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CROYANCE - CRYPTO-CALVINISTES


grande que possible, nous devons nous contenler de celle qu’il nous donne, et qui est en harmonie avec le genre de certitude que nous avons dans d’autres ordres de vérités. Il ne faut pus, dit-il, partir de cetle supposition a priori : « la force des preuves doit augmenter avec l’importance de la chose à prouver. » Ce principe est faux. De même que les opérations de l’arithmétique restent les mêmes, indépendamment de la nature des choses à additionner, que ce soient des grains de sable ou des montagnes : de même les lois générales de la croyance restent les mêmes, indépendamment de la nature des objets à croire. L’importance d’un objet n’a d’autre effet que d’augmenter, pour la volonté libre, l’obligation de bien diriger l’intelligence et de la délivrer des doutes déraisonnables, avec un sentiment plus vif de sa responsabilité. Gladstone ajoute : en matière religieuse surtout, l’évidence parfaite, celle qui enlèverait la liberté de douter, conviendrait moins qu’une manifestation inférieure de la vérité, laissant à la bonne volonté quelque chose à faire, et permettant d’honorer la parole divine avec plus de mérite. « Celui qui nous offre les raisons de croire, dit à son tour Newman, c’est un Dieu qui nous aime. Il veut sans doute que nous les discutions du meilleur de notre esprit, mais, en faisant cela, que nous ne cessions pas de l’aimer… En ne nous accordant qu’une évidence incomplète, il éprouve l’amour que nous portons à ce qui en est l’objet. Peut-être encore c’est une loi de sa providence, de parler moins fort à proportion qu’il promet davantage. » N’est-ce pas une loi de la connaissance humaine, que les procédés les plus indubitables et les plus reposants pour notre esprit inquiet, portent sur des objets moins grands et moins élevés, et que l’on perd en évidence ce que l’on gagne en étendue et en dignité de l’objet ? « De tous nos sens, celui qui offre le plus haut degré de garantie, est celui du toucher ; mais c’est aussi le plus étroitement limité, on peut dire qu’il ne dépasse guère une longueur de bras ; » tandis que le sens de la vue, plus accessible au doute, va saisir les astres du ciel à une distance extraordinaire. Notre raison, elle, s’étend au delà même des astres, « au delà du domaiue des sens et des frontières du temps présent ; mais aussi procèdet-elle par voie de détours et d’approches indirectes. » Ses abstractions ne la satisfont pas elle-même, quand elle les compare à l’intuition ; « elles se dessinent en traits pâles et mourants, comme des objets que l’on aperçoit sur un horizon lointain. » Dans son propre domaine, elle saisit plus indubitablement la quantité abstraite avec ses déductions mathématiques, que la réalité riche et vivante, le visible que l’invisible, le fini que l’infini ; aussi donne-t-elle occasion à bien des gens de se désintéresser lâchement de tous les nobles problèmes. Enfin, les plus belles inventions du génie n’ont pas été obtenues par les procédés les plus rassurants pour la raison ordinaire, et que l’analyse peut justifier, <c mais par des voies si mystérieuses et si cachées, dans la complication infinie des pensées qui y tracent leur sillage, que la masse des hommes sont obligés de les accepter de confiance, jusqu’à ce que l’événement ou toute autre preuve définitivement acquise vienne leur donner raison. » Dès lors rien de plus naturel que la vérité divine exige, pour être atteinte, une méthode indirecte, moins tangible, moins à la portée de l’analyse, au risque de « servir de cible aux objections et aux railleries des sophistes. » Universily Sermons, serm. xi, n. 23, 24.

On trouverait encore dispersés, dans une foule d’ouvrages, bien des aperçus intéressants sur la croyance. Notre ambition ne pouvait pas être de tout recueillir ici, mais seulement de débrouiller une matière naturellement vague et confuse, et d’indiquer les grandes

lignes où tant d’autres riches matériaux pourraient solidement s’encadrer.

i. Théologiens et philosophes scolasi scolastiques. — S. Thoni is, Sum. theol. cum convn Cajetani, Padoue, 1698 ; Pic de la Mirandole, Opéra omnia, Vi aise, 1519, Apologia qusestionum, q. viii, De libertate credendi : Vega, Tridentini deen t< de iu liflcatioie ex defensio, Venise, 1048 ; lia nez, Scholastica commentaria in

II //’, Douai, 1615 ; Suarez, Opéra omnia, Paris, 1858, t. xii,

De flde ; Vasquez, Opéra omnia, Paris, 1905, t. i ; Lugo, Opéra omnia, Montauban, 1869, 1. 1 ; Vsambert, hisput. in il II-, Paris, 1648 ; Haunold, Theologia speculativa, Ingolstadt, 1670 ; De Benedictis, Philosophia peripaletica, Venise, 1723, t. i : Mayr, Theologia scholastica, Ingolstadt, 1732, t. i ; Philos peripaletica, Ingolstadt, 1739, t. i ; Franzelin, Tracta vina tradilione et Scriptura, 2- édit., Rome, 187û ; T. Pesch, Institutiones logicales, Fribourg-en-Brisgau, 1888 ; Didiot, Logique surnaturelle objective, Paris, 1892 : Maber, Psychology, Londres, 1890 ; Frick, Logica, 2e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896 ; Christian Pesch, Prælectiones dogmaticx, Fribourg-en-Brisgau, 1898, t. viii ; Bainvel, La foi et l’acte de foi, Paris, 1898 ; Billot, De virtutibus in/usis, Rome, 1901 ; Wilmers, De flde divina, Ratisbonne, 1902.

II. Philosophie moderne.

Descartes, OCuvres philosophiques, Paris, 1835 ; Pascal, Pensées, édit. BrtmschwicgtXes grands écrivains de la France), Paris, 1904 ; Bossuet, De la connaissance de Dieu et de soi-même, dans Œuvres complètes, édit. Lâchât, Paris, 1864, t. xxiii ; Leibniz, Œuvres philosophiques, édit. Janet, Paris, 1866, t. I, Nouveaux essais sur l’entendement humain ; Kant, Critique de la raison pure, nouv. trad. franc. Paris, 1905, De l’opinion, de la science et de la foi, p. 634 sq. Cf. Sànger, liants Lehre vom Glauben, Leipzig, 1903.

C’est surtout l’Angleterre qui développe l’étude philosophique de la croyance, au xixe siècle. Sans parler de Hume, ni de l’École écossaise, nous citerons Hamilton, Lectures on Metaphysics and Logic, Londres, 1866, t. iv ; Bain, Emotions and Witt, trad. franc., 1885 : Gladstone, Studies subsidiary to Die of Butler, Oxford, 1896 ; mais surtout Newman. Grammar of assent, édit. Longmans, Londres, 1892 ; trad. franc., Grainmaire de l’assentiment, Paris, 1907. Cf. Brémond, Newman, psychologie de la foi, Paris, 1905 ; Saleilles, Newman, la foi et la raison, six discours empruntés aux discours un sitaires d’Oxford, Paris, 1905 ; Baudin, La philosophie de la foi chez Newman, 1907 ; W. G. YVard, dans les articles ci’la Dublin Revieiv ; Balfour, Les bases de la croyance, u - ad. franc, avec préface de F. Brunetière, Paris, 1897 ; Encyclo, britannique, 9 édit., art. Belief.

En France, ce n’est que vers la fin du xix’siècle que l’on aborde avec ampleur l’étude philosophique de la ci L. Ollé-Laprune, De la certitude morale, Paris, 1880 ; Maurice Blondel, Léon Ollé-Laprune, Paris, 1899 ; Élie Rabier, Leçons de philosophie, 3’édit., 1888, t. i, Psychologie ; J. Payot, De la croyance, dans la Bibliothèque de philosophie Contemporaine, Paris, 1896 ; Paul Janet, Principes de mitapliysique et de psychologie, Paris, 1897, t. i, p. 68 sq. ; t. H, p. 467 sq. : L. Roure, Doctrines et problèmes, Paris. 1900, p. 268 sq., Le problème de la foi citez M. Paul Janet : F. Brunetière, Discours de combat, 1° série, Paris, 1900, p. 295 sq., Le besoin de croire ; A.. Bazaillas, La crise de la croyance dans la philosophie contemporaine, Paris, 1901 ; C. Bos. Psychologie de la croyance, dans la Bibliothèque de jmilosophie contemporaine, Paris, 1902 ; Th. Ribot, La logique des sentiments, dans la même Bibliothèque, Paris, 1905 ; Vocabulaire technique et critique de philosophie, publié par le Bulletin de la Société /ni"" çaise de philosophie, en cours de publication, art. Croyance.

S. IIarent.

    1. CRYPTO-CALVINISTES ou PHILIPPISTES##


CRYPTO-CALVINISTES ou PHILIPPISTES. -Appellation donnée aux réformés allemands, partisans de la doctrine mitigée de Philippe Mélanchthon. Toute sa vie, ce collaborateur de Luther s’était efforcé de concilier les partis extrêmes ; déjà en 1530, afin de rapprocher catholiques et luthériens, il se signala dans la Confession d’Augsbourg par plusieurs compromissions ; ainsi il professait sa foi à la présence réelle de Christ dans le sacrement de l’autel, mais il rejetait la transsubstantiation, et le caractère de sacrifice propre à la messe, qu’il déclare trop longue et qu’il faudrait abandonner. Après avoir essayé d’abord de se rapprocher des catholiques, il s’efforça ensuite de s’accommoder avec les sacra. mentaires. Dans ce but, il apporta à l’édition de 1540