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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)

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l’Église byzantine. D’abord, deux conciles furent réunis en janvier 1 JÔG et en mai 1157 contre Sotérichos Panteugène, patriarche nommé d’Antioche, et contre ses partisans, iiui soutenaient que le saint sacrifice n’était pas offert au Verbe, mais seulement au Père et au Saint-Esprit, P. G., t. cxl, col. 137-202 ; puis, un autre concile fut convoqué le 2 mars 1166 et se tint jusqu’au 14 avril de la même année pour expliquer le texte évangélique : « Le Père est plus grand que moi. » P. G., t. cxi., col. 202-282, Beaucoup d’évêques n’avaient signé les décisions conciliaires que sur les instances du patriarche, l’homme-lige de l’empereur. A peine Luc Chrysobergès était-il descendu dans la tombe, que le métropolite de Corfou, Constantin, jetant le masque, traita ouvertement le défunt d’hérétique. Manuel Comnène convoqua d’urgence le synode pour examiner le cas ; l’assemblée se réunit le vendredi, 30 janvier 1170, sous le patriarche Michel III d’Anchialos, et fut aussi imposante que celles de 11C6. Une seconde réunion eut lieu le 20 février 1170, dans laquelle l’anathème solennel fut lancé contre Constantin. Deux jours auparavant, le 18 février, on s’était occupé d’Irénicos, le moine compromis dans d’autres questions de doctrine et, comme l’accusé donna certaines marques de repentir, on remit à plus tard sa condamnation. Les documents manquent pour indiquer comment se termina cette grave affaire ; elle occupait encore les esprits au siècle suivant, sous le patriarcat de Michel IV Autorianos (12071213), lors de l’empire grec de Nicée. D’autres synodes particuliers eurent lieu sous le patriarcat de Luc et un grand nombre de prescriptions canoniques furent mises à jour, qui ne sauraient trouver place ici. Sur les conciles de 1166 et de 1170, voir l’article documenté du P. Petit, Documents ijiédits sur le concile de 1166 et ses derniers adversaires, dans le Vizant. Vremennik, I901, t. xi, p. 465-493.

Nous avons vu qu’en 1136 Anselme de Havelberg s’était rendu à Constantinople en qualité d’ambassadeur allemand. En 1155, ce fut le pape Adrien IV qui l’envoyait auprès de Manuel Comnène. Comme l’archevêque de Thessalonique, Basile d’Ochrida, exerçait alors une influence prépondérante dans son Église, Anselme lui remit de la part du pape une lettre, à laquelle Basile répondit d’une manière fort courtoise, mais où, sous la politesse de la forme, perce sans cesse la subtilité du byzantin. Pour être édifié sur les vrais sentiments de ce métropolite, il faut lire la conférence qu’il eut avec Anselme, au mois d’avril 1155, et qui a été récemment éditée. J. Schmidt, Des Basilius aus Aclirida Erzbischofs von Thessalonich bisher unedierte Dialoge, Munich, 1901, surtout, p. 25-33, pour la véritable attribution. Dans sa lettre au pape, Basile demande qu’on laisse de côté le Filioque et les azymes et qu’on fasse ressortir de préférence les points dogmatiques sur lesquels l’accord régnait. Le successeur de Luc Chrysobergès, Michel III d’Anchialos, 1170-1177, était un ennemi juré des Latins, qui s’opposa par tous les moyens à l’union des deux Églises. Allatius, op. cit., col. 526. Par un souhait sacrilège, qui trouva plus tard des imitateurs, il préférait l’avènement des Turcs à l’entente avec les Latins. Op. cit., col. 555-559. On ne s’étonnera pas dès lors que, lorsque des paroles si graves tombaient de si haut, la haine de la foule pour les Occidentaux ne connut plus de bornes et qu’elle procéda au terrible massacre de 1182, dans lequel même le légat du pape était assassiné.

Ce fait, gros de conséquences, arriva après la mort de Manuel Comnène (1180), qui ne l’aurait jamais permis. Et la disparition de cet homme de guerre, qui fut aussi un habile diplomate, modifia du tout au tout les rapports de l’Orient et de l’Occident. Jusque-là, les trois premiers Comnènes avaient ouvert bénévolement leur empire au trop-plein de l’expansion occidentale, détour nant ainsi les Francs de se frayer une voie par la violence. Le meurtre des Latins en 1182 et les actes d’hostilité contre le latinisme qui se produisirent à la suite brisèrent cette union et favorisèrent le plan qu’avaient déjà rêvé les princes occidentaux : la conquête de Byzance. En 1190, Barberousse songeait à s’emparer de Constantinople, parce que Isaac l’Ange lui refusait le passage en Asie. Son (ils, Henri VI, pensait de même à se tourner contre Byzance, une fois que son mariage avec la fille du dernier roi normand l’eût rendu héritier du royaume de Sicile (1194). Le pape Célestin III, qui ne voulait à aucun prix que l’univers chrétien tombât entre les mains de l’empereur allemand, l’arrêta net dans ses projets de conquête et la mort, septembre 1197, ne tarda pas à surprendre le hardi potentat.

En 1198, le basileus Alexis III, qui avait détrôné son frère trois ans auparavant, offrait son alliance au pape Innocent III contre l’empereur allemand. Le pape voulut bien accéder à ce projet, mais à la condition que le basileus proclamerait l’union dans ses Étals et expédierait une flotte au secours des croisés de Palestine. Au cas contraire, Innocent III le menaçait de soutenir Isaac l’Ange, l’empereur détrôné, et d’encourager le gendre de celui-ci, Philippe de Souabe, dans l’expédition qu’il tenterait contre Byzance. Vaine menace, qu’on ne prit pas au sérieux, car le pape ne songeait aucunement à fortifier la puissance de Philippe de Souabe. Sans travailler en rien à diminuer l’aversion que son clergé et son peuple nourrissaient contre les Latins, Alexis III promit au pape, février 1199, d’envoyer une députation au concile qu’il projetait de réunir. Et lorsque Innocent III entra dans ses vues, 13 novembre 1199, en invitant le patriarche de Constantinople à un concile général, l’empereur réclama qu’il se tint en terre byzantine, tout en insinuant, du reste, que le pouvoir impérial était au-dessus du pouvoir spirituel. A quoi le pape répondit que le second surpassait le premier, comme le soleil surpasse la lune. Les négociations n’aboutirent pas, mais par des menaces ou des promesses, le basileus avait réussi à détourner le danger d’une croisade qui le menaçait. Au printemps de l’année 1201, le péril devint plus grave. Son neveu Alexis, qu’il tenait emprisonné avec son père Isaac, parvint à s’évader et à se réfugier auprès du pape. Le fugitif promit à Innocent III de faire l’union des deux Églises, s’il le soutenait dans ses prétentions. Le pape refusa. L’empereur allemand, beau-frère du jeune Alexis, ne fui pas du même avis, et il s’entendit avec Boniface de Montferrat, le chef de la croisade projetée, pour rétablir sur le trône de son père le jeune prince. Le projet fut communiqué à Innocent III, printemps 1202, qui le condamna. L’ne ambassade des chefs croisés auprès de lui ne fut pas mieux accueillie ; il se prononça, ainsi qu’il l’écrit lui-même à Alexis III, le 16 novembre 1202, pour l’usurpateur contre le prétendant. Puis, au printemps de l’année suivante, il défendit aux croisés d’attaquer l’empire byzantin. Et cela, non par sympathie pour Alexis III, puisque jamais empereur ne se montra moins favorable que lui à une entente raisonnable avec Borne, mais parce qu’il ne voulait pas que le sang chrétien fût versé pour une cause aussi misérable et qu’il se refusait à agrandir la puissance de Philippe de Souabe, son ennemi personnel.

Malgré les défenses formelles du pape, la quatrième croisade fit voile pour Constantinople. Après un s de quatorze jours, Alexis III s’enfuit, son frère, Isaac l’Ange, fut délivré de prison le 18 juillet 1203, et son neveu couronné le 1° août 1203 sous le nom d’Alexis IV. Les croisés qui avaient provoqué son avènement, écrivirent au pape, le 28 août, pour se justifier et implore, leur pardon, pendant qu’Alexis IV s’engageait à opérer l’union des deux Eglises, dès que naîtrait une occasion