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CREDIBILITE

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Salmanlicenses, >. C. (1631-1679). — Ils résument et critiquent, au point de vue de la tradition thomiste, la plupart des théories citées de la crédibilité. Personnellement, ils tiennent que l’évidence de l’attestation peut se concilier avec la foi ; à plus forte raison, l’évidence de la crédibilité. De fide, disp. III, dub. i, §2sq., p, 188, 205. Une thèse très complète sur cette question : Utruni Deo repugnel facere miræula quibus confirmetur falsa doctrina, constitue un apport original. <Mi y établit le mécanisme de la confirmation de la foi par les signes avec une très grande netteté. La solution est « l’ailleurs affirmative dans le cas où il s’agit d’un vrai miracle, reconnu comme tel, avec tous les adjuncla qui en font un signe divin. De fide, disp. II, dub. III, p. 12$1-$239, Cursus t/œologicus, Paris, 1879, t. X !.

Pascal († 1662). — Bien que n’appartenant pas à la lignée scolastique, Pascal veut être cité à son rang dans cet historique. Sa théologie de la foi est fortement teintée d’augustinianisme et elle a exercé une influence sur les scolastiques apologistes. Pascal insiste surtout sur la préparation morale et religieuse à la foi. C’est là son œuvre spécifique. Mais il admet aussi l’intervention de la raison : « Il est juste qu’elle se soumette quand elle juge qu’elle doit se soumettre » . Pensées, édit. Havet, a. 13, n. 2. On connaît les quatre moments de son apologétique : montrer que la religion n’est point contraire à la raison ; ensuite qu’elle est vénérable, en donner respect ; la rendre ensuite aimable, faire souhaiter aux bons qu’elle fût vraie ; et puis montrer qu’elle est vraie. Ibid., a. 24, n. 26. Ce quatrième point est représenté chez lui par l’argument de la réalisation des prophéties, a. 18, des miracles, a. 23, de l’établissement de l’Église, a. 18, n. 12, de la personne et de la doctrine de Jésus-Christ, a. 17. Il faudrait ici tout citer, tant est puissant le relief des preuves et la force de conviction qu’il sait leur donner.

A noter comme caractéristique ce passage : « Les prophètes, les miracles mêmes et les preuves de notre religion, ne sont pas de telle nature qu’on puisse dire qu’ils sont absolument convaincants..Mais ils le sont aussi de telle sorte qu’on ne peut dire que ce soit être sans raison que de les croire, » a. 24-, n. 18. C’est, dans la langue de Pascal, la thèse de la relativité en soi des motifs de crédibilité, influencée peul-ètre par des idées jansénistes sur la prédestination. Ainsi il y a de l’évidence et de l’obscurité, pour éclairer les uns et obscurcir les autres. Ibid.

Mentionnons ici dans la Logique de l’ori-Royal, Paris, 1632, d’Antoine Arnauld et de Nicole, le c. xii de la IVe partie, qui offre celle originalité que la notion de la crédibilité rationnelle et sa nécessité y sont incorporées à la Logique. Dans les deux chapitres suivants, au même titre, sont édictées des règles pour bien conduire sa raison dans la croyance des événements qui dépendent de la foi humaine. Suit leur application à la croyance des miracles.

Bossuet († 1704). — A citer le passage de la Conférence avec M. Claude, Œuvres complètes, Paris, 1863, p. 545-548, où Bossuet regarde les motifs de crédibilité comme suggérés aux fidèles par le Saint-Esprit lui-même, et le rôle précis qu’il leur attribue et qui est non pas d’établir la foi à l’Église universelle, foi reçue au baptême et contenue dans le symbole, mais de reconnaître si l’Église dans laquelle on est né est la véritable. Cette limitation d’objet vient de l’erreur que l’auteur a pour but de combattre, le libre examen. Bossuet a d’ailleurs mis en valeur la force probante pour tous de plusieurs motifs de crédibilité, prophétie et victoire de l’Église, en particulier dans le Discours sur l’histoire universelle, c. xxx sq. Voir Bossuet, t. ii, col. 1060 ; CLAUDE, t. iii, col. 10.

IV PÉRIODE. 11X W XVII » , XVIII* BT X/JS* SIÈCLES. — l’œuvre des Salmantieenses a le caractère d’un inven taire de tout le mouvement théologique antérieur. L principaux points de vue ont été explorés et fixés. Désormais les théologiens scolastiques seront plutôt ! disciples des maîtres précédents.

Frassen, O. M. (1680), a clarifié et mis dans un ordre méthodique les doctrines de Scot, en les rapprochant des doctrines communes. Cf. son traité De virtuti theol., disp. I, a. 1, q. n. et surtout q. VI, concl. 2 a, où il introduit dans la synthèse de Scot la doctrine commune de la crédibilité. Frassen, Scolus acadeniicus, Rome, 1901, t. vin.

Gonet, O. P. († 1681), donne un résumé de la doctrine de saint Thomas dans son CUjpeus, tr. X, De virtutibus theol., disp. I, a. 7, 8, où. contre h.m de Saint-Thomas, il lient pour la conciliation avec la foi, de la preuve évidente de la véracité divine du témoin ; dans une Digressio ulilis et jucunda on rencontre une originale mise en œuvre des principaux motifs de crédibilité. Clypeus theol. thomislicse, Lyon, 1681, t. îv. p. 237.

Leibniz (f ! 716). — Il trouve inélégante l’expression : motiva credibilitatis, Annotatiunculæ subilanese ad Tolandi librum, Opéra, t. v, p. 144, ce qui ne l’empêche pas de l’utiliser couramment et d’en donner une notion très étudiée. Il désavoue cette interprétation des Pensées de Pascal : « Croire tout ce que l’on nous enseigne sans exception, parce que, s’il n’est rien de ce que nous croyons, il ne nous arrivera aucun mal de nous être ainsi trompés, mais si ce que l’on nous enseigne est effectivement comme on nous le dit, nous courons grand risque ; » car, dit-il, il ne s’agit pas tant ici de la foi que de la pratique. Ce raisonnement ne donne pas proprement une croyance ; mais il oblige d’agir suivant les préceptes de la croyance. Jugement sur les œuvres de Schaftsbury, n. 32, ibid., p. 53. La dissertation, De confoi milate fidei cunt ralione, est consacrée à établir le caractère d’incompréhensibilité des articles de foi et à le distinguer de l’invraisemblance et de la contradiction. En deux endroits cependant la preuve de crédibilité est touchée : Cum /ides, quoad ralioncs, ejus reniaient comprobantes, ab experienlia pendeat horum hominum qui miræula, quibus revelalio innititur, viderunt, n. 1 ; cꝟ. 2. il. Opéra, t.i, p. 65. Bine apud theologos, suo muneri jiarcs, extra aleam oninem positum est, per moliva credibitilalis, coram tribunali ralionis, semel omnino comprobari auctoritatem Scriplurse sacræ. Suit l’exemple classique de l’ambassadeur qui présente sestitres de créance. Ibid., n. 29, p. 85. Aussi, dans les petites annotations au livre de Toland, déjà citées, il se refuse i admettre l’évidence comme critère universel, si l’on ne prend soin de spécifier que l’évidence de l’autorité > est comprise, évidence propre aux motifs de crédibilité’. Opéra, t. v, p. 144. Or, cette autorité, lorsque c’est Dieu, qui sumnia ratio est, qui parle, est celle d’un témoin, lestis, imo judicis, irrefragalilis. Ibid., p. 146. Dans sa lettre n à Spizelius, Leibniz trace les grandes lignes d’une apologétique scientifique. La base est la théodicée naturelle. Elle supposée, aucune religion ne peut soutenir la comparaison, et ainsi compendiosior erit ad oictoriam via. Opéra, t. v. p. 245. Il veut que l’apologétique soit critique pour s’imposer davantage. Epist., ni, ad Huetium, ibid.. p. 457. H la voudrait constituer mathématiquement, par des établissements, c’est-à-dire des thèses achevées et hors de dispute pour gagner du terrain, ce qui est proprement la méthode mathématique. Et il en trace le plan général en conformité avec ses idées sur la logique universelle. Lettre à f. Bumet, Opéra, t. vi, p. 246. Le caractère intellectualiste, logiciste. de la preuve de la crédibilité est poussé ici par Leibniz à l’extrême. Dans le Sustenta tlieologicum, Paris, 1845, p. 8 sq. ; trad. A. de Broglie, Paris. 1846, p. 16 sq.. nous trouvons un ensemble doctrinal mieux équilibré, où sont notées : la