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grande imporlance. En effet, précisément parce que îa

cause premièi si indéfinissable, innommable, l’iotin

sera obligé de recourir à ses émanations en dégénérescence l’une sur l’autre pour arriver à trouver des causes particulières et des efiets Unis déterminés ; les scolasliques de leur côté n’auront qu’à presser la notion d’acte pur pour établir contre certains raisonnements d’Aristote lui-même que cet acte inlini égalant avec surcroît l’acte limité de toutes les causes particulières, rien ne l’empêche d’être cause immédiate de tous les effets finis. Les émanations ne sont nécessaires ni comme instruments du créateur, quia quanlo aliquid simplicius, lanto potentius, S. Bonaventure, In IV Sent., 1. II, dist. I, p. i, a. 2, q. ri, ni comme explication de la limite et de la multiplicité, a principio uno, quia primum et unum, exil multitude Ibid., p. ii, a. 1, q. i.

— c. Création ex niltilo. — De l’actualité infinie et de l’impassibilité du premier moteur, il sera facile de faire sortir la notion et le fait de la création ex nihilo. Saint Bonaventure doute qu’Aristote soit parvenu à dégager cette conséquence, loc. cit., dist. I, p. i, a. 1, q. i, et argue pour son compte de l’antériorité de l’acte sur la puissance. Saint Thomas note qu’en affirmant le ciel et le mouvement éternels, le philosophe ne les affirme point pour cela incréés. In lib. metaph., 1. VI, lect. I, Paris, t. xxiv, p. 591 ; In lib. phys., 1. VIII, lect. iii, t. xxii, p. 633. En fait, disent-ils, si les formes pures sont créées ex nihilo, comme ces philosophes le laissent supposer, pourquoi la matière qui est plus imparfaite serait-elle incréée. Si les émanations restent en Dieu, que sont-elles autre chose que des modifications de sa substance : plus d’acte pur ; si elles ne sont ni produites de sa substance, ni demeurant en elle, d’où peuvent-elles venir que du néant ? — d. Immutabilité, liberté, éternité. — Aristote ne s’est pas expliqué sur la liberté de l’acte créateur, et l’on peut croire comme plus probable qu’il l’eût niée pour sauvegarder l’immutabilité divine. Pour réfuter sur ce point Plotin, l’averroïsme et le Stagyrite, les scolastiques n’auront encore qu’à arguer du même principe. Celui qui est tout acte est immuable quoi qu’il fasse, et libre par conséquent, à l’égard de tout contingent, soit quant à l’exercice, soit quant au temps de sa création.

4. Conclusion.

a) L’œuvre scolastique. — - En résumé, si l’on fait abstraction du morcellement gênant des thèses, des subtilités d’école, de certaines objections purement dialectiques, de quelques réponses purement verbales, ces solutions marquent un moment considérable de la pensée philosophique, qu’on se doit, semble-t-il, de prendre en considération. La division provisoire des problèmes a permis de pousser l’étude ; qu’on refasse la synthèse. Le xiiie siècle apporte sur le dogme de la création une théorie complète des causes aristotéliciennes : efficiente, exemplaire, finale. Il a développé les thèses du concours, de la conservation, de Yanalogic, qui achèvent les solutions précédentes en expliquant les relations du fini et de l’Infini sous le rapport de l’action, de l’existence, de l’essence. Que l’on juge du progrès accompli en comparant par exemple cette doctrine de l’analogie au point où l’a laissée Origène, Periarch., 1. IV, n. 3(i, /’. G., t. xi, col. 411 ; cf. S. Jérôme, Kjiist. ad A vit., cxxiv, c. iv, n. 14, P. L., t. xxii, col. 1072, avec lés explications encore flottantes de saint Jean Damascène, Dialectica, c. xvi. xxxi-xxxv, P. C, t. xciv, col. 580, 590-601, et les principes de saint Thomas.

Dans l’ensemble, deux traits caractérisent la synthèse scolastique qui la rapprochent à deux doigts du panthéisme et l’en séparent à la fois radicalement : immanence intime et sous tous rapports de l’incréé dans le créé, m omnibus rébus et intime, s. Thomas, Sut » . theol., I a, q. viii, a. 1, et pointant distinction absolue des deux termes.

b) Le » dépendance » philosophiques. — La dépendance de la scolastique, dans le problème présent, à I des néoplatoniciens, bien qu’indirecte, puisqu’elle s exerce surtout par le pseudo-Denys, saint.h an Damascène et saint Augustin, demeure considérable et plus grande en fait qu’on ne la signale souvent. Il y a lieu cependant de noter que le néoplatonisme est déjà en bonne part une correction du platonisme par l’aristotélisme alexandrin, et qu’il a subi dans la philosophie médiévale une seconde révision de l’aristotélisme scolastique : c’est donc avec quelque justice que cette philosophie se réclame avant tout d’Aristote. On connaît les deux artisans principaux de cette réforme, Albert le Grand, parfois trop oublié, et saint Thomas. Deux des ouvrages de ce dernier ont ici une importance considérable : ses commentaires sur le pseudo-Denys et ses commentaires sur Aristote. Picavet. op. cit., p. 210. L’un et l’autre sont deux essais d’explication objeethe du texte, soit contre le panthéisme chartrain, cf. Cont. gent., 1. 1, c. xxvi ; In Dionys. de div. nom., c. v, lect. I, Paris, t. xxix, p. 499, col. 2, soit contre l’averroïsme : ce sont, comme travail scientifique aussi, les deux plus rudes coups portés au néoplatonisme h rodoxe, et cela par un aristotélicien.

Il peut paraître superllu de rappeler qu’à cette époque la règle suprême, dans ces inquisitions philosophiques, ce n’est pas l’aù-ôç ëça à l’égard du Stagyrite lui-même, cf. Talamo, L’aristotelismo délia scolastica, p. 127-152 ; voir Aristotélisme, t. i, col. 1875 sq., mais la foi et l’Écriture, non qu’elles dictent à la philosophie ses conclusions — règle positive — mais qu’elles lui garantissent les vérités dont elle ne peut se départir sans dévier — règle négative. Par là si les explications scolastiques évoluent et profitent, les conclusions demeurent celles de la tradition. Tout en allant aux cours de Platon et d’Aristote, la scolastique avait d’autres maîtres.

Derniers scolastiques.

Après le grand travail

du xiii° siècle, la synthèse scolastique reste en possession jusqu’à Descartes, avec ses thèses principales de l’acte pur, de l’exemplarisme, de la création ex nihilo, avec celles qui découlent de la création : conservation et concours. Les divergences qui séparent les docteurs portent ou sur la critique des preuves, ou sur des problèmes accessoires dont le cadre de cette étude ne nous permet pas de rendre compte.

A côté de l’école augustinienne qui s’efface et de l’école albertino-thomiste qui progresse, l’école scotiste inaugure une critique toujours subtile, souvent profonde, mais plus habile à reprendre le côté faible des formules qu’à les corriger par des explications meilleures ; les obscurités de la distinction formelle a parle rei ne simplifient pas les solutions. 1. Werner, .I. Dans Scolus, in-8°, Vienne, 1881, c. xi, xii, p. 372 sq.

Le volontarisme et l’excès de la dialectique déterminent une tendance sceptique et fidéiste qui s’accuse très nettement dans Ockam et l’école terministe. Telles les spéculations de Thomas Bradwardin. De Wulf, op. cit., p. 445 sq., 474. Sous l’influence d’Ockam, Denille, Chartul., t. ii, p. 587, 590, note 4, 7, Nicolas d’Autrecourt enseigne des propositions qui vont à ruiner toute connaissance certaine de la causalité, de la créature et du créateur. Denille, t. ii, p. 576, 587 : Denzinger, Enchiridion, n. 457 sq. ; de Wulf, p. 476, 479.

Par une déformation curieuse des théories thomistes, maître l’.ckart arrive à enseigner que les essences créées, distinctes de Dieu, sont soutenues dans l’être par l’existence même de Dieu. Plusieurs de ses propositions condamnées par Jean XXII, en 1329, respirent un panthéisme mystique. Denille, p. 491 ; Denzinger, n. 428 sq. La création est éternelle.

La renaissance ramène avec les études des Gemistos, Bessarion, M. Eicin, et sans grande critique, les tl de Platon et de l’iotin. échelle des êtres, exemplarisme,