc l’objet d’un culte supérieur, unique, que les théologiens appellent culte suprême, que les anciens appelaient OsoTsësÉav ou Xatpeiav. A sa perfection incommunicable, Dieu a voulu cependant faire participer ses créatures, et des hommes, des héros, par leur vertu, leur sainteté, ont fait briller en eux quelque étincelle des mœurs divines, et de l’excellence du créateur. Nous pouvons les révérer à cause de cette vie divine développée en eux par leurs vertus et la grâce de Dieu : ce culte sera dépendant du premier dans lequel il trouve sa raison d’être, ce sera un culte subordonné, appelé par les anciens 60-j), eia. Parmi les âmes saintes qui ont participé surnaturellement à la perfection de Dieu et du Christ, une s’est distinguée d’une façon incomparable et a atteint des hauteurs de vertu auxquelles nulle créature après elle ne saurait prétendre. C’est Marie dont l’excellence sublime et inimitable, quoique créée et finie, est ainsi, à cause de sa suréminence, l’objet d’un culte spécialement distingué, appelé hyperdulie, JTTSp80-j), ei’a.

2. Les expressions de dulie, à’hyperdulie, se comprennent facilement. Le mot grec go-j).o ; signifie esclave ou serviteur, les saints sont les serviteurs de Dieu ; ils sont saints dans la mesure où ils furent serviteurs de Dieu et ils sont honorés ou du moins ont des titres à des honneurs religieux dans la mesure où ils sont saints. On comprend dès lors que le culte rendu à ces serviteurs de Dieu prenne le nom de SouWa ou dulie. Quant à V hyperdulie, saint Bonaventure en légitime la dénomination dans ces termes : Beatissima Virgo Maria pura creatura est, et ideo ad honorem et cullum latrix non ascendit. Sed quoniam excellentissimum nomen habet, it’a quod excellenlius pur se creatura : convenire non potest, ideo non tantum debetur ei honor dulise, sed HVPERDUU.E. Hoc auteni nomen est, quod virgo existens, Dei mater est. Quod quideni ita tantse dignitatis est, quod non solum viatores sed et comprehensores, non solum homines verum etiam angeli eam revereantur quadam prserogaliva speciali. Ex hoc enim quod Dei mater est, prælata est ceteris creaturis et eam præ ecteris docens est honorare et venerari. Hic autem honor consuevit a magistris hyperdulia vocari et accipitur verbum illud de glossa super 1 Regum, ubi dicitur « dulia major » , et « dulia minor » . In IV Sent., 1. III, dist. IX, a. 1, q. iii, Quaracchi, 1887, t. iii, p. 30f>.

3. La salutation angélique, ainsi que l’observe le commentaire qu’en a fait l’ange de l’École, marque la triple prééminence qui légitime le culte d’hyperdulie, même de la part d’un esprit céleste : « prééminence dans la plénitude de la grâce : Je vous salue, la pleine de grâce, lui dit-il. Prééminence dans la familiarité avec Dieu : le Seigneur est avec vous ; tellement avec vous que vous allez être sa mère, et par conséquent, reine et souveraine ; prééminence en pureté : car la Vierge ne fut pas seulement pure en elle-même, mais elle répandit la pureté dans les autres. » Expositio super salutat. angel., l’arme, 1864, t. xvi, p. 133. Certains auteurs paraissent souvent trouver la raison unique du culte d’hyperdulie dans la seule sainteté suréminente de Marie. Cette sainteté est, en effet, un2 raison du culte spécial accordé à Marie et la raison essentielle du culte absolu qui lui es ! rendu, maison ne peut la disjoindre de la maternité divine, fonction miraculeuse qui donne a Marie une dignité hors de pair. On vénère donc en elle non pas la sainte seule, non pas la mère de Dieu

seule, mais la sainte et la rnère. D’autres auteurs, ne considérant en Marie que la rnère. y voyaient une raison de culte relatif de latrie qui devrait lui être accorda. In effet, de même que nous adorons la croix d’un culte de latrie, non parce qu’elle a une valeur intrinsèque, mais à cause du rapport qu’elle soutient avec Notre-Seigneur mis à mort sur elle, à plus forte raison devrions-nous adorer d’un culte de latrie Marie en qui Notre-Seigneur fut porté et de qui il reçut la vie. Cette doctrine est erronée, parce que, lorsqu’un objet de culte est vénérable simultanément pour sa valeur intrinsèque et pour une relation extérieure, c’est la valeur intrinsèque qui doit déterminer la nature du culte qui lui est accordé : en effet, ce serait ravaler un saint que d’omettre sa valeur personnelle pour ne le vénérer qu’à cause d’un être étranger avec lequel il a eu quelque relation.

4. Le R. P. Terrien, en confirmation de cette doctrine, signale une décision du Saint-Office qu’il ne connaît que de la manière suivante : « Il m’est tombé jadis entre les mains un exemplaire du traité de l’Incarnation, formant le t. x du Cours de théologie des carmes de Salamanque : traité imprimé à Cologne en 1691… L’auteur après avoir démontré que les reliques des saints, considérées comme telles, doivent être honorées du même culte que les personnes auxquelles les reliques appartiennent, poursuit en ces termes, tr. XXI. dist. XXXVIII, dub. i, § 2, n. 6, p. 933 : « Mais si on « les regarde « un autre point de vue, il ne répugne « nullement qu’on leur rende un culte supérieur à celui « qui est dû aux personnes elles-mêmes. » Et pourquoi ? Quia fieri optime potest illud quod est alicujus sancti reliquia, esse miraculosum Dei opus in qua ipse specialissime splendeat et honorari possit. Et tune reliquia, licet quatenus pertinet ad sanctum adoretur solum dulia, tamen quatenus est miraculosum Dei opus, et Muni subinde specialiter représentât, adorari potest latria… Donc des reliques personnelles, le cœur de sainte Thérèse par exemple (l’auteur cite encore les membres stigmatisés de saint François et le cœur de saint Nicolas), envisagées à raison des phénomènes miraculeux qu’elles présentent, comme une vive image de la toute-puissance, peuvent être adorées en même temps que Dieu, simul cum ipso Deo, d’un culte de latrie. Or, dans l’exemplaire ci-dessus mentionné, toute cette citation est enveloppée d’un gros et grand trait, et toutes les lignes sont effacées de telle manière pourtant qu’elles restent parfaitement lisibles. Et la même main qui a fait le trait et les ratures a écrit en marge : Todo este que esta sigilado esta mandado borrar y quitar por et Santo Oficio ; « tout ce qui est « marqué a’été barré et effacé par ordre du Saint-Offic< i Et de fait la thèse a disparu des nouvelles éditions. » J.-B. Terrien, La mère de Dieu et la mère des hommes d’après les Pères et la tliéologie, IIe part., 1. IX, c. ii, Paris, s. d., t. ii, p. 197, en note.

5. La dénomination de « culte de latrie » réservée à l’adoration de Dieu se trouve déjà dans l’Ancien Testament où le culte dû à Dieu seul est appelé par les Septante Xocrpsîa, Deut., VI, 3 sq. ; on la rencontre dans le Nouveau Testament plusieurs fois, par exemple, Matth., iv, 10 ; Joa., xvi, 2 ; Rom., i, 9 ; les Pères grecs l’emploient souvent. Cf. Suicer, Thésaurus ecclesiasticus, v° AoltçiIol, Amsterdam, 1728, t. ii, col. 215218. Cependant la signification précise et exclusive du mot).axp£ta pour représenter le culte de Dieu, comme du nuit SouXesa, pour indiquer le culte subordonne des saints, n’est pas immédiatement fixée ; l’Écriture par exemple, Lev., xxiii, 7, 8, 21 ; Xum., xxviii. 18, appelle k’pyov Xor-pEuxàv l’œuvre servile prohibée le jour du sabbat, et le Deutéronome, xxviii, 48, prescrit : Xarps-ja-Eiç toT ; È/Opoî ; <to-j, tu serviras tes ennemis. Par contre, le mot àou/.s-jetv est employé plus d’une l’ois pour exprimer le culte dû et donné à Dieu ou au Seigneur