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COUTUME


1. l no cou I urne intrinsèquement mauvaise ne peut i i iblir par aucun laps de temps. Qu’elle soit en dehors du droit, prseter jus, ou contre te droit, contra jus, le droit naturel la réprouve, l’adhésion du législateur lui manquera toujours. Celui qui préfère la coutume à la vérité, agit comme si le Christ avait dit : Je suis la coutume (S. Augustin). Si le supérieur, de son initiative personnelle, confirme une coutume, elle obtient dès lors force de loi et crée obligation. Cette conclusion n’a besoin d’aucune démonstration. De même, si l’on peut légitimement présumer l’adhésion tacite du législateur, la coutume est prescrite. Ainsi, lorsque pouvant réclamer contre une coutume, par ailleurs légitime, le législateur se tait, dès lors le temps n’est plus nécessaire, elle est confirmée.

Et même, lorsque le législateur se trouve dans l’impossibilité de protester, si l’usage est légitime en son fond, et se trouve prseter jus, en dehors de la loi, il doit être considéré comme admis. Si la coutume est contraire au droit, contra jus, on ne peut jamais inférer son acceptation, si le supérieur est dans l’impossibilité de parler. Quelque durée que possède l’usage, on ignore toujours si le silence du législateur n’est pas seulement diplomatique. Lorsque le supérieur ignore l’usage raisonnable qui s’est implanté, on peut invoquer le consentement juridique ou légal, qui réclame une certaine durée d’existence.

C’est sur ce point que se multiplient les controverses doctrinales que nous allons indiquer. Quel est le temps requis pour légitimer cet usage ?

2. Il s’agit ici aussi de distinguer les coutumes contraires au droit, contra jus, et celles en dehors du droit, prseter jus.

Pour ces dernières, comme elles ne sont opposées à aucun droit, la jurisprudence admet que dix ans suffisent pour qu’elles prescrivent. En effet, le texte des Décrétâtes, dist. XII, c. 7, déclare révoqués tous les usages qui ne peuvent invoquer un long délai, c’est-à-dire dix ans. Donc ce temps suffit pour que l’usage prseter jus prévale, d’après les décisions des souverains pontifes, et selon l’enseignement uniforme de l’école.

L’entente est loin d’être complète, quand il est question de la coutume contraire au droit, contra jus. Les commentateurs se partagent entre trois opinions diverses.

Les uns réclament une durée de quarante ans pour abroger une loi qui a été en exercice ; ils s’appuient sur des décisions de la Rote qui exigent ce laps de temps. Si la loi n’a pas fonctionné, ils ne demandent pour l’abroger qu’une coutume décennale ; parce qu’il ne s’agit pas d’abolir une loi existante, mais d’en empêcher l’établissement. Ceux qui répudient ce sentiment n’admettent pas le bien fondé de cette distinction ; ils disent que l’élément substantiel de cetle prescription repose sur la volonté du législateur ; la durée ne possède qu’une valeur secondaire.

D’autres, au contraire, proclament, sans distinction entre les lois acceptées ou non, la nécessité de la prescription quarantenaire, pour la coutume contra logera. D’une part, disent-ils, si la loi n’a pas été acceptée, elle est caduque ; elle n’a besoin pour (’Ire abrogée d’aucune période de temps. Si elle a été admise, le droit canonique requiert la prescription de quarante ans. C. Audilis, De præscri]>lionibus.

Quelques auteurs ont voulu introduire une autre distinction. Lorsque le législateur est présent, disent-ils, la prescription décennale suffit ; s’il est absent, ils demandent la période quarantenaire. On ne saisit pas bien la valeur de cette distinction. Le législateur est toujours présent par la loi que manifeste sa volonté ; puis, les coutumes raisonnables peuvent être canonisées, non seulement par acte exprès du supérieur, mais en vertu du principe juridique de l’adoption des coutumes raisonnables.

Enfin, une opinion généralement adoptée, écartant toute distinction, admet que dix ans suffisent à la coutume raisonnable pour abroger une loi. Rien dans le droit ne s’oppose, établissent ses partisans, à l’adoption de la période décennale. En outre, de cette façon, l’harmonie existe entre le droit civil et le droit ecclésiastique ; ce qui est toujours désirable. Quant aux décisions de la Rote, exigeant la prescription quarantenaire, ils répliquent qu’il est question dans les sentences de ce tribunal, non de l’abrogation des lois, mais des litiges concernant les biens ecclésiastiques. Ce qui est tout différent.

Toute cette variété de sentiments est de nature à compliquer cette question de la coutume, bien nébuleuse par elle-même. Aussi, bien des commentateurs concluent sagement : la prescription quarantenaire suffit certainement pour l’abrogation des lois ; la prescription décennale est le minimum requis. Mais devant les difficultés très graves que toutes ces contestations soulèvent, il est nécessaire de consulter les hommes prudents, et même d’attendre une décision de l’autorité compétente.

IV. Effets de la coutume.

L’enseignement commun attribue à la coutume légitimement introduite quatre effets principaux. Elle interprète les lois ; elle les établit ; elle annule les actes contraires ; elle abroge les lois.

Elle interprète les lois.

C’est un principe de

droit, que l’usage est le meilleur interprète de la législation. Si de interpretatione legis quxratur, imprimis inspiciendum est, quo jure civitas rétro in ejusmodi casibus usa fuisset, optinia enini est legum interpres consuetudo. Digeste, 1. I, tit. iii, De leg., 1. 37. L’interprétation fournie par la coutume légitimement prescrite est authentique, c’est-à-dire elle crée obligation légale. Celle qui repose simplement sur la réitération des actes homogènes, n’ayant pas encore en sa faveur la prescription du temps, s’appelle interprétation doctrinale ou probable. Elle est d’un grand poids ; il est difficile en effet que la communauté puisse revenir sur une interprétation pratique qu’elle a donnée à une loi durant des années ; il est moralement’certain qu’elle a été poussée dans ce sens par l’instinct du bien général.

Elle établit la loi.

D’après la doctrine commune,

il est admis que la coutume légitime supplée le silence de la loi sur certains points. Voilà comment la coutume prseter jus peut s’ériger en disposition législative, obligeant au for externe et au for interne. Ainsi, si. par suite d’un usage régulièrement prescrit, une population célèbre un jour de fête comme obligatoire, l’obligation de conscience s’en imposera à tous les intéressés. On cite dans ce sens ces paroles de saint Ambroise : Cum Romani venio, jejuno sabbato ; cum Mediolani sum, non jejuno. Ainsi les usages légitimes font loi.

Elle annule les actes qui lui sont contraires.


Comme nous l’avons fréquemment dit, la coutume, confirmée par l’assentiment du supérieur ou régulièrement prescrite, a force de loi. Or la loi infirme tous actes contraires à ses dispositions. Partant la coutume doit nécessairement posséder le même privilège. Ainsi, de par l’usage, quelques sujets d’une certaine catégorie, aspirant aux bénéfices ecclésiastiques, sont de fait inéligibles et inhabiles à les posséder, de même, une élection, faite contrairement aux usages légitimes, demeure nulle et de nul droit.

Elle abroge les lois antérieures.

Nul ne conteste,

d’une façon générale, qu’une coutume légitime abroge les lois préexistantes. Le droit commun s’exprime formellement sur ce point ; et la jurisprudence confirme ce principe. Il suffit que la loi elletnême n’interdise pas comme abusives les coutume : -