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CRÉATION


Dieu dans le choix des mondes possibles, en lui présentant dans chaque hypothèse les attributs spéciaux

qui, brillant plus ou inoins, seront par là plus ou inoins glorifiés — importun) ; connue exemplaire encore et comme sagesse, il dirige l’exécution de l’œuvre — exsecutio, et cela non seulement au premier instant de la création, mais tant que le monde subsiste, puisqu’il ne dure que si Dieu le conserve.

Cause exemplaire et Sagesse pratique, le Verbe est encore raison finale de la création. En effet, la fin du monde, c’est la gloire de Dieu. Voir plus loin. Cette gloire, Dieu ne peut la réaliser qu’en se manifestant hors de soi, en donnant quelque idée de lui-même dans ses œuvres, et par conséquent quelques copies de ses perfections, invisibilia enim ipsius… per ea quæ facta sutit intellecta conspiciuntur. Rom., i, 20. Agir pour sa gloire, c’est en somme agir pour que d’autres êtres collaborent à cette gloire que Dieu se donne en se contemplant et en s’estimant dans son Verbe. Ainsi la fin ultime de la créature, c’est la glorification du Verbe de Dieu ; le moyen d’atteindre cette (in, c’est de produire les créatures à l’image du Verbe. Le Logos apparaît donc à la fois comme le principe et la fin de la création, l’a et l’co.

D’autres considérations légitimeraient aussi une certaine appropriation de la création au Père en tant qu’il est la source de l’être, au Saint-Esprit en tant qu’il est la volonté qui décide, l’amour qui choisit, exécute et réalise la création jusqu’à la fin des temps. On s’appuierait même sur ce fait que les Pères grecs ont souvent appelé le Saint-Esprit verbe et image. Rien de plus vrai ; aussi bien appropriation n’est pas exclusion. Il reste cependant que la révélation et la tradition ont insisté plus spécialement sur le rôle du Fils et que la raison peut apporter quelques considérations sérieuses en faveur de cette préférence. S. Thomas, De verilale, q. iv, a. 3 ; Petau, De Deo, 1. V, c. x, t. i, p. 230 sq. ; De Trinit., 1. V, c. v, § 5, t. ii, p. 280. Voir Appropriation, t. i, col. 1712 sq., 1717.

Personnes et nature dans l’acte créateur.

Quel

est le rôle respectif des personnes et leur inlluence sur la production des êtres ? Question scolastique en ce sens que ce sont les théologiens et les philosophes du moyen âge qui ont poussé jusqu’à ce point l’analyse de l’acte créateur, en ce sens encore que les définitions de foi n’atteignent pas directement ces problèmes abstraits ; mais question théologique en ce sens que la réponse faite peut amener à des conclusions en désaccord plus ou moins certain avec le dogme.

Les scolastiques nomment nature le principe d’opération : principium quo remotum, si l’on désigne la substance même qui agit, principium quo proximum, si l’on entend la faculté par laquelle la substance entre en contact immédiat de causalité avec l’effet. La substance, si elle est complète en elle-même et distincte comme individu, est dite supposition ; si elle est de plus douée d’intelligence, c’est une personne, hypostasis ou persona. On peut se demander dans quelle mesure et de quelle manière, fut-ce d’une façon purement analogique, toutes ces notions peuvent s’appliquer à Dieu.

1. Les personnes.

Elles concourent à l’acte créateur, a) comme absolument indispensables toutes trois, dit Henri de Gand. Quodlib., VI, q. il. Sans les personnes l’essence divine est impuissante. Mais Henri de Gand se rétracte. Summ., a..">i, q. vi ; a. 60, q. vi ;

— 6) par pure concomitance : il se trouve qu elles sont en Dieu, elles coopèrent ; — c) de toute nécessité, mais sans rien ajouter à l’énergie de l’essence. Ruiz de Monloya, De Trinitate, disp. 111, sect. i sq. Cette dernière opinion semble de beaucoup la plus probi La meilleure justification qu’on en puisse apporter est celle qui se tire des rapports de la nature et de la per*^nne. Chr. Pesch, Prælectiones dogmatiese, in-S. Fri bourg-en-Brisgau, 1899, i. tv, n.79sq. La personne i pas une réalité distincte de la nature, qui vienne se surajouter à elle et puisse augmente) sa puissance. C’est l’état d’une nature raisonnable qui, complète en elle-mi dispose librement de ses actes. La personnalité ou le mode de subsistance n’inilue donc pas dans l’action comme un principe actif et comme une énergie distincte de celle de la nature, mais seulement comme une condition indispensable : la nature ne peut agir à titre de personne, à moins d’être complète quant à ses constituants spécifiques et libre de ses actes, sui juris. En conséquence, la nature ou l’essence divine ne peut agir avant d’avoir Fhypostase qui lui convient. Or l’hypostase divine, et cela nous ne le savons que par la foi, est triple, et puisque l’infini est simple et immuable, les trois hypostases sont nécessaires en Dieu comme l’essence elle-même. Il en résulte que la création qui requiert l’essence divine comme cause efficiente, p cipium quo, requiert de même, comme condition sine qua non, les trois hypostases, qui sont le mode nécessaire de sa personnalité. Que l’on ajoute après cela avec Ruiz, loc. cit., sect. viii. des raisons comme cellesci : les trois personnes sont requises : a) parce que le Père sans le Verbe ne peut dire, c’est-à-dire concevoir sa pensée ; b) ni sans l’Esprit-Saint qui est amour aimer sa créature et par conséquent la vouloir d’un amour effectif, ce sont là des manières de penser qui nous aident à mettre de l’ordre dans nos concepts ou des raisons suasives d’analogie ; il semble que la vraie démonstration, autant qu’il s’en peut trouver dans ces mystères, soit plutôt dans la raison invoquée plus haut. C’est par un raisonnement semblable que nous avons établi la communauté de toute opération divine ad extra.

Ces mêmes vues sur les rapports essentiels de personne et de nature permettent de répondre aux autres questions que l’on peut poser sur le rôle des personnes divines. Dieu crée-t-il ut trinus, c’est-à-dire sous le rapport précis où il est triple en personnes ? Il a déjà été exposé que la création est œuvre commune des trois personnes ; donc celui qui crée est trinité, qui trinus. De plus, comme la création, à ce qu’il semble, requiert la toute-puissance divine et que l’être infini exL triple hypostase, on peut dire encore que la création requiert la Trinilé, ut trinus. Par contre, comme ce n’est pas la qualité d’être une personne, mais le fait d’avoir telle nature, qui rend puissant ou impuissant, fécond ou infécond, on peut nier en ce sens que Dieu crée en tant que Trinité, ut trinus. Socrate, a pari, n’est pas père en tant que Socrate, mais en tant qu’il est homme. Palmieri, De Deo créante, Rome, 1878, th. vii, n. 4, p. 81 sq.

2. La nature.

Puisqu’il y a en Dieu toute la perfection d’un agent intelligent et libre, il faut dire de lui tout ce qu’on dirait d’un pareil ouvrier, sans oublier toutefois que notre connaissance reste inadéquate, que la réalité dépasse infiniment les petites perfections que nous affirmons, et que, si raisonnables et légitimes que soient ces affirmations, ce sont des abîmes d’ignorance que nous dissimulons sous ces mots. Il y a de cela en Dieu, devons-nous dire, mais en beaucoup mieux : ni distinction de facultés, ni succession d’actes, etc. réserves faites, l’essence divine peut être conçue connue principium remolum </uo ; la volontécomme principium proximum quo. La toute-puissance divine n’est en effel que la volontéen tant qu’elle emporte l’infaillible production de tout ce qu’elle veut ad extra. Dire volonté libre, c’est aussi présupposer l’intelligence qui propose l’objet de la voliliou. H appartient de ce chef à l’intellect divin de représenter la série des êtres qui peinent être le terme de l’activité créatrice, scientia simplicis intelligentise, de représenter encore, quel qu’en soit le moyen mystérieux, tout ce qui serait dans la multiplicité