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CONSTANTINOPLE (ÉGLISE DE)

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Pour n’avoir pas voulu se prêter à cette combinaison schismatique, Basile le Scamandrien dut se retirer et céder le trône patriarcal à un Studite, Antoine III (974980), que les chroniqueurs déclarent « couronne des fleurs des quatre vertus cardinales » . Ce schisme dura dix ans et l’accord ne fut rétabli que par la violencd après la mort du pape Benoit VII, octobre 983, adversaire de F rançon. Celui-ci, qu’on désigne aussi sous le nom de Boniface VII, parvint alors, avec l’appui moral et matériel des Byzantins, à chasser Jean XIV et à le tuer, comme il avait déjà tué Benoît VI, et à redevenir pape une seconde fois. Quant au patriarche Antoine, il avait depuis longtemps donné sa démission (980), et cette démission avait été suivie d’un interrègne de quatre ans et plus, demeuré encore inexplicable. Il est possible que la cour byzantine n’ait consenti à une nomination que le jour où un candidat grec se fût assis sur la chaire de Pierre, en se constituant l’humble créature du basileus. Schlumberger, op. cit., t. i, p. 446454.

Des successeurs d’Antoine III le Studite jusqu’à Michel Cérulaire : Nicolas II Chrysobergès (984-996), Sisinnius II (996-998), Sergius II (998-1019), Eustathe (10191025), Alexis le Studite (1025-1043), on ne sait presque rien de sûr et la chronologie de leurs patriarcats demeure fort incertaine. A en croire les historiens ordinaires, les quatre premiers de ces patriarches auraient repris l’œuvre du schisme au point où l’avait laissée Photius, en vue de la mener à bonne fin : « Le premier, Nicolas Chrysobergès, aurait condamné solennellement à la fois les ennemis d’Ignace et de Photius, afin de calmer les polémiques qui duraient toujours dans l’empire grec, et cette tentative de conciliation constituerait la première atteinte au compromis de 890. Le second, Sisinnius, plus hardi encore et avec des intentions évidemment hostiles à Borne, aurait envoyé de nouveau aux trois autres patriarches orientaux l’encyclique de riiotius. Enfin, les deux derniers, Sergius et Eustathe, auraient cru le moment venu de donner une sanction à ces tentatives, le premier en rayant le nom du pape des diptyques, le second en se faisant reconnaître le titre de patriarche œcuménique. » L. Bréhier, Le schisme oriental du xi’siècle, Paris, 1899, p. 5. Ces conclusions sont erronées, ainsi que l’a démontré M. Bréhier dans l’ouvrage cité ci-dessus. Des sentiments hostiles que Nicolas II et Sisinnios auraient nourris pour les papes, nous n’avons aucune indication fondée et l’on peut croire que si, sous leurs patriarcats, Byzance n’a pas toujours marché d’accord avec Borne, la cause en est tout entière à des rivalités politiques. Les empereurs allemands avaient pour la chaire papale leurs candidats favoris qui l’emportaient ordinairement ; à ces candidats les empereurs byzantins opposaient les leurs, qui se changeaient trop souvent en antipapes. De là, des conflits aigus, qui ne favorisaient pas, certes, l’amitié entre les deux Églises, mais qui pourtant n’influaient pas d’une manière grave sur leurs rapports habituels. Le prétendu schisme de Sergius II n’est pas mieux confirmé et, en 1054, le patriarche d’Antioche, Pierre III, affirmait à Michel Cérulaire que, 45 ans auparavant, c’est-à-dire vers 1009, il avait vu de ses propres yeux le nom du pape figurer dans les diptyques de Constantinople, à côté des noms de tous les patriarches. Ch. Will, Acta et scripta qv.se. de controversiis Ecclesise græcse et lalinse sseculi xi composila exstant, Leipzig, 1861, p. 192. Il paraît y avoir eu toutefois, d’après certains chroniqueurs, P. G., t. cxx, col. 718, des difficultés entre Sergius et les papes, probablement au sujet du titre de patriarche œcuménique ou de la juridiction sur la Bulgarie. Ce titre de patriarche œcuménique, le successeur de Sergius II, Eustathe (1019-1025), sollicita le pape Jean XIX (1024-1033) de le lui accorder « pour son territoire, de même que l’Église

romaine le portait pour toute la chrétienté » , et il l’aurait obtenu sans doute par des présents et de l’argent, auxquels ce pape ne se montrait pas insensible, si la seule nouvelle de cette démarche n’avait soulevé dans tout l’Occident l’indignation générale et fait abandonner les négociations. L. Bréhier, op. cit., p. 8-12.

Alexis du Stoudion (1025-1043), qui succéda à Eustathe, fut un prél-at excessivement timoré. Il se plia sans trop de peine à tous les caprices matrimoniaux de la basilissa Zoé et ne semble pas avoir soulevé la moindre protestation contre l’immoralité toujours croissante de la cour. Et pourtant les occasions s’offrirent assez nombreuses de le faire, car, du règne des porphyrogénèles Zoé et Théodora, plus que de tout autre, il est vrai de dire que la politique, même religieuse, ne fut plus qu’un jeu de dames. Ce patriarche timide et effacé fut remplacé par un autre d’allure hautaine, le plus fier peut-être et le plus arrogant, qui ait jamais occupé la chaire byzantine : Michel Cérulaire (1043-1059). Il ne m’appartient pas de dépeindre ici cette figure énigmatique, que Psellos a parée, selon les besoins de la cause, de toutes les qualités ou de tous les vices. Ce qui parait bien avoir dominé en lui, c’est la conscience de sa supériorité et la haine irréconciliable qu’il portait à l’Église latine. Son orgueil le poussait, en 1040, à « affecter la tyrannie » , c’est-à-dire à se faire conspirateur pour saisir la couronne impériale. En 1047, déjà patriarche, il sauvait l’empereur Monomaque durant la révolte de Léon Tornikios et, en 1057, il prenait part, s’il ne le dirigeait, au complot qui portait au pouvoir Isaac Comnène, à la place de Michel VI. Il est vrai que le désintéressement n’était pas le mobile de ce concours et que le patriarche semble bien avoir voulu réunir à son profit la royauté au suprême sacerdoce. Son ambition causa sa perte. Déposé et exilé, il mourut des mauvais traitements qu’il avait subis, sans rien abdiquer de ses prétentions et après avoir réalisé le rêve de toute sa vie : à défaut du premier rang tenir le premier rôle. L’action religieuse de cet homme fut à jamais néfaste ; c’est à son nom, plus encore qu’à celui de Photius, qu’il convient d’accoler le schisme oriental (1054). Cérulaire voulut la séparaliondes deux Églises, sans qu’on puisse assigner à cette volonté d’autre motif que son orgueil, et il la réalisa au moment même où tout semblait conspirer en faveur d’une entente durable. Pour cela, en dehors des causes théologiques sur lesquelles avait insisté Photius, il en mit en avant une foule d’autres que celui-ci avait négligées ou qu’il avait touchées légèrement, mais que lui jugea de nature à frapper l’imagination populaire. L’emploi des azymes à la liturgie, le célibat ecclésiastique imposé à tous les prêtres, le jeûne du samedi, les mœurs guerrières des évêques et des clercs, l’action de se raser la barbe et de faire tondre ses cheveux, et autres divergences de même envergure étaient accueillies par les gens sérieux du xie siècle par des haussements d’épaules. Toutefois, l’accumulation même de ces divergences tendait à jeter le discrédit sur les usages de l’une ou de l’autre Église ; si elle n’en imposait pas aux esprits réfléchis comme Pierre d’Anlioche, elle entraînait la masse du peuple et des moines, en somme tous ceux qui faisaient l’opinion à Byzance. A ce titre, la polémique de Michel Cérulaire, si fragile et si mesquine qu’elle nous apparaisse, était bien supérieure à celle de Photius et son schisme appelé à exercer une action autrement durable.

XL L’Italie byzantine, viii « -xvie siècles. — En parlant d’Italie byzantine, nous n’entendons ici parler que de l’Italie soumise à la juridiction religieuse de Conslantinople, bien qu’il soit nécessaire de dire un mot de la situation politique. L’unité byzantine, réalisée par Justinien en 552, avait été rompue presque aussitôt (568), par l’invasion lombarde en Italie, qui n’en avait lai>sé subsister que des enclaves, destinées à lui ré-