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CREATION

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tous. Bouillier, op. cit., t. ii, c. xxix, p. 567. Tout le xvii'e siècle, en dépendance des grandes thèses scolastiques, avait en somme admis cette explication du conimencement, de la durée, de Vagir des êtres par la création, la conservation et le concours divin.

La réaction va se produire en un sens tout opposé à l’aboutissement d’un double courant, l’un sensualiste, sous l’influence de Locke, l’autre idéaliste, sous la conduite de Kant. L’empirisme anglais aboutit en France au pur matérialisme de Lamettrie et de d’Holbach : on n’oserait traiter leurs ouvrages comme des œuvres philosophiques. Diderot de son côté professait une sorte de panthéisme.

En réaction contre le phénoménisme sceptique de Hume, Kant reprend les théories de Leibniz et le processus géométrique de ses déductions. La raison pratique, suppléant la raison spéculative, retrouve Dieu comme cause première. Ce monde est le meilleur possible, et Dieu l’a créé non pour soi, mais pour l’homme, ou plutôt pour conduire l’homme à la lin absolue de la moralité. Cf. Critique du jugement, S ; 85.

Si nous ajoutons qu’il adopte les vues de Descartes sur le chaos initial s’organisant de lui-même d’après les lois physiques, que ces hypothèses vont être élaborées et précisées par Laplace, ce n’est pas pour entrer dans le problème cosmogonique, que nous avons à dessein réservé, mais seulement pour remarquer que ces grands penseurs, de qui se réclament nombre d’esprits modernes, n’avaient pas compris le lien qu’il peut bien y avoir entre la théorie de la nébuleuse et la négation de la création exiiihilo.

A défaut de lien objectif qui permit d’en arriver là, le progrès naturel du relativisme kantien devait y conduire rapidement. L’impossibilité de connaître la chose en soi amenait à lui dénier même toute existence, pour donner toute la réalité à l’idée. Fichte, après avoir professé dans la première partie de sa vie une sorte de panthéisme moral où l’accomplissement du devoir est l’expression et comme la production du divin, dans la seconde semble retrouver le panthéisme idéaliste des alexandrins : Dieu est la lumière et cette lumière se réfracte en des rayons infinis distincts entre eux, et distincts de leur source. — Pour Schelling, le fini sort de l’Infini par voie de dégradation. Par une image qu’on croirait prise aux sectes gnostiques, le fini, dit-il, est un saut, une chute hors de l’absolu, ein vollkommenes Erbrechen, ein Abfall von dem Absolulen. Pour Hegel, rien n’existe que l’Idée qui se développe suivant le processus triadique de la thèse, de l’hypothèse et de la synthèse. Indétermination absolue au premier stade, elle s’extériorise au second et par là devient autre qu’elle même — c’est la Nature ; puis elle revient sur elle-même et prend conscience de soi

— c’est l’Esprit. C’est dans l’homme que ce Dieu prend conscience de lui-même ; d’âge en âge la pensée humaine s’élève ; elle aboutit au système de Hegel, « d’où il suit que la plus haute conscience de Dieu est la conscience de Hegel. Dieu c’est Hegel. » Janet et Séailles, Histoire de la philosophie, p. 877. Nous retournons à l’idéalisme alexandrin et à la gnose, cf. M3 r Freppel, Saint Irénée, xvr leçon, et à maître Eckart pour qui d’ailleurs le philosophe allemand ne dissimulait pas sa sympathie. La réfutation composée par le P. Gratrv, Logique, in-12, Paris, 1858, t. i, 1. II, p. 109-272, solide dans le fond, puisqu’elle s’appuie sur le principe de l’antériorité de l’acte sur la puissance, ne distingue pas assez, semble-t-il, ce qu’il y a dans ces spéculations audacieuses de données acceptables et de vues profondes.

Semirationalisme hermésien.

A côté de ces

indépendants pleinement étrangers au dogme, se développait le semirationalisme des hermésiens. La même année 1831 voit la mort de l.légcl et celle de Hermès.

L’hermésianisinc, comme le cartésianisme dont il relève par la méthode du doute, marque une réaction violente contre la scolastique « ou pour mieux dire contre la scolastique telle que la connaissait Hermès d’après certains travaux de seconde main » . Goyau, L’Allemagne religieuse et le christianisme, in-12. Paris, 1905, t. ii, p. 4 ; cf. p. 142 sq. Développées par Gùnther, Knoodt, Trebisch, etc., vulgarisées pendant vingt ans par la Zeilscltrift fur kalliolische Philosophie und Théologie, les thèses de cette école provoquent les réfutations érudites du jésuite allemand Kleutgen, Théologie der Vorzeit, 3 in-8°, Munster, 1853 ; La pliilosophie scolastique exposée et défendue, trad. Sierp, 4 in-8°, Paris, 1869, t. iii, diss. VI, VU, c. mi ; t. iv, diss. IX, c. m. Condamnés, le 26 septembre 1835, par un bref de Grégoire XVI, et le 7 janvier 1837, Denzinger, Enchiridion, n. 1486 sq., 1509 sq., 1513 sq., les hermésiens sont spécialement visés par les décrets du Vatican. Voir plus loin.

Les scolastiques, au dire de Gùnther, n’ont rien dit qui vaille sur la création, Kleutgen, op. cit., t. iv. p. 478 ; ils ont enseigné le panthéisme, p. 479 sq. Selon lui la création est nécessaire ; acte nouveau en Dieu elle augmente sa science. lbid., p. 541. Il professe avec Hermès que Dieu, égoïste, s’il avait créé pour soi, a tout produit pour l’homme et pour sa plus grande félicité. La création est en somme l’acte par lequel la pensée divine conçoit le non-moi. L’explication est assez voisine de celle de Fichte.

Gioberti et Rosmini.

Gioberli semble concevoir

la création comme une pure modification de 1 idée divine. Plus proche encore de Hegel, Rosmini admet comme premier principe de toutes choses l’être indéterminé conçu par l’abstraction de l’esprit. Cf. Denzinger, op. cit., n. 1739 sq., prop. 4-6, 8, 9. Cet être se développant en Dieu sans limite, parce que sa quiddite est entité, s’achève au contraire dans la créature par des limites, parce que sa quiddite est limitation. lbid., prop. 10-12. La création n’est autre chose que l’acte de l’imagination divine rattachant à des limites diverses des parties découpées dans cet être initial, ibia., prop. 14-16 ; aussi n’est-ce point une effectiott, mais une position d’être, lbid., prop. 18. Cette matière première, materia invisa, Sap., xi, 18, dont sont faites toutes choses, c’est le Verbe, lbid., prop. 19. Et voici comment se résout la coexistence du fini et de l’Infini : il n’y a pas entre ces deux termes différence de substance, mais différence bien plus grande, union cnini est absolule ens, alterum est absolute non ens, à savoir la différence de ce qui absolument est être, à ce qui absolument est non-être. Cependant l’être fini peut se dire relativement être, relative ens. Il n’y a pas davantage unité de substance, mais unité il être ; en lin de compte, absolu et relatif ajoutés l’un à l’autre ne donnent pas plus d’être, lbid., prop. 13, cf. prop. 11.

Ainsi, comme dans Hegel, identification de la Pensée et de l’Être, production des individus par voie de limitation ; mais chez le philosophe allemand Dieu même ne devient réel qu’en se limitant, chez Rosmini Dieu se distingue par la vertu de son être qui exclut la limite. Or, si le fond commun, l’être initial, c’est l’être indéterminé et abstrait, rien ne doit pouvoir se concréter que par la limite. Parti d’un principe hégélien, le philosophe italien ne sauve donc quelque chose du dogme qu’au prix d’une contradiction, iHegel emporte sur Rosmini la palme de la logique. « M r d’Hulst, Mélanges philosophiques, Paris, 1892, p. 181 sq. ; Annales de philosophie chrétienne, 1889.

Les propositions rosminiennes ont été condann par Léon XIII. le Il décembre 1887. Denzinger, op. cit.. n. 1736 sq., cf. n. 1522.

Idéalisme et matérialisme contemporains.

Tout

en combattant le panthéisme, en dénonçant dans une