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CRÉATION


l’argument de tradition, c’est L’attachement à cette même règle de foi : laissant de côté le sens propre et les rêveries de la gnose, il faut se résigner à ne savoir de Dieu que ce qu’il en a enseigné lui-même. Philosopha proœm., P. G., t. xvi, col. 3011 ; Adv. Noet., v. ix, P. <>'.. t. x, col. 816 sq. C’est ensuite l’affirmation des mêmes points de doctrine. Le Père est le principe unique « de qui vient toute paternité, par qui, de qui toutes choses existent et nous-mêmes en lui » . Ihid., col. 808 ; cf. n. 11, col. 820. Rien de coéternel à Dieu, n. 10, col. 817 ; mais son isolement n’est pas solitude, jj.ôvo ; ûv t.’j'/’-ji r, v. Ibid. Il a en lui-même son Verbe, par qui il opère toutes choses. Ibid. Ce Verbe, fui àI. ç(oto :, n’est pas un autre Dieu, ibid., n. 10, 11, col. 817, car le Père et le Fils ne constituent qu’un seul principe d’opération, une seule vertu, Sffov u.sv y.xTà S-jvocjuv, si ; éste 8e6ç, n. 8, col. 816 ; n. 10, col. 817. Le Père commande, le Fils obéit, l’Esprit enseigne, n. 14, col 821. Dieu crée par un acte immobile de sa volonté, ibid., fragm. i, col. 832 ; fragtn. ii, col. S61, quand il veut, comme il veut, Qj’o ; yàp r, v. Adv. Noet., n. 10, col. 817, et si le comment de la création reste un mystère, le fait du moins s’impose à nous. Ibid., n. 16, col. 825.

Ce qui est plus spécial à saint Hippolyte, c’est sa tentative pour expliquer l’origine de ces hérésies. Ce sont, dit-il, des déformations de doctrines philosophiques, « qui l’emportent par l’antiquité et la piété, » Philosoph., proœm., P. G., t. xvi, col. 3021, et les hérétiques ne sont que des plagiaires y.’/.v^u.oyrj’.. Ibid. A vrai dire, de même que sa connaissance des philosophes n’est pas de première main, mais paraît dériver de deux manuels contemporains, Deels, Doxographi grseci, Rerlin, 1879, p. 133 sq., ses explications sont parfois contestables ; tels les rapprochements entre Marcion et Empédocle, entre le monisme d’Heraclite et le monarchisme de Noet. Il est plus heureux, quand il expose l’évolution interne des sectes gnostiques et leurs rapports de filiation.

D’ailleurs, avant de quitter ces héréséologues d’Occident, il peut être utile de résumer leur œuvre à tous et d’esquisser une appréciation. Or, 1° au point de vue dogmatique : 1. le créalianisme s’affirme chez eux très net, à l’opposé du monisme panthéiste et du dualisme, avec tout ce qui le caractérise : unicité stricte du premier principe, liberté souveraine de son acte, bonté qui l’inspire ; 2. le rôle du Logos est décrit par eux avec complaisance. C’est le démiurge. Toutefois leur Logos n’est pas un principe immanent comme dans le panthéisme d’Heraclite, d’Épicure ou de Chrysippe ; ce n’est pas davantage un intermédiaire au sens gnostique. Par contre, certaines explications de son rôle ministériel, sa génération dans la création et pour la création, la distinction du Verbe interne, ÈvS’âlïToc, et du Verbe externe, irpoçopixôç, décèlent quelques traces de subordinatianisme. Les spéculations de la philosophie profane, sans les faire disparaître, ont altéré du moins quelque peu les données traditionnelles. — 2° Au point de vue critique, on peut rechercher sur les sujets qu’ils réfutent la valeur de leurs informations et de leur exégèse : 1. les difficultés d<’la documentation apparaissent de ce seul fait, que toutes les sectes gnostiques, comme ils l’ont noté, s’entouraient d’un profond mystère. Saint Irénée semble avoir fait des efforts appréciables, les Philosophoumena marquent un progrès. Saint Hippolyte s’est procure des textes nouveaux. Par ailleurs, leur style tourmenté, les similitudes de mots, les rencontres frappantes d’idées mettent en défiance. Cf. ( !. Salmon, The cross références in the Philosophoumena, dans Hermalhena, 1885, p. 389-402 ; Stæhelin, Die gnostischen Quellen des Hippolyls in seiner Uauptschrift gegen die timretiker, dans Texte und Unlersuch., 1890, t. vi, fasc. 3, estiment que notre

auteur aurait été mystifié par quelque faussaire. I documents présenteraient avec quelques éléments authentiques un ensemble de variations habiles sur les thèmes classiques de la gnose. A rencontre de cette opinion, M. de lave. Introduction à l’histoire dugnosl’u isrne, dans la Revue, de l’histoire des ri 1902,

t. xi. vi, p. 161 sq., met en relief les divergences de ces écrits et conclut à la multiplicité des auteurs. En tous cas, l’on s’accorde à reconnaître que nous n’aurions dans ces textes ni des pièces de première main, ni l’écho fidèle de la gnose primitive. — 2. L’exposition différente des systèmes chez saint Irénée, saint Hippolyte, Clément d’Alexandrie, saint Epiphane, cf. Lipsius, Zur Quellenkritik des Epiphanios, Vienne, 1865, avertit d’elle-même que nos auteurs ont eu sous les veux des textes divergents ou qu’ils ont entendu diversement des documents identiques. L’exégèse la plus profonde n’est certes pas celle du polémiste de Carthage. A-t-il vu dans les mythes valentiniens l’idéalisme panthéistique qu’ils cachent et le grave problème qu’ils prétendent résoudre ? Ici encore, ce semble, les l’Iiilosophoumena marquent un réel progrès. L’auteur a signalé’avec justesse toutes les dépendances doctrinales de la gnose relevées par la critique moderne : inlluence égyptienne, Amelineau, Essai sur le gnoslicisme égyptien, Paris, 1887, dans les Annales du musée Guiniet, t. xiv ; inlluence des ophites, Schmidt, Gnoslische Scltriflen in koptischer Sprache, dans Texte und Unlersuch. , 1892, t. viii, fasc. 1, 2 ; inlluence babylonienne, Anz, Zur Frage nacli dem Ursprung des Gnostizismus, ibid., 1897, t. xv, fasc. 4 ; influence des philosophes grecs déjà signalée par l’évêque de Lyon. Freppel, Saint Irénée, 1886, xive leçon. Dans cette besogne délicate, saint Hippolyte pèche sans doute par des rapprochements malheureux et forcés. « Dans l’ensemble, il a vu juste sur l’origine de la gnose. Moins sommaire que celle dTrénée, moins indulgente que celle de Clément d’Alexandrie, sa critique apparaît à qui l’envisage clans un recul suffisant fort instructive et d’ordinaire équitable. Un besoin excessif de simplification l’a trompé quelquefois sur la vraie nature du syncrétis gnostique et lui fait renouer mal à propos le lil de certaines traditions particulières… En dépit de certaines précisions malencontreuses, l’ensemble de ses jugements demeure. » A. d’Alès, op. cit., p. 103 ; cf. p. 92105.

Autre est la valeur de nos héréséologues comme lémoins de la foi, autre leur mérite comme historiens et apologistes. Docteurs chrétiens, ils ont affirmé la création dès la première heure avec grande netteté. Même à l’égard de saint Justin, on ne saurait garder un cloute prudent. Historiens, leur documentation a ses lacunes. Apologistes et philosophes, leur réfutation reste dans ses grandes lignes comme sûre et solide, si l’on considère qu’une ogdoade de plus ou de moins dans la série des éons augmente ou diminue bien peu les répugnances foncières de l’émanatisme ou du dualisme.

Les Pères grecs jusqu’au YliF siècle.

Nous retrouvons

la gnose en Orient. C’est là son pays d’origine et le sol où elle s’est le plus développée. La Judée et la Palestine comptent les sectes des ébionites, des éleésaïtes, des nicolaïles, l’Egypte les naasséniens. les pérates, les ophites. Iiasilide professe à Alexandrie vers 130. Val en tin vers 140. Carpocrate, un peu plus tard, sous Hadrien. La Syrie, d’où est sorti Simon, le patriarche de la gnose, voit dogmatiser à Antioche, au temps même de saint Justin. Ménandre, puis son disciple Saturnin.

L’école catéchétique d’Alexandrie se trouve donc en plein foyer d’hérésie ; elle se trouve de plus an centre du mouvement philosophique le plus intense. Le platonisme, en grand honneur dans ce milieu, n’est