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CREATION


volilions raisonnable ;, non des motifs qui le poussent proprement à vouloir.

2. La /in de Dieu, c’est Dieu même comme fin principale, finis primarius. — Les scolastiques nomment fin première, finis primarius, celle qui est apte par elle-même à solliciter efficacement l’agent, et à travers laquelle il envisage toutes les fins particulières qu’il peut se proposer. Elle n’est pas exclusive ; son nom l’indique. Elle est spécifique en ce sens : a) qu’elle a un rapport immédiat de proportion avec la perfection propre de l’agent — ainsi l’animal ne cherchera-t-il en tout que le bien sensible ; b) qu’elle n’est pas juxtaposée aux autres, mais qu’elle les pénètre, étant en fin de compte la raison qui détermine à les choisir. Ainsi un homme sage recherchera-t-il le bien sensible non comme tel uniquement et pour une fin animale, mais pour une utilité humaine.

Ces notions rappelées, on reconnaîtra : a) que Dieu est, en ce sens, à lui-même sa fin première. Que l’on considère, en effet, l’excellence de l’Infini. Non seulement tout ce qui est fini est inapte à le déterminer, mais il y a désordre moral pour lui à se déterminer pour un motif fini, et par conséquent impossibilité métaphysique qu’il ne rapporte pas tout à soi. S’il existait au-dessus de lui quelque être supérieur, il devrait dans son action marquer sa soumission à son égard et lui rendre hommage ; l’ordre exige donc qu’il respecte de même cette dignité souveraine quand il la trouve en soi. « Étant le bien suprême, il a droit à tout honneur, dit Scbeeben, et il ne le réclame que parce qu’il a pour lui-même l’estime qui est due au souverain bien. » Op. cit., n. 92, Sa sainteté, sa perfection exigent qu’il ait pour soi-même les égards dus à son rang. Lessius, op. cit., 1. XIV, De ultimo fine, c. ni, n. 56, 61, p. -209.

Dire que Dieu étant l’être nécessaire doit être le premier moteur en quelque genre que ce soit, et par conséquent dans l’ordre des causes finales, comme dans les autres, c’est présenter le même argument sous une forme plus abstraite. S’il est celui de qui les fins particulières tiennent leur bonté et leurs attraits, quel autre que lui-même pourrait le solliciter à agir ? S. Thomas, Cont. gent., 1. III, c. xvii sq. — b) Cette fin première de Dieu, c’est sa propre gloire. S’il n’est, en effet, qu’un bien divin qui puisse être la fin d’un acte divin, il reste que ce bien soit ou la production de quelque perfection nouvelle en Dieu lui-même, ou l’assécution de quelque bien hors de lui, ou la manifestation très glorieuse pour lui de son excellence infinie. Les deux premières hypothèses répugnent à la nature divine, qui possède dans son infinité tout bien possible ; la troisième seule est admissible. A vrai dire, comme Dieu est unique en nature et que seul il se connaît adéquatement, seul il peut s’estimer comme il le mérite. Cetle connaissance et cette estime constituent de toute éternité une gloire interne, gloria intrinseca, qui le dispense d’en souhaiter aucune autre : elle est infinie. Ainsi d’un homme d’honneur à qui suffit le témoignage de sa propre conscience. Cependant, tandis que le bonheur de Dieu ne peut en rien s’accroître, sa gloire est susceptible de rayonner à l’extérieur. Si des créatures innombrables chantent ses perfections, sans doute il n’y gagne rien, pas plus qu’il ne profite de l’encens brûlé sur ses autels ; mais il y a en soi dans ces louanges, comme dans cet encens, un hommage qui convient souverainement ; i la divinité, gloria extrinseca. Il peut dès lors le vouloir comme convenable et raisonnable, sans le chercher comme nécessaire ou profitable. Lessius, <>p. cit., 1. XIV, c. i.n. 7, p. 200.

Ainsi Dieu n’est pas obligé de créer, car il n’a besoin di’rien ; mais s’il veut créer librement, il est obligé di créer pour sa gloire, parce que toute autre raison est indécente à sa dignité. Il en résulte pour la créature l’obligation absolue de tendre vers ce but, et pour Dieu

le devoir de faire concourir à sa gloire, par la justice vindicative, la créature qui aurait refusé de la procurer par l’amour. Ce serait désordre et non bonté- dans l’infinie justice de se montrer indifférente au bon ou au mauvais usage de ses dons.

Les objections cependant se présentent d’elles-mêmes à l’esprit. Rapporter tout à soi, n’est-ce pas Pégoïsme que l’on hait dans la créature ? —Il est vrai, mais ce qui est péché dans la créature, parce qu’elle se traite ainsi en fin absolue et rapporte à soi plus qu’elle ne doit, est devoir dans le créateur, qui de la sorte se procure uniquement ce qu’il se doit.

Si l’on objecte encore, avec Spinoza, que si Dieu crée pour sa gloire, il fut donc un temps où il en était privé, il est aussi facile de remarquer qu’agir pour soi n’est pas nécessairement agir par besoin, non propter detïum sed propter anwrem. S. Thomas, In 1 Y Seul.. 1. II, dist. I, q. ii, a. 1. Dieu n’avait pas cetle gloire extérieure ab selerno, mais il n’en était pas privé. En l’obtenant dans le temps, il ne s’est pas enrichi, puisqu’aussi bien il est l’Infini et ne trouvera jamais dans sa créature que ce qu’il voudra bien y mettre. Il a aimé comme convenable la beauté de l’acte créateur ; s’il a voulu que la gloire lui en revint, ce n’était pas par besoin de gloire, mais par besoin de justice : il le devait à sa dignité.

c) Cette gloire doit-elle nécessairement être une gloire formelle, c’est-à-dire Dieu peut-il se contenter de mettre dans la création matérielle un reflet àperfections glorieuses, gloria objectiva, ou doit-il vouloir que quelque nature intelligente les contemple et lui en renvoie le mérite, gloria subjectiva seu formalisa

Sans doute, puisque Dieu se suffit à lui-même, rien ne l’oblige à chercher d’autre spectateur de ses œuvn l’exercice de la puissance créatrice est admirable, la créature matérielle est belle des perfections divines qu’elle participe ; Dieu seul est lion juge de rime et de l’autre et n’a besoin d’aucun autre admirateur. Selieelien, op. cit., t. iii, n. 99, p. 66 sq.. appuie cette raison de la suivante. Beaucoup de merveilles, soit dans les abîmes inabordables, soit dans les infiniment petits imperceptibles, ne sont et ne seront probablement jamais connues ; Dieu serait donc frustré, s’il était nécessaire que la créature raisonnable, en en renvoyant à Dieu la gloire, leur fit atteindre leur fin. Cependant cet argument semble moins solide ; la difficulté peut recevoir une solution meilleure : Dieu a créé toutes ces choses non pour qu’on les vit. mais pour qu’OH le vit prodigue. N’est-ce pas en elle ! l’un des arguments les plus glorieux à sa puissance, que infiniment grands comme les infiniment petits promettent à l’homme d’autant plus de merveilles qui moyens de connaissance se perfectionnent : plus en découvre, plus on s’assure qu’il reste beaucoup à découvrir. Malgré tout, comme le monde matériel n’a pas conscience d’exister et en ce sens ne profile pas plus que Dieu du don qui lui est fait, d’autres auteurs ont peine à comprendre un acte qui ne serait utile ni somme ni au créateur, ni à la créature. Hontheim, Tnstitutiones theodicese, in-8°, Fribourg-en-Rrisgau, 1893, p, 7.">T iii). En tout cas, c’est là question accessoire et problème libre.

3. La fin de la création, c’est la créature secondairement. — On vient d’établir que la fin première de la création, c’était la gloire de Dieu ; l’affirmation doit être complétée par la proposition qui précède. Il suffit pour la prouver de concevoir ce en quoi consiste et ce par quoi s’obtient la gloire du créateur.

Sa gloire, c’est la manifestation extérieure de son être : cette manifestation ne se peut obtenir. Dieu étant inconnaissable en soi. que par une communication plus ou moins libérale de ses perfections ; cette coin-