Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 3.2.djvu/546

Cette page n’a pas encore été corrigée
2359
2360
CROIX (ADORATION DE LA


pas un culte d’adoration ou de latrie proprement dit. On ne peut lui donner ces noms que par analogir el très improprement. Imaginibus C/irisli mm debetur lai ria vere et simplicité) ; sed cul tus sine comparalionc inferior, qui lamen reducitur ad lalriam ut imperfeclum ad perfectum. De Eclesia Iriumphanle, 1. II, c. xxv, p. 218. Plus loin, Bellarmin applique sa théorie à la vraie croix : Ex his Ziabemus eliam quid s’il dicendum de vera cruce Domini, de clavis, spinis, aliisque reliquiis. Sioil enitn lisec omnia honoranda minori cultu quam Christus… sed tamen tali qui aiialugice et reduclive perlineat ad specicm cullus quo Christus colitur. lbid. La théorie de Bellarmin, reprise en partie par Franzelin et par Jungmann, trouvera son exposition complète et sa critique détaillée à propos du culte des images.

3. Pour ce qui regarde le culte de la croix, notons que le désaccord pourrait bien être simplement dans les mots et dans la manière de s’exprimer, plutôt que dans la doctrine elle-même. Jungmann l’avoue : Qusestio ftxcpotius vevbæt modum loquendi spectat quam ipsam rem. De Verbo incarnalo, n. 397, Ratisbonne, 1897, p. 348. Même, quand Bellarmin déclare, par exemple, qu’il y a une distance incommensurable entre le culte du Christ et celui de sa croix, cullus sine comparatione inferior, peut-être n’a-t-il voulu marquer rien autre chose que la différence entre le culte absolu de la personne divine et le culte relatif de la croix. A ce point de vue, les deux cultes sont irréductibles, et la dissension dont nous avons parlé s’évanouit.

Au surplus, remarquons qu’il ne s’agit pas, dans cette controverse, si controverse il y a, des actes du culte extérieur, sur lesquels tout le monde est d’accord, même dans l’expression. Mais il s’agit, en fait, des actes du culte intérieur. La question est de savoir si un même acte de culte intérieur atteint tout à la fois la croix et le Sauveur crucilié, ou si, dans l’analyse de l’acte d’adoration de la croix, il faut distinguer un acte d’adoration relative imparfaite, secundum quid, qui s’adresse à la croix, et un autre acte d’adoration parfaite, absolue, qui atteint le divin Sauveur.

Or, différents cas de psychologie cultuelle peuvent se présenter : a) Ou bien la croix est simplement le signe qui éveille en nous la pensée du crucifié : à l’occasion de la croix et en sa présence, nous rendons nos hommages au Sauveur crucifié. Dans ce cas, il n’y a aucun culte même relatif rendu à la croix elle-même, mais un culte absolu du Sauveur immolé. — b) Ou bien la croix est, pour notre esprit, l’image sensible qui lui représente actuellement le divin crucifié. Alors, substituant, dans nos hommages extérieurs, l’image à son original, nous nous inclinons devant elle et lui témoignons nos sentiments de vénération. Dans ce cas, il peut se présenter que l’esprit considère directement le crucifié, en union pour ainsi dire avec la croix, sur laquelle et en laquelle il nous est représenté. C’est ce que fait l’Église, à la fonction du vendredi-saint, quand adorant la croix, elle s’écrie :

crux, ave, spes unica,

Hoc passionis tempore,

Auge piis justitiam

Reisque dona veniam.

Tout le monde en convient, même Franzelin ; dans ces conditions, un seul et même acte d’adoration atteint directement le divin crucilié, et la croix, par rapporl à lui et à cause de lui. Mais il peut aussi se faire que l’esprit s’arrête directement à la croix, pour des motifs diversement sacrés, et qu’il ne se porte qu’indirectement au divin crucifié. C’est le cas le plus ordinaire, dit Jungmann. Alors, prétend-il, un acte de culte inférieur s’adresse immédiatement à la croix, un autre

acte de culte supérieur et parfait atteint indirectement le Sauveur. Que le cas ainsi décrit soit plus fréquent que le précédent dans la piété chrétienne, il peut être permis d’en douter. Qu’alors il y ait deux actes et deux cultes différents, d’aucuns en doutent au~si. Peut-être peut-on soutenir que si, dans le premier cas, notre pensée et notre intention descendent du crucilié à la croix, ici la pensée et l’intention montent de la croix au crucilié. Mais, dans un cas comme dans l’autre, quand la lumière de pensée et la direction d’intention ont fait leur œuvre, un même acte de culte incline et soumet la volonté devant la suprématie souveraine du Christ représenté par et dans sa croix. Ce culte unique est absolu, en tant qu’il atteint le Seigneur, relatif, en tant qu’il touche la croix.

4. Quoi qu’il en soit, au point de vue doctrinal, il importe surtout de retenir que, dans l’adoration de la croix, il s’agit d’un culte essentiellement relatif en ce qui regarde la croix elle-même, mais vraiment absolu en ce qui concerne le Christ représenté ou entrevu sur la croix.

3° Le culte rendu à la croix est-il et peut-il être appelé un culte de latrie relatif, respectif ? — Saint Thomas, nous l’avons vii, et à sa suite les scolastiques, l’affirment expressément : utroque modo adoratur (crux vera) eadem adoralione cam Ghristo, scilicet adoralionc lalrise. Sum. theol., III a, q. xxv, a. 4. Saint Thomas et les scolastiques connaissaient-ils le canon du concile de Nicée ? Il se peut que non. Toujours est-il que le concile de Nicée déclare nettement qu’on peut baiser la croix, qu’on peut lui rendre une adoration d’honneur, honorariam adorationem. Mais il dit aussi qu’on ne peut rendre à la croix un véritable culte de latrie, qui appartient à la seule nature divine : non lamen ad veram latriam, quse secundum fuient est, queeque solam divinam naturam decet. Denzinger. n. 244. Le concile établit donc une distinction entre la TrpoCTxJvriTi ; ou l’adoration qui est permise à l’égard de la croix et la ÀxTssia qui ne doit être rendue qu’à Dieu seul. Voir Adoration, t. î, col. 135. A la question posée, il devient ainsi facile de répondre : il suffit simplement de fixer le sens précis attaché au mot latrie.

— a) Si l’on admet que le mot Xatpet’a désigne exclusivement le culte absolu et suprême rendu au souverain maître de toutes choses, il est clair que le culte de la croix ne saurait être appelé un culte de latrie. Tel est le sens accepté par le concile de Nicée : Veram latriam. .. quse solam divinam naturam decet. — b) Si l’on admet que le mot ÀscTpeiapeut désigner et le culte absolu rendu à Dieu, et le culte relatif accordé à ses images à cause de lui et pour lui, l’on pourra conclure que le culte de la croix est un culte respectif de latrie. C’est la pensée évidente de saint Thomas, qui ne contredit pas en cela la doctrine du concile de Nicée. — c) Si, comme il convient, l’on tient compte de l’us et de la tradition qui se sont maintenus jusqu’ici et qui sont la grande loi du langage théologique, il y aura lieu de s’abstenir des expressions, latrie respective, latrie relative. Car, par le fait, le mot latrie n’est pas communément employé, sauf par quelques théologiens, pour signifier un autre culte que l’hommage suprême et absolu que nous rendons à la divinité. — d) Aussi Bossuet écrit-il : « Saint Thomas attribue à la croix le culte de latrie, qui est le culte suprême, mais il s’explique en disant que c’est une latrie respective, qui dés là en elle-même n’est plus suprême, et ne le devient que parce qu’elle se rapporte à Jésus-Christ. Le fondement de ce saint docteur, c’est que le mouvement qui porte à l’image est le même que celui qui porte à l’original, el qu’on unit ensemble l’un à l’autre. Qui peut blâmer ce sens ? Personne, sans doute. Si l’expression déplait. il n’y a qu’à la laisser là, comme a fait le Père Petau. Car l’Église n’a pas adopté cette expression