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deux substances, il embarrassait inutilement la définition d’une question hors de propos ; celle de savoir s’il existe de véritables substances dans le monde ; déplus il n’atteignait pus les panthéistes pour qui Dieu est l’aine du monde. Kn renonçant à l’expression substantiel rel essentiel, si le concile se conformait davantage au langage reçu, pour qui essence et substance divine sont même chose, il laissait une écliappatoire aux panthéistes qui distinguaient entre essence et substance. Acta, emend. xxxv, p. 100, 114, 117 ; cf. le rapport du P. Franzelin, p. 1019. Le texte adopté exclut ces interprétations en termes simples et précis : la substance ou l’essence de Dieu et des choses n’est pas una eademque. « Elle n’est pas unique ; par conséquent Dieu et le monde ne forment pas un composé substantiel ; Dieu n’est pas un principe vital qui anime le monde, comme la forme des scolastiques anime la matière. Elle n’est pas la même ; par conséquent sans avoir besoin de savoir si le monde est fait de substances, nous sommes sûrs que sa substance n’est point la substance divine, par conséquent qu’il n’est pas un mode essentiel de Dieu. » Vacant, op. cit., p. 203, 206. — Distinction entre Dieu et toute créature’possible. — Le texte primitif portait, en effet, ab hoc mundo distinctus. Sur la proposition d’un Père, le pronom hoc fut supprimé, cette correction rendant la pensée plus claire encore, quia rem longe clariorem facit. Acta, emend. xvi, p. 99, 107, 109. — Distinction infinie. — C’est la conséquence de ce qui précède et ce qu’exprime § 1, d. Le concile l’enseigne de deux manières, en affirmant la pleine béatitude et la transcendance absolue de Dieu : in se et ex sese beatissimus, ayant tout en soi et de soi, Dieu est à lui-même sa fin et se suffit, à la différence de toute créature, seul à lui-même ; ineffabiliterexcelsus, étant, infini il reste indiciblement au-dessus de toute conception des créatures. De ces deux dogmes de foi le premier, la béatitude absolue de Dieu, contient en germe les vérités que le §2 exposera sur les motifs de la création ; le second, la transcendance de Dieu et son incomprébensibilité par la créature n’a pas autrement à nous occuper ici. Voir Agnosticisme.

Le principe du panthéisme a été formellement condamné par l’affirmation d’une distinction absolue entre Dieu et le monde § 1, c, d, can. 3. Quelques Pères ayant demandé de plus qu’on censurât expressément les formes principales du panlliéisme, la députation de la foi prépara un projet qui fut proposé au concile. Acta, p. 76. Après discussion et légères corrections, Acta, emend. xxxvi-xii, p. 101, 115, le texte actuel fut adopté, p. 117, censurant en un seul canon trois formes de cette doctrine : a) le panthéisme substantiel explique l’origine des choses par l’émanation. Les êtres ne sont que l’écoulement d’une substance unique qui se dégrade progressivement jusqu’aux êtres les plus humbles : tel le panthéisme néoplatonicien, tel celui de quelques sectes gnostiques et des philosophes arabes du xiie et du xiii c siècle. Chez les sectes gnostiques en particulier, il s’est rencontré associé à des conceptions dualistes : l’âme chez les pneumatiques était émanation de Dieu, la matière relevait du principe mauvais. De là l’utilité de la distinction : tum corporeas tunt s]>iriluales, c’est la forme absolue ; aut saltem spirituelles, c’est la forme dualiste. Acta, emend. xxxix, p. 115. — //) Le panthéisme de Schelling est spécialement visé dans b. Il est dit essentiel, parce qu’il affirme l’identité de l’essence de toutes choses. Toutes, il est vrai, se distinguent entre elles, elles se distinguent aussi de l’absolu, mais elles s’identifient dans l’absolu comme dans leur essence commune. Mlles ne sont, en effet, pour le philosophe, que les manifestations diverses d’une essence unique, qui évolue.— c) Le panthéisme de l’être universel, condamné dans c, est celui de Hegel. Rien n’existe que l’idée sans limite aucune au premier

stade, mais qui se limite suivant le processus triadique de la thèse, de l’antithèse et de la synthèse. A tous les termes de son évolution elle appelle son contraire et trouve sa détermination, et donc son être individuel, en s’identiliant avec lui. Nous avons signalé rapidement, col. 2097, l’influence de ces thèses sur la p’em poraine. — Les autres formes de panthéisme, dont il n’est pas fait ici mention, sont atteintes par ce canon, si elles rentrent dans l’une des précédentes ; si elles s’en distinguent, elles sont condamnées par le canon 3°. Ainsi en est-il du panthéisme éléatique : rien n’existe que l’Absolu, unique et immuable ; les changements ne sont que de pures apparences. Ainsi du panthéisme de Fichte. Est condamnée en un mot toute doctrine qui identifie créature et créateur, ou même qui ne maintient pas entre ces deux termes la distinction définie par le concile. Cette erreur seule d’ailleurs est censurée par notre texte, qui n’atteint nullement la part de vérité mêlée aux conceptions les plus hétérodoxes. — L’ontologisme est-il aussi déclaré hérétique’.' M i r Siinor. primat de Hongrie, fit remarquer au concile dans son rapport que le § 1 et le canon 3e Happaient les ontologistes déjà condamnés parle Saint-Oflice, le 4 septembre 1861. Denzinger, Enchiridion, n. 1516-1324. Onlulogistx nempe seque feriendi erant, qui nempe docent quod universa per se considerata non différant ab ipso Deo. Acta, p. 85, 86. On remarquera cependant, Granderath, op. cit., p. 75, que les paroles du concile ne tombent pas de même manière sur le panthéisme et sur l’ontologisme. Malgré les analogies profondes de doctrine, l’ontologisme prétend maintenir la différence entre Dieu et les créatures. Dieu est simple, infini ; les créatures sont contenues en lui lauquam pars in tut, non quidem in loto formali, sed in toto infinilo ; elles sont distinctes de lui, puisque Dieu les produit actu quose intelligil et vult tanquam distinctum acreatura, précisément par l’acte par lequel il voit et veut son être comme distinct de leur être. On peut prouver aux ontologistes qu’ils sont malgré tout obli^ < — de nier ou le^dogme de la simplicité divine, ou celui de la distinction de Dieu et du monde : de ce chef, leur doctrine est théologiquement erronée ; elle n’est pas hérétique, puisqu’elle n’est pas directement atteinte par notre texte. Denzinger, Enchiridion, n. 1736-1776.

La suite des idées dans le sj 2 fut exposée en ces termes par Ma 1, Gasser : « Il traite de la création et cela sous un double rapport : de l’acte de la création et de son effet. Quant à la première partie, elle comporte, elle aussi, deux subdivisions, à savoir exposition de la doctrine catholique sur l’acte créateur d’abord tel qu’il est en lui-même, puis en opposition avec les erreurs de notre temps. A la 1™ subdivision appartiennent S "- <’à la seconde § 2 b. Quant à l’autre partie de ce paragraphe, elle concerne l’effet de la création, à savoir la créature spirituelle et la créature corporelle, i i 2. < Acta, p. 109, 110. A ce paragraphe 2 correspond le canon 5e qui condamne, mais dans un ordre inverse, les erreurs opposées : a) sur l’objet et la nature de la création, b) sur la liberté du créateur, c) sur les raisons et la fin de la création. Les règles de construction latine ayant seules motivé, ce semble, l’ordre adopté dans le ^ 2. nous suivons l’ordre du canon 5*, pour traiter du fait avant ses motifs.

Le fait de la création et la nature de cet acte sont enseignés dans les termes consacrés depuis les premiers siècles, è ; oOx ovtuv, ex niliilo, et par les scolastiques, secunduni totam substantiam. Mais le seul concept vulgaire appartient au dogme : faire de rien. Cette action est-elle immanente ou transitive, question libre pourvu que les solutions proposées respectent les autres articles de foi : liberté, immutabilité, toute-puissance.

L’objet de la création est indiqué can. 5 a, et plus