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CREATION

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de l’évolution physique et biologique, » M. Fouillée, Évolutionisme’i<’s idées-forces, Ln-8", Paris, 1890, p. 265 sq., [impose lui-même un monisme qu’il définit un évolutionisme a fadeurs psychiques et non plus à facteurs exclusivement mécaniques » . Ibid., introd. p. i.i sq. Il condamne cette habitude de diviser l’univers eu i domaines séparés par des fossés béants… Alors le lien monistique refusé à la nature même, on le transporte au-dessus, dans un Homme-éternel » , un Jéhovah qui produit tout par des fiai distincts. Ibid., p. xi.ix. Il raille même dans Spencer, dont il relève à tant de titres, la distinction absolue des faits physiques et des faits psychiques, du mouvement et de la pensée. Pour lui toute idée est force, et tout est pensée ; il semble même incliner de plus en plus à dire avec Schopenbauer : tout est volonté. Le fond commun de toutes choses c’est le nicnlal, dont le mouvement et la vie se traduisent par des appétits plus ou moins développés. Cf. Roure, Les idées-farces de M. Fouillée, dans les Études, t. lxi, p. 389 sq.

Monisme matérialiste ou monisme idéaliste, la philosophie hétérodoxe oscille entre ces deux formes. A rencontre de ce toile général, peu de voix, en dehors du camp catholique, se prononcent en laveur de la création. Il faut citer en France J. Simon et sa réfutation vigoureuse, La religion naturelle, 7e édit., in-12, Paris, 1873, c. m. Mais il écrivait en un temps où l’on croyait encore au principe de causalité : « un principe que personne ne songe à contester. » Ibid., p. 87. Tels sont encore Caro, L’idée de Dieu ; Le matérialisme et la science ; M. Janet, Les causes finales ; Le matérialisme contemporain, etc., et avec une manière de concevoir dont le dogme catholique ne peut guère s’accommoder, MM. Saisset, Ravaisson, Renouvier, Secrétan.

Conclusion. — A résumer les diverses attitudes de l’esprit moderne à l’égard du dogme présent, on pourrait distinguer : a) l’agnosticisme spencérien : la cause transcendante étant en dehors de l’expérience, on professe n’en rien pouvoir connaître ; si on l’affirme, et si l’on parle de ses œuvres, c’est par un appel irrationnel à l’instinct de la foi ; b) le monisme. Idéaliste, plus ou moins apparenté à Kant et à Hegel, il conçoit le monde ou les phénomènes comme une objeetivatiort ou un moment de l’Idée. Par une sorte d’anthropomorphisme intellectuel, il explique la vie et les opérations de l’Absolu par assimilation plus ou moins rigoureuse avec l’activité de la pensée humaine. Matérialiste, il n’admet rien que la force et le mouvement ; déformant à son profit toutes les hypothèses et toutes les découvertes scientifiques, il en fait arme contre les enseignements bibliques sur la création. Dans les données de l’expérience, il lit Vexclusion de ce qui la dépasse, dans la permanence actuelle des lois physiques, leur nécessité, etc. ; c) le créatianisme, fort surtout des difficultés et des contradictions logiques des autres systèmes ; il établit le fait de la création sur des raisons qu’on peut juger péremptoires, bien qu’elles n’éclairent pas, tant s’en faut, d’une pleine lumière ce geste du créateur que nul n’a pu voir et que sans cloute, faute d’être à sa taille, nul n’aurait compris.

La pensée philosophique a-t-elle progressé au cours îles âges dans la solution de ce problème ? — Oui sans doute, si l’on considère que l’hypothèse dualiste a paru trop grossière et n’a plus de partisans, que la pensée contemporaine, par un besoin senli d’unification, se prononce pour un monisme rigoureux ; non, si l’on rélléchit qu’un monisme matérialiste n’a guère de l’unité que le nom, et, avec un apparat scientifique considérable, marque un retour aux vieilles écoles grecques, hylozoïstes et atomistes.

Au point de vue chrétien, il faut reconnaître, avec l’auteur de l’art. Schôpfung dans Realencyklopâdie, p. 691 sq., que les théories « du paganisme intræhré tien des temps modernes, des modernen innerchrutlichen Ueidenlhums » , beaucoup plus antimonothéiste*

et antithéistes que les anciennes, sont par le fait pluradicalement opposées au dogme. C’est donc ino quence ou hypocrisie, dit le même auteur, ibid., p. 693, de garder encore le mot de création.

Est-il permis cependant d’espérer entre ces div. i tendances un rapprochement ? < Au sommets les plus élevés des deux doctrines, les penseurs les plus profonds sont tentés d’employer un langage commun… L’ubiquité divine… la création continuée… le concursus divinus… ne sont-ce pas de fortes concessions en faveur d’une certaine immanence divine ? » Janet, Uisl de la philosopltie, 1887, p. 889. L’immanence ne serait-elle pas ce terrain de conciliation ? C’est l’espoir sagement tempéré du philosophe que nous citons.

On ne saurait douter que ce besoin d’expliquer la multiplicité des êtres par une unité’primordiale, que le sentiment religieux partout où il est sincère, ne puissent préparer une entente. La synthèse scolastique que nous avons esquissée, voir plus haut, développée d’ailleurs par les néoscolastiques, l’immanence intime qu’elle professe après l’apôtre, in ipso enim vivimus, et movemur, et sumus, Act., xvii, 28, sa cohérence remarquable dans l’explication de la coexistence du fini et de l’infini, donneront peut-être lieu de réfléchir à ceux que tourmente surtout l’aspect métaphysique du problème. Mais, qui ne le voit, c’est la réponse faite à la question de l’origine première qui donne au mot d’immanence son sens précis. Dieu est-il en nous chez soi ou chez nous ? Sommes-nous sa substance ou quelque chose produit hors de lui à son imitation ? Impossible d’esquiver la difficulté. Impossible d’arriver à un accord, non pas de mots, mais de pensée, si l’un quelconque de ces systèmes mettait à la base de ses recherches un postulat absolu : rien que la matière, ou rien que l’idée, ou rien en dehors de l’expérience immédiate. Mais aussi bien cet exclusivisme n’est pas dans l’expérience, et n’est plus de la science. Impossible encore d’arriver au dogme chrétien, si le présupposé de toute recherche devait être ce principe de l’orgueil humain : rien au-dessus de moi. C’est, en effet, à trouver un supérieur que nous expose cette loyale enquête. Mais le premier devoir de celui qui veut la lumière, loin de se fermer en soi. n’est-ce pas d’aimer la vérité jusqu’au sacrifice de soi, s’il est reconnu nécessaire ? Cette disposition subjective n’est jamais plus indispensable que lorsqu’il s’agit du problème capital de notre origine. C’est au prix de cette passion commune du vrai et de cette humilité, que tous ceux qui cherchent ont chance de parler quelque jour la même langue, et ce pourrait être celle de ces belles prières que Zacharie de Mitylène écrivait à la dernière page de son traite De muitdi opificio, P. G., t. i.xxxv. col. 1141, et Lessius à la fin de son livre De dominio Dei. Cf. De perfect. moribusquediv., 1. X, c. vu. in-fol., Lyon, 1651, p. 58 sq.

Après avoir exposé les diverses preuves philosophiques et théologiques de la création ex nihilo et des problèmes connexes, nous donnerons, en conclusion, l’état du dogme chrétien d’après les décrets du Vatican.

III. Exposé dogmatique.

I. fait />/ : la création.

— 1° Preuves théologiques, voir Aperçu historique.

Preuves de raison.

En débarrassant les arguments

de l’Ecole de ce qu’ils ont de caduc, théories physiques de la lumière, des sphères célestes, etc., voici le fond de sa démonstration. — Le point de départ : les faits et spécialement ce caractère des choses données par l’expérience d’être variables, passibles, multiples, finies, etc. — Le principe formel du raisonnement : ce n’est pas le principe de causalité, mais un principe plus général, celui de raison suffisante. Étant donnés les caractères précédents, on cherche à les expliquer, et cela non pour justifier une vue systéma-